Ces dernières semaines, comme en écho au malaise hospitalier, plusieurs jeunes internes se sont suicidés ou sont morts de façon inexpliquée.
C’est une réaction de surprise d’un médecin de 60 ans : «Quand j’ai fait mon internat et mon assistanat il y a quarante ans, nous n’avons déploré aucun suicide. Pourtant nous n’avions pas de récupération de garde… Que s’est-il passé dans les hôpitaux et dans notre société pour que nos jeunes pleins d’énergie, avec un boulevard pour faire carrière, ne voient pas le bout du tunnel ? Les administrations se sont-elles remises en cause au travers de leurs réglementations aveugles et parfois débiles ?»
«C’est devenu une habitude»
Le constat est là, chargé de doutes et d’incompréhensions. Que se passe-t-il, en effet, pour que ce monde plutôt préservé de l’hôpital semble aujourd’hui en proie à un mal-être parfois dramatique ? L’année dernière, on évoquait un nombre inquiétant de suicides au sein du personnel soignant. Depuis quelques mois, plusieurs suicides ou morts inexpliquées de jeunes internes sont à déplorer. Comme le raconte la Revue du praticien, dans les derniers jours de décembre, Clara, jeune interne en médecine générale qui effectuait un stage à Mirande, s’est tuée en voiture, sur la RN21. «Sans que l’on puisse déterminer pourquoi la jeune femme de 26 ans a perdu, en fin d’après-midi, le contrôle de son véhicule.» Un accident resté sans explication à ce jour.
Quelques jours plus tard, c’est à l’hôpital de Pontoise que les médecins des urgences prennent en charge un de leurs confrères qui s’est endormi sur l’autoroute, de retour d’une garde difficile. A Strasbourg, la semaine dernière, un interne de médecine générale de 25 ans s’effondre dans le service de gériatrie. La cause ? Un accident cardiaque, mais rien ne le laissait présager. Enfin, ce week-end, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) révèle le suicide de Marine, interne en dermatologie dans un service réputé difficile à Paris. Dans un texte, «Lettre pour Marine», Pierre Hamann, ancien président l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) a évoqué son «immense tristesse» : «Femme emplie d’enthousiasme, de bonheur, de gaîté qui rayonnait sur son passage, elle nous a quittés brutalement, sans que nous puissions agir, nous laissant ce goût amer d’impuissance. Les raisons de son acte sont issues d’un profond mal-être, qui comme bien souvent dans ces circonstances est multifactoriel.» Puis il fait ce constat : «C’est devenu une habitude pour nous, jeunes médecins, en formation, d’apprendre le suicide d’un confrère, d’une consœur, de nos collègues médicaux, paramédicaux dont l’encadrement des risques psychosociaux n’est pas à la hauteur.»
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Via Libération