Dans des courriers adressés à la SNCF – que «Libération» a pu consulter – deux inspecteurs du travail recommandent de suspendre la conduite des trains en présence d’un seul agent, «dans l’attente d’une évaluation complète des risques».
C’est un soutien de poids que viennent d’obtenir les cheminots, dans le conflit qui les oppose à la direction de la SNCF et au gouvernement. Dans deux courriers consultés par Libération, l’inspection du travail recommande ce lundi à la SNCF de suspendre le dispositif agent seul (EAS) au cœur de la discorde. Cela fait suite à deux précédentes lettres, révélées dimanche par Libération et mettant en garde la SNCF sur le respect du droit de retrait des cheminots.
L’EAS, c’est ce mode d’exploitation qui permet de faire circuler les trains avec le conducteur seul à son bord, donc sans aucun contrôleur. Et c’est justement ce que contestent les cheminots, qui ont déclenché leur droit de retrait après un accident survenu en Champagne-Ardenne la semaine dernière.
Mercredi, un TER a heurté un convoi exceptionnel transportant une machine agricole à un passage à niveau. Le conducteur et onze passagers ont été légèrement blessés. Seul dans le train, le conducteur a été obligé d’abandonner son train et les usagers, pour remonter la voie à pied et prévenir un autre train arrivant en sens inverse. La radio permettant de lancer une alerte avait été endommagée par la collision. Dans des courriers consultés par Libération et envoyés ce lundi à la direction de la SNCF, deux inspecteurs du travail préconisent à l’entreprise de suspendre ce dispositif, dans l’attente d’une évaluation complète des risques.
Ainsi, l’inspecteur du travail de Champagne-Ardenne, où a eu lieu l’accident, écrit à la direction de la SNCF de la région : «Il vous appartient de procéder à une sérieuse actualisation de votre évaluation des risques à la suite de cet accident concernant le poste de travail isolé de conducteur dans le cadre du dispositif EAS [pour équipement agent seul, ndlr].»
Puis poursuit : «A ce jour, vous exposez donc les agent·e·s de la SNCF à des risques manifestement non maîtrisés ou partiellement maîtrisés dans le cadre de votre évaluation des risques. […] Il conviendrait notamment, et dans l’attente d’une évaluation complète des risques et de la mise en œuvre des mesures correctives en découlant de suspendre, notamment, le dispositif EAS en organisant la présence d’un ASCT [agent du service commercial train] dans chaque train.»
L’inspection du travail d’Alsace n’est pas plus indulgente. Rappelant le cadre légal du droit de retrait et les dispositions du code du travail sur le devoir d’obligation de l’employeur sur la santé et la sécurité de ses salariés, elle écrit à la direction régionale que «l’ensemble des documents que vous [avez] transmis […] ne me permet pas de conclure que l’ensemble des risques liés à la conduite d’équipement agent seul ait été évalué conformément aux dispositions du code du travail». Et de conclure : «Je préconise que vous suspendiez la conduite des trains par un agent seul à bord jusqu’à ce que les risques liés au travail isolé des conducteurs soient correctement considérés.»
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