"Le travail" au programme des Rendez-vous de l'Histoire de Blois

15 septembre 2021 | Evènements

Conférence inaugurale, par Alain Supiot, juriste et professeur émérite au Collège de France: « À l’issue de chacune des deux guerres mondiales, les nations s’étaient accordées pour affirmer «qu’une paix durable ne peut être établie que sur la base de la justice sociale» ».

Toute société reposant sur une certaine répartition du travail et de ses fruits, l’injustice de cette répartition, si elle excède certaines bornes, engendre nécessairement la violence.
Mais il est plus facile de s’accorder sur ce qui est injuste que sur ce qui est juste. La division du travail, à une époque et dans une société donnée, dépend de multiples facteurs géographiques, technologiques, politiques, culturels et religieux, en sorte que la justice au travail n’est pas une donnée a priori, mais l’horizon de luttes et de controverses toujours recommencées. Au XXe siècle, le périmètre de la justice sociale avait été limité à la question de la sécurité et des revenus du travail. Aujourd’hui la révolution numérique et les périls écologiques devraient conduire à l’étendre au travail lui-même, en vue de procurer à tous les êtres humains « la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun ».


Extrait de l’interview d’Alain Supiot, intégralement disponible
en page 8 du programme des Rendez-Vous de l’Histoire de Blois 2021

Le thème du festival est cette année “Le Travail”. Aimez-vous travailler et comment travaillez-vous ?
Pour aimer travailler, il faut un travail aimable qui, à la façon d’un véritable ami, soit à la fois compréhensif et exigeant, ni casse-pied, ni casse tête, qui vous aide à exprimer le meilleur de vous-même, qui sache vous témoigner sa reconnaissance et votre utilité aux autres. Le travail universitaire a de multiples facettes qui le rendent aimable : lire, écrire, réfléchir ; et surtout enseigner, qui n’est pas seulement transmettre mais aussi recevoir. On pourrait ajouter dans mon cas « entreprendre », puisque j’ai essayé de bâtir des institutions préservant la liberté intellectuelle et la pollinisation des savoirs, face à la sclérose managériale ou doctrinale qui menace aujourd’hui les Universités.

Vous êtes juriste ; quelle relation entretenez-vous avec les travaux des historiens ?
La plus étroite que possible ! À une époque donnée, le Droit, les sciences et
les arts participent d’un même imaginaire, dont on ne peut saisir la facture que par une mise en perspective historique et comparative. On évite ainsi d’attribuer à nos catégories de pensée une intemporalité et une universalité qu’elles n’ont pas et il devient possible, en s’appuyant sur le meilleur du passé, de tracer les voies de l’avenir. En dévoilant la normativité inhérente à ces catégories, l’étude du Droit peut aussi éclairer en retour l’usage qu’en font les sciences. La liste est longue des concepts qui sont le produit de notre culture juridique et ne peuvent être transplantés dans d’autres disciplines ou d’autres cultures sans un minimum de précautions : loi,
personne, patrimoine, hérédité, religion, contrat, État, société,…

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