Un documentaire retraçant la crise sociale chez l’ex-PTT sera présenté au public mi-septembre. Alors qu’un élan de solidarité s’est créé autour du projet, la direction d’Orange, elle, refuse d’en entendre parler.
Un long métrage pour remonter aux racines des années noires. Le projet Par la fenêtre ou par la porte, titre inspiré par les mots scandaleux prononcés par Didier Lombard, l’ancien PDG de France Télécom au moment de la crise sociale, tient du miracle. Pendant le procès en appel qui s’est soldé en 2022 par une nouvelle condamnation des ex-dirigeants pour harcèlement moral institutionnel, Patrick Ackermann, représentant de SUD PTT dont la plainte en 2009 avait lancé la machine judiciaire, se demande comment laisser une trace de cette affaire emblématique de la souffrance au travail. « Je m’étais mis en tête d’écrire un livre, explique-t-il. Une rencontre m’a convaincu de faire un documentaire. Ce qui s’est passé ensuite est quasi miraculeux. »
« J’avais onze ans, quand ma mère m’annonça sur le pas de la porte le décès de mon père »
Un élan collectif se tisse rapidement autour du film. Les acteurs du dossier, médecins du travail, inspecteur du travail, mais aussi certains grands témoins, artistes ou chercheurs, comme la sociologue Danièle Linhart, qui avaient écrit des chroniques lors des deux procès, ont répondu présent. Sans hésiter, 150 victimes indemnisées par la justice ou Orange ont mis la main à la poche. 33 000 euros ont ensuite été récoltés via une campagne sur la plateforme de crowdfunding Kiss Kiss Bank Bank.
Ce documentaire, auquel Ariane Ascaride a accepté de prêter sa voix, s’ouvre sur des esquisses de visages des proches des victimes. « Onze ans, j’avais onze ans, quand ma mère m’annonça sur le pas de la porte le décès de mon père », raconte Mathieu Louvradoux, fils de Rémy qui s’était immolé par le feu en avril 2011.
« L’histoire de sa mort, une parmi les dizaines d’autres, doit être gardée en mémoire comme étant la preuve que leurs profits ont valu plus que sa vie. »
Une fois aux commandes du projet, Jean-Pierre Bloc, réalisateur de plusieurs films sociaux, a replongé dans les prémices de la privatisation. Il a trouvé de saisissantes images d’archives des manifestations massives organisées par les syndicats, et notamment la CGT, à la suite de la publication le 30 juin 1987, par la Commission européenne, d’un livre vert sur le développement d’un marché commun des services et équipements des télécommunications. « J’ai été frappé par la promesse permanente des politiques de ne pas privatiser, à droite comme à gauche pour finalement faire le contraire », appuie-t-il. Du côté de la direction de l’entreprise, dont l’État est l’actionnaire principal, l’heure est au contraire à l’euphorie, symbolisée par le jeté de jambe de danseuses de french cancan lors de l’introduction en Bourse à Wall Street, en 1997.
… Par la fenêtre ou par la porte …
Pour répondre aux exigences de rentabilité et désendetter France Télécom, la machine à broyer va bientôt se mettre en route, avec un objectif de 22 000 départs à réaliser entre 2006 et 2009 « par la fenêtre ou par la porte » donc , selon les propres mots de l’ex-PDG Didier Lombard. Les conséquences sociales seront désastreuses, avec des dizaines de suicides.
Une des surprises de cette œuvre, qui adopte un prisme syndical assumé, réside d’ailleurs dans l’interview du successeur de Didier Lombard, Stéphane Richard, qui avait à l’époque mis place un nouveau contrat social. « J’ai trouvé une entreprise qui était un peu en état de choc, avance l’ex-directeur général, plongée dans une forme de dépression collective. Il y a eu quelques décisions symboliques qui ont montré que je n’étais pas dans le déni de ce qui avait pu se passer. » Pour Jean-Pierre Bloc, la présence de celui qui a quitté la tête du groupe en 2022, et dont le bilan n’est pas non plus tout rose, « apporte un autre point de vue. Quand on lui a demandé, il a tout de suite accepté ».
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