Suicides à France Télécom : cinq dates pour comprendre l’affaire

Mise à jour le 12 mai 2022 | Suicide Au Travail

Le procès en appel d’anciens dirigeants de France Télécom s’est ouvert mercredi 11 mai à Paris, plus de deux ans après leur condamnation inédite pour harcèlement moral, à la suite d’une série de suicides de salariés. L’affaire remonte à 2004, lorsque l’entreprise a basculé dans le privé.

Un article de Esther Serrajordia pour le journal La Croix

Le procès en appel des anciens dirigeants de France Télécom s’ouvre ce mercredi 11 mai à Paris. Il devrait durer jusqu’au 1er juillet. En décembre 2019, l’entreprise était devenue le premier groupe du CAC 40 condamné pour un « harcèlement moral » institutionnel à l’issue du plus gros procès sur le sujet jamais organisé en France.

Septembre 2004, France Télécom bascule dans le privé

Le 1er septembre 2004, l’État abaisse sa participation dans l’entreprise à moins de 50 %. Le groupe bascule dans le privé et une nouvelle ère s’ouvre par un plan de réorganisation baptisé « NExT » (Nouvelle expérience de télécommunications).

En octobre 2006, le PDG Didier Lombard annonce que, d’ici deux ans, « il faut absolument réaliser » 22 000 départs sans licenciements. C’est un salarié sur cinq du groupe qui à l’époque emploie 110 000 personnes. Lors du premier procès, les juges d’instruction ont considéré qu’il s’agissait en réalité d’un plan social déguisé.

De 2006 à 2008, un climat anxiogène s’installe

Le parquet reproche à l’entreprise d’avoir très vite mis en place un « climat professionnel anxiogène ». Tous les moyens étaient bons pour arriver aux objectifs de réduction des effectifs, a démontré l’enquête : surcharge de travail ou à l’inverse absence total de tâches, incitations répétées au départ, suppression des bureaux des salariés sans les prévenir…

« Je ferai [ces départs] d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte », avait même lancé Didier Lombard à l’époque devant ses équipes dirigeantes. Pour y parvenir, une école de management est même créée au premier trimestre 2006, où plus de 4 000 managers sont formés tous les ans. Des logiciels qui comparent la production et les performances de chacun sont aussi mis en place : ceux qui arrivent en bas de la liste sont les prochains à être poussés au départ.

Mutations forcées, baisses de rémunération, mails incitant au départ : les dirigeants ont élaboré, selon la décision de première instance, « une politique d’entreprise issue d’un plan concerté pour dégrader les conditions de travail des agents de France Télécom afin d’accélérer leurs départs définitifs de l’entreprise ».

Au début de l’année 2008, un premier salarié se suicide

Au mois de février 2008, un salarié de 52 ans travaillant à la centrale téléphonique d’Amboise se donne la mort sur son lieu de travail. C’est le premier d’une longue liste. Très vite, les services de toute la France suivent. Des hommes et des femmes âgés de 28 à 56 ans, pour beaucoup père ou mère de familles, se donnent la mort.

Au total, 39 victimes sont recensées par le parquet : 19 se sont suicidées, 12 ont tenté de le faire, 8 ont subi un épisode de dépression ou ont été mises en arrêt de travail.

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