Paul Virilio : la tyrannie de la vitesse

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Le sentiment que tout va trop vite dans un monde standardisé ? Bien avant l’avènement du web 2.0, Paul Virilio avait décrit cette réalité qui nous échappe. Le philosophe et architecte a bâti sa pensée autour de la tyrannie de la vitesse.

“Notre monde est à la fois catastrophique, apocalyptique et merveilleux, il est les deux à la fois. Tout va plus vite, tout est enrichissant et tout est plus dramatique.” C’est ainsi que Paul Virilio décrit son époque en 1997, dans un débat sur France 2, sous le regard mi-amusé, mi-paniqué de ses contradicteurs. Regarder des archives de Paul Virilio des années 1990, c’est se rendre compte à quel point ses propos pourraient convenir à notre propre époque.

Philosophe de la vitesse, théoricien de l’architecture et de l’urbanisme, Paul Virilio a développé tout au long de sa vie une théorie critique de l’accélération et du progrès. Il a prophétisé la tyrannie du virtuel, la dictature de l’instantané, la globalisation des émotions à une époque ou internet n’avait pas encore envahi nos foyers.  

« C’est vraiment le premier, français du moins, qui va faire du progrès et de l’accélération, la mesure même des évolutions technologiques et la preuve même du progrès. La vitesse est une violence, dit-il, non-sanctionnée, personne ne la contrôle. Et gagner du temps, expliquera-t-il, c’est perdre le monde.” 

Thierry Paquot, philosophe

Né à Paris en 1932, Paul Virilio est un enfant marqué par les images de la guerre, notamment par la rapidité incroyable avec laquelle les bombes américaines rayent de la carte une partie de la ville de Nantes, en 1943.

Thierry Paquot : “Ça va marquer Paul, de manière inconsciente d’abord, la disparition de quelque chose qui semblait excessivement solide, des bâtiments, des constructions, etc… Quelque chose qui était là depuis des siècles et puis qui tout d’un coup, disparaît par la voie des airs. Chez Paul Virilio, ça va être très important de montrer que l’aviation et l’avion modifient notre perception du monde et évidemment.

Passionné d’artisanat et d’architecture, il suit une formation de maître verrier à Paris et enseigne à l’École spéciale d’architecture. À une époque d’essor de nouveaux moyens de transports plus rapide. Il commence à développer une pensée autour de cette accélération des échanges qu’il développe en 1977 dans Vitesse et politique : essai de dromologie.

“L’ensemble de l’humanité avance pendant des millénaires à la vitesse du marcheur, puis du cavalier, puis du train, puis de l’automobile. La vitesse aura pour lui comme principal effet l’effacement de la distance, ce qu’il appellera la fin de la géographie. Il est l’un des premiers qui a l’intuition que nous avançons avec les technologies dites “nouvelles” à cette époque-là vers l’ubiquité, l’instantanéité. Et ça, à l’époque, beaucoup de gens n’y croyaient pas. C’est quelque chose qu’il fallait philosophiquement penser.”

Thierry Paquot

Le philosophe propose même la création d’un ministère du Temps qui permettrait de reprendre pied dans le réel.

Avec le progrès, l’invention de l’accident

Pour lui, le progrès s’accompagne forcément d’une part d’ombre, d’un danger. Il développe une théorie autour de l’accident, comme il l’explique, « Inventer l’avion, c’est inventer le crash. Inventer le navire, c’est inventer le naufrage. On ne peut pas censurer l’accident. » 

Thierry Paquot : « On n’est pas dans un progrès itératif, progressif, continu, on est dans des ruptures qui s’enchaînent les unes avec les autres et ces accidents là, on ne peut pas les prévoir. »

Penseur libre et prolifique, autodidacte non rattaché à une université, il développe ses idées dans des revues philosophiques. Paul Virilio anticipe de plusieurs décennies les théories de l’effondrement, de l’anthropocène et la collapsologie. 

La globalisation des émotions

Lire la suite, « La globalisation des émotions », sur le site de France Culture : « Jusqu’à sa mort, en 2018, l’intellectuel alerte sur le danger politique que représente la vitesse de l’information, avec une actualité qui en balaye une autre le lendemain, créant une amnésie collective et instaurant la dictature de l’émotion.« 


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