Souffrance au travail et enjeux de santé : le rôle charnière de l’inflammation et du stress oxydant

Stress Travail et Santé

Partager cet article :

La production des connaissances sur la santé au travail est fortement structurée par les enjeux médicolégaux de reconnaissance des pathologies professionnelles.

Les exigences en matière d’imputabilité incitent à privilégier les relations simples entre facteurs et effets et à faire de l’épidémiologie l’arbitre quasi exclusif en cas de contentieux. Dans ce cadre, la complexité des relations entre les différents éléments de contexte et l’histoire personnelle des victimes demeure ignorée et incomprise. Pourtant, les connaissances biologiques évoluent très rapidement et sont susceptibles de donner une meilleure compréhension de la genèse des pathologies et en particulier des interactions entre les différentes nuisances et contraintes du travail. Ces avancées permettent aussi de mieux comprendre les liens entre la souffrance psychique et les atteintes somatiques. Et pourtant, elles sont très peu relayées dans le milieu des professionnels de la santé au travail. L’objectif est donc ici d’attirer l’attention sur un certain nombre de connaissances considérées comme établies dans d’autres champs de la recherche sur la santé. Dans ce but, nous partirons du cas d’une patiente que nous avons reçue pour avis spécialisé, dans une consultation hospitalière de pathologie professionnelle. Ce cas met en scène, d’une façon particulièrement accentuée, des phénomènes que nous rencontrons dans une part majeure de nos consultations.

1. L’histoire de Madame B

Cette patiente que nous nommerons Madame B. a 51 ans. Elle est mariée et mère de deux enfants, âgés de 25 et 27 ans, encore partiellement à charge. Elle n’évoque pas de difficultés sur le versant familial. Elle se dit, au contraire, soutenue par ses proches. Elle ne signale pas d’antécédents médicaux notables : ni problèmes ostéoarticulaires, ni anxiété particulière avant le début de ses difficultés professionnelles, huit ans plus tôt.

Elle est entrée sur le marché du travail, à 19 ans, armée de son baccalauréat option secrétariat. À 22 ans, elle a été recrutée au sein de l’établissement bancaire dans lequel elle a fait sa carrière professionnelle. Pendant les 21 ans qui suivent, elle occupe sans problème différentes fonctions dont celle de guichetière. Elle est bien notée par son encadrement.

Les difficultés vont commencer au moment où les guichets sont supprimés et remplacés par les appareils automatiques. Des postes d’accueil sont alors mis en place à l’entrée des agences. À cette époque, elle a sollicité sa mutation à un poste d’assistante mais son directeur a refusé : il tient à ce qu’elle prenne le poste d’accueil. L’enjeu est important : l’agence est une des premières à expérimenter ce nouveau système et le directeur souhaite vivement que cette expérience pilote soit une réussite.

Elle est sensible au fait de se voir confier une telle responsabilité, elle s’engage vaillamment dans ce qui lui apparaît comme une mission importante pour l’agence. Elle est cependant rapidement confrontée à une série de difficultés.

Elle décrit tout d’abord un poste dont l’aménagement dimensionnel laisse sérieusement à désirer. Le contact avec le client a lieu à travers un comptoir élevé derrière lequel l’employée est assise sur un siège haut, du type siège de bar. Cette banque d’accueil comporte des tiroirs qui font face aux jambes de l’employée ; l’imprimante est proche du niveau du sol. L’accès à ces différents éléments impose d’importantes contraintes gestuelles, en particulier au niveau du rachis. Dans la mesure où les sièges sont dotés de roulettes autobloquantes, avancer ou reculer pour accéder aux divers éléments de rangement impose une gymnastique très particulière : les pieds ne touchant pas le sol, l’appui des coudes sur la banque permet de soulager le siège du poids du corps et de le déplacer par petites secousses, vers l’avant ou vers l’arrière.

Pendant toute la première année, le poste d’accueil est exposé aux courants d’air liés à l’ouverture automatique des portes chaque fois que quelqu’un passe sur le trottoir. Le premier hiver, les employées de l’accueil auraient travaillé dans le froid.


Lire la suite de l’article de la revue PISTES (Perspectives Interdisciplinaires Sur le Travail Et la Santé) sur le site https://journals.openedition.org/pistes/4953
Plan :
1. L’histoire de Madame B
2. La réaction biologique de stress
2.1. La perturbation de la chaîne respiratoire mitochondriale
2.2. La mobilisation des dispositifs de « nettoyage »
3. Les pathologies du stress
3.1. Le stress et les troubles musculo-squelettiques
3.2. Le stress et la dépression
3.3. Le stress et les maladies cardiovasculaires
4. Le contrôle de l’inflammation dans la réaction de stress
5. Retour à Madame B
6. Au-delà du cas de Madame B

A lire dans le magazine

Réseaux Sociaux

Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour des infos spéciales ou échanger avec les membres de la communauté.

Aidez-nous

Le site Souffrance et Travail est maintenu par l’association DCTH ainsi qu’une équipe bénévole. Vous pouvez nous aider à continuer notre travail.