Les services de santé au travail sont assaillis de questions face à l’épidémie de Covid-19. C’est le cas notamment dans l’Oise, l’un des foyers de la contamination. Ils doivent aussi adapter leurs consultations pour éviter toute propagation du virus.
Depuis trois semaines, les standards des
services de santé au travail (SST) de l’Oise sont pris d’assaut. Les
salariés du département, le premier touché par l’épidémie en France le
26 février, s’inquiètent. Les employeurs aussi. Ils s’interrogent sur
leurs responsabilités vis-à-vis de la protection de leur personnel, mais
aussi sur la poursuite de leur activité si le virus continue de se
propager. Les sites Internet des SST sont régulièrement mis à jour pour
répondre à cette déferlante de demandes. Des affichettes avec des
messages de sensibilisation ont été réédités pour qu’ils soient mis à la
disposition des entreprises.
Mais cela ne suffit pas. Paniqués, des employeurs demandent aux SST des
listes de salariés infectés par le Covid-19 ! D’autres souhaiteraient
qu’ils s’appuient sur les précédentes visites d’aptitude pour les
renseigner… « Nous leur rappelons que nous sommes soumis au secret
médical et que nous avons des règles de déontologie à respecter. Ils ne
peuvent pas répertorier les salariés les plus à risque », témoigne Angélique Verzele, directrice des services médicaux interentreprises bâtiment travaux publics (SMI BTP) de l’Oise. «
En revanche, nous leur recommandons d’afficher des informations
mentionnant la possibilité pour les salariés qui se sentent concernés de
contacter les services de santé au travail. »
Prise de température des salariés
En l’occurrence, les femmes enceintes, les personnes de plus de 60
ans sont davantage fragiles, de même que celles touchées par des
maladies respiratoires, cardiovasculaires ou chroniques telles que le
diabète, l’hypertension, le cancer, ou encore les patients en situation
de faiblesse immunitaire du fait d’une maladie ou d’une thérapie. Or des
directions téléphonent « pour savoir lesquels de leurs salariés
pourraient être intégrés dans leur plan de continuité d’activité et ceux
qui, à l’inverse, seraient les plus vulnérables face au virus », rapporte Angélique Verzele.
D’autres employeurs prennent carrément la température de leurs salariés
avant de les autoriser à entrer dans les locaux ! La Commission
nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a d’ailleurs rappelé, le 6 mars, dans ce contexte de crise sanitaire, qu’«
il n’est pas possible de mettre en œuvre des relevés obligatoires des
températures corporelles de chaque employé/agent/visiteur à adresser
quotidiennement à sa hiérarchie ; ou encore, la collecte de fiches ou
questionnaires médicaux auprès de l’ensemble des employés/agents ».
Enfin, certains patrons refusent même la venue des membres des équipes
des SST dans leurs locaux, de crainte qu’elles ne contaminent leurs
équipes. « Le caractère anxiogène de la situation fait que les
entreprises ont peur de ne pas avoir mis tous les moyens en œuvre pour
sauver leur activité économique et s’inquiètent pour leurs salariés les
plus fragiles », analyse Angélique Verzele.
Vers une réquisition des médecins du travail?
Au lendemain des mesures annoncées par Emmanuel Macron, le 13 mars, des médecins du travail, comme Muriel Legent, médecin coordonnateur du SST Médisis dans l’Oise, ont reçu un simple courriel du conseil départemental de l’Ordre des médecins pour vérifier que leurs coordonnées étaient à jour. « Je me suis demandé si ce n’était pas dans l’optique de nous réquisitionner, comme nous l’avions été lors de l’épidémie de H1N1. Sauf qu’en 2009, c’était pour vacciner, c’était limité dans le temps », rappelle-t-elle. Même questionnement chez le directeur général de Médisis, Olivier Hardouin : « Si la moitié de mes médecins du travail étaient réquisitionnés, nous fermerions les petits centres pour regrouper les consultations dans les principaux. Depuis un an, nous avons mis en place la télémédecine, cela serait un outil supplémentaire. »
Dans l’immédiat, à Médisis, les visites périodiques ont été supprimées, dans le but d’assurer les visites obligatoires, notamment celles de préreprise. Depuis le 13 mars, quand l’ensemble du pays a basculé dans la prise de conscience du risque, les médecins du travail de l’Oise reçoivent des appels de leurs pairs des autres départements, qui leur demandent comment ils se sont adaptés à l’épidémie. En l’occurrence, dans les centres de Médisis, indique Muriel Legent, « nous avons supprimé les audiogrammes, visiotests et tests respiratoires, difficilement nettoyables lors des consultations. Les risques de contagion étaient trop importants ».
Dès l’annonce du premier cas dans l’Oise, le système d’unité mobile qui vadrouille à la rencontre des salariés du département suivis par SMI BTP a été stoppé. Impossible de recevoir dans ces camions, espaces confinés, en respectant les distances de sécurité d’un mètre. Le risque de contamination des personnels soignants, mais aussi des salariés en visite, était trop grand. Les entreprises doivent alors envoyer leurs salariés dans les centres fixes de Beauvais et Margny-lès-Compiègne.
Là, les équipes ont été dotées de masques, pour eux, mais aussi pour isoler les patients avec suspicion d’infection au coronavirus, avant d’appeler le Samu. Ils sont également équipés de thermomètres sans contact. Comme partout, les réunions non indispensables dans l’immédiat ont été annulées et des visioconférences sont organisées. Et comme partout, dans les services de santé au travail de l’Oise, les salariés qui ont rendez-vous sont invités à se désinfecter les mains avant d’entrer et en repartant.
Via le site www.sante-et-travail.fr