La souffrance des soignants et la violence des discours

21 octobre 2019 | Stress Travail et Santé

Un patient n’est pas un usager, le soin est bien plus qu’un service. Le discours utilitariste et marchand qui envahit l’hôpital nie le caractère traumatique de toute situation de confrontation à la mort et à la douleur. Témoignage d’un soignant.

Certains discours deviennent violents parce qu’ils vident les mots de leur substance ; oubliant l’impact et l’adéquation que ceux-ci doivent avoir avec la réalité.
Dans la toute-puissance du discours utilitariste, la complexité ne peut pas exister et les traumas répétés sont effacés et niés. Le système issu de ses mots, à l’instar de l’individu violent, essayera d’induire une pensée magique. Certaines personnes polluées par ce langage, face à l’échec de la maîtrise, s’embourberont dans cette emprise. Alors ces violences s’imposeront sournoisement, et s’ajouteront aux sollicitations extrêmes, mobilisant toutes les énergies et manipulant les culpabilités.
Il y aura alors trois grandes conséquences : la fuite dans le réactionnel, la croyance absolue en «l’efficacité», la transposition idéale d’un schéma.
Qui peut sortir indemne en voyant la maladie, la détresse, la souffrance et la mort chaque jour ? Qui ne sera pas tenté de se jeter à corps perdu dans son système de défense face à ces détresses ? Pourtant ce n’est pas cette confrontation avec le réel qui épuise les soignants mais la non-reconnaissance de la gravité de la relation de soin et l’incroyable impression que le patient est secondaire.

Schémas d’un autre temps

Il faut une forme de gratitude en ce soin prodigué, le soin n’est pas un service, il est bien plus car il touche au vulnérable de l’homme. Le soin n’est pas la somme d’actes traçables ; il n’est pas que des gestes codifiables. Ces discours tentent de dominer pour éviter les défaillances, ils tentent de combler ce qu’ils ne comprennent pas. A l’image d’un pompier pyromane, ils voudraient éteindre un feu qu’ils ont allumé, mais ce n’est qu’une vaine tentative de transposer des schémas d’un autre temps afin de se convaincre qu’ils sont dans la maitrise.
De ce fait, les soignants sont mis en place d’objet ; l’identité et la souffrance sont niées ; le lien à l’autre est mis en difficulté ; le relationnel n’existe plus. Alors les traumas, amplifiés, induiront des fuites, des replis sur soi, des conduites d’hostilité ou de froideur. Tous les repères seront effacés.
Le travail des soignants est sous-estimé, seul les «actes» sont validés, seul les «actes» sont priorisés.
Les valeurs du soignant sont bafouées, envahies par l’utilitarisme, la non reconnaissance et le sous-effectif.
Malheureusement, dans l’enlisement il est parfois bien difficile de faire la part des choses entre sociétal, institutionnel, organisationnel, relationnel et intime.
Et chacune de ces problématiques se mêlent et s’emmêlent au point où chacun et chacune, même pétris de bonne volonté se fixent sur ses défenses. D’aucuns fuiront, d’autres s’épuiseront, certains remettront en cause leurs propres valeurs.

Lire la suite, « Discours marchand », sur le site www.liberation.fr

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