INTERVIEW – Le taux de suicide grimpe avec le chômage, montre une étude récente. Michel Debout, médecin et auteur du Traumatisme du chômage*, explique comment préserver sa santé tout en pointant à Pôle emploi.
Lefigaro.fr – Le chômage a-t-il un impact réel sur la santé psysique et psychologique des salariés ?
Michel Debout – Oui incontestablement. Peu d’études se sont encore intéressées à l’impact du chômage sur la santé, mais une récente publication de l’Inserm a montré que le taux de suicide augmente bel et bien avec la montée du chômage. Entre 2008 et 2010, près de 600 suicides en France lui seraient imputables. D’autres études internationales ont mis en évidence un pic de suicides dans les pays les plus touchés par la crise, comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal.
Mais sans aller jusqu’au suicide, le fait d’être au chômage met en péril la santé psychique et physique. Dans une vie, se retrouver au chômage est un traumatisme. Perdre son emploi, c’est une forme de mort sociale. Comme tout traumatisme, il peut provoquer une perte d’appétit, de sommeil, de l’irritabilité, une perte d’estime de soi… Le risque dépressif est plus fort que pour une personne qui a un travail. Toutes ceux qui recherchent un emploi ne connaissent bien sûr pas toutes ces difficultés. Certaines, du fait de leur expérience personnelle, des proches qui les entourent, de leur situation matérielle, sont moins fragiles que d’autres. Mais c’est une épreuve pour tous les chômeurs.
Le chômage a-t-il un impact sur la vie privée ?
Oui, bien sûr. Le licenciement de près de 700 salariés de Continental s’est soldé par 250 séparations, selon les syndicats. Le chômage met à mal la cellule familiale, qui est pourtant la meilleure protection du chômeur contre la dépression. Il la déséquilibre, surtout lorsque le chômage se double de problèmes financiers. Quand le divorce succède au chômage, ce sont deux épreuves, qui peuvent être perçues comme des échecs, à encaisser coup sur coup…
Que faire pour limiter ces dégâts ?
Il est très important de conserver des liens, sociaux et affectifs. Il faut les soigner quand ils existent, chercher à les créer quand on n’en a pas, en faisant partie d’associations, en pratiquant un sport… Il ne faut surtout pas s’isoler, même s’il peut devenir plus difficile de voir des amis, des relations, parce que les conversations tournent souvent autour du travail.
Il est aussi important de continuer à rythmer ses journées, en organisant sa recherche d’emploi comme une journée de travail par exemple. Sortir, rencontrer des personnes qui font face à la même difficulté. Il faut être attentif au «syndrome de la robe de chambre»: ne plus s’habiller le matin est un signal de déprime, que l’on soit ou non au chômage.
Enfin, parler de la réalité du chômage est capital. Le silence qui entoure le quotidien d’une personne au chômage est culpabilisant. Certains en viennent à douter d’eux-mêmes, de leurs capacités, alors que c’est le marché du travail qui met aujourd’hui des millions de Français dans cette situation. Il n’y a pas cinq millions de personnes incompétentes, il est important de le rappeler.
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