Les métiers de l’aide à domicile et du grand âge ont des taux d’accidents du travail et de maladies professionnelles parmi les plus élevés. Leur pénibilité induit des difficultés de recrutement et un turn over incessant qui impactent la prise en charge des patients. A l’aube des présidentielles, les acteurs du secteur interpellent les candidats sur l’urgente nécessité d’en améliorer la sécurité et les conditions de travail.
Améliorer la sécurité des métiers du grand âge pour maintenir en emploi ceux qui y travaillent et attirer de nouveaux talents. Tel est l’enjeu affiché des acteurs de ce secteur où la demande est croissante et où l’on peine à recruter. Réunis le 23 février autour d’Annie Vidal, députée de Seine-Maritime et membre de la commission des Affaires sociales, parlementaires et professionnels ont participé au lancement d’une campagne de communication, « Pour que soigner ne soit pas un risque », sur le besoin de sécurité au travail des personnels dans les soins aux personnes âgées.
Le moyen de faire entendre leurs attentes et de trouver écho auprès des futurs présidentiables. Guillaume Gontard, président de la Fédération des associations d’aides-soignants (Fnaas), Daniel Guillerm, président de la Fédération national des infirmiers (FNI), Agnès Firmin Le Bodo, députée de Seine Maritime, membre de la commission des Affaires sociales, Catherine Berg, pharmacien praticien hospitalier en Ehpad dans le territoire de Belfort ont ainsi échangé leurs réflexions et livré leurs témoignages.
L’attractivité et la sécurité des métiers du grand âge se doivent d’être au centre des politiques publiques, avance d’emblée Annie Vidal. Notre pays est engagé dans une transition démographique de grande ampleur: en 2030 les personnes de plus de 65 ans seront plus nombreuses que celles de moins de 20 ans, en 2060 les plus de 85 ans seront 4 fois plus nombreux qu’aujourd’hui. Cela signifie que le nombre de personnes en perte d’autonomie va augmenter, et qu’il restera essentiel de les accompagner. Pour prendre en charge ces personnes, nous comptons aujourd’hui en France 178 000 aides-soignants dont 155 000 en Ehpad, 45 300 infirmiers dont 40 000 en Ehpad. Mais on estime qu’il faudra 350 000 professionnels d’ici 2025 pour faire face au vieillissement de la population. Autant de professionnels qui devront être formés et sensibilisés aux risques de leurs métiers.
La formation, un levier d’attractivité
Certes des avancées ont été actées cette dernière année par les acteurs du secteur: les revalorisations salariales accordées dans le cadre du Ségur (jusquà 250 euros par mois), l’instauration d’un tarif socle de 22 euros (pouvant être augmenté de 3 euros) pour l’heure de prestation à domicile, la création de services « Autonomie à domicile » simplifiant l’accès aux prestations d’aide et de soin via un interlocuteur unique, le renforcement des moyens des Ehpad avec au moins deux jours de médecin coordonnateur et une astreinte d’infirmier de nuit, le remboursement de davantage d’aides techniques pour les personnes en situation de handicap âgées et à domicile, l’enveloppe de 2 milliards d’euros allouée au plan de rénovation et d’aménagement informatique des Ehpad… Une dynamique a été lancée pour améliorer les conditions de travail. Mais elle n’est pas suffisante, et elle est à poursuivre car nous savons tous qu’un professionnel bien formé qui s’épanouit dans son travail renvoie tout cela au personnes qu’il prend en charge, rappelle Anne Vidal.
Renforcer la formation des personnes qui prennent soin de nos aînés va avec l’amélioration des conditions de travail et c’est un levier d’attractivité, souligne la députée qui évoque tout particulièrement l’importance de la sensibilisation au risque de maltraitance inhérent à ces métiers. Une majorité de nos résidents (moyenne d’âge entre 80 ou 85 ans) sont des patient polypathologiques qui exigent des soins accrus et atteints de troubles cognitifs qui peuvent générer de la violence verbale ou physique. Ces facteurs ont un impact sur la qualité relationnelle de la prise en charge et expose les professionnels de santé à une charge physique mais aussi psychologique importante, abonde Catherine Berg, au titre de son expérience de pharmacienne en Ehpad.
Des risques professionnels particulièrement élévés
Un rythme de travail soutenu qui entraîne une fatigabilité certaine, risques psychosociaux, risques infectieux, troubles musculosquelettiques (TMS)… Le fait est que les métiers de l’aide à domicile et du grand âge ont des taux d’accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP) parmi les plus élevés.
En effet, la sinistralité AT-MP en Ehpad et dans le secteur de l’aide et du soin à domicile est trois fois supérieure à la moyenne nationale (1). Pour comparaison, ces métiers connaissent une plus forte sinistralité que ceux du secteur des services relatifs aux bâtiments et aménagement paysager. En 2019, on comptait 118,1 accidents du travail pour 1000 salariés dans l’hébergement médicalisé pour personnes âgées, contre 50,5 pour les services relatifs aux bâtiments et aménagement paysager (2). Pour exemple, selon une enquête récente, dans la prise en charge des patients diabétiques en milieu hospitalier (principalement des patients âgés) 43% de soignants confient avoir subi un accident d’exposition au sang (3). L’un des actes à risque les plus courants dans les Ehpad. Dans nos établissements, on estime entre 20 et 30% de résidents qui présentent un diabète de type 2. L’administration du traitement est un moment à risque pour le personnel soignant qui s’expose potentiellement à une piqûre accidentelle avec l’aiguille, témoigne Catherie Berg. Pour réduire ce risque, nous avons choisi d’équiper nos établissements en aiguilles à insuline à double sécurité. Le surcoût engendré a été mis en balance avec le coût de la prise en charge d’un personnel blessé ou contaminé mais aussi le coût moral. Chaque action, même petite, qui a pour but d’améliorer la qualité des soins contribue à diffuser un message positif pour la protection de nos personnels et participe à soulager la pénibilité et à éviter autant que possible un épuisement professionnel ».
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Lire la suite, « Une forte pénibilité et un turn over récurrent« , sur le site www.infirmiers.com
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Références :
(1) Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge, p.11, Myriam El Khomri, octobre 2019
(2) Livret statistique de la sinistralité AT/MP 2019 du CTN I, Activités de services II, p.18, CNAM, octobre 2020
(3) Étude W.I.S.E. (Workshop on Injection Safety in Endocrinology) – Résultats d’une enquête européenne parmi le personnel infirmier pratiquant des injections chez des patients diabétiques en milieu hospitalier.