Dominique, la maman de Jean-François qui s’est suicidé en avril dernier à son domicile, estime qu’il faudrait faire plus pour éviter ces drames.
Dominique Cid-Chabot est une femme brisée par la mort de son fils mais une femme debout. Le 4 avril, elle apprenait le suicide de Jean-François Blochet, son fils. Après vingt-et-un ans dans la police, donc treize dans une Bac de nuit, l’homme de 38 ans s’est pendu à son domicile. Elle raconte la vie de son garçon et ses conditions de travail qui ont toujours empiété sur sa vie privée. Témoignage.
« Je savais que le métier de Jean-François était dangereux. Quand il me disait : je ne travaille pas ce soir, je me sentais soulagée : au matin, je n’aurai pas de mauvaise nouvelle. J’ai appris la mort de mon fils, le 4 avril, alors que je rentrais du travail. Il s’était suicidé à son domicile, dans l’Ain.
Depuis, c’est une plaie béante. Les affaires de Jean-François ont été rendues à ma belle-fille dans un simple carton. Presque en catimini. Mais aux obsèques, ce sont trois cents policiers qui sont venus. Ils m’ont offert une plaque avec son matricule. Et, encore aujourd’hui, ils restent très présents. Son major est venu à la maison pour me dire que tous les soirs au moment de la prise de service, ils parlaient de Jeff. C’était sa deuxième famille. Jean-François avait vingt-et-un ans de police derrière lui dont treize à la Bac de Lyon.
Treize années de Bac, la nuit, c’est vraiment trop long. Il aurait fallu le faire tourner dans d’autres services. Il ne disposait que d’un week-end sur sept, et encore pas toujours complet. Une vie professionnelle avec des horaires décalés en totale déconnexion avec la vie de famille.
Si un flic se plaint, c’est un aveu de faiblesse
Jean-François était en cours de séparation avec ma belle-fille, eux qui ont quatre enfants, âgés de 3 à 13 ans. Ils avaient décidé de faire une pause chacun vivant dans un appartement. C’est dur d’être femme de flic. J’en sais quelque chose. Mon père était flic, ma nièce est flic, mon beau-frère et mon frère sont retraités de la police, mon ex-mari travaille dans la police municipale. La femme de Jean-François ne voulait plus d’arme à la maison et elle avait raison. Elle le sentait fragilisé. Mais quand on veut en finir… Jean-François s’est pendu.
Si un flic se plaint, c’est un aveu de faiblesse. De toute façon, Jean-François était trop fier pour ça. En août, il avait prévu de faire Evian-Chamonix à pied en solitaire. En 2015, il a voulu passer les examens pour intégrer le Raid, son vœu le plus cher, mais il s’est blessé dans les épreuves de sport. Il a vécu cela comme un échec. Toute vie professionnelle, quand elle ne tourne pas bien, déteint sur la vie personnelle.
Le ministre de l’Intérieur m’a appelé deux fois. Prise au dépourvu, j’ai quand même eu le temps d’expliquer à monsieur Castaner que mon fils ne supportait plus ce manque de respect, ces bouteilles jetées à la figure et ces crachats au visage. Imaginez ce que je ressens quand je lis sur les réseaux sociaux, « Champagne ! Un de moins… »…
On considère ce phénomène comme une fatalité
Jean-François parlait peu mais, aux repas de famille, il témoignait du manque de moyens et des conditions de travail quand il fallait prendre en chasse une grosse berline dans une petite citadine ou quand il fallait verbaliser un automobiliste pour une infraction alors qu’eux devaient rouler dans une voiture aux pneus lisses.
…
Lire la suite sur le site www.leparisien.fr