Le travail des femmes ne date pas d’hier. Mais si nos mères, nos grands-mères, nos arrière-grands-mères ont toujours connu le labeur, quelles étaient leur condition de travail par rapport aux hommes ? Que sait-on du combat de nos aînées pour obtenir des droits? Et où en est-on aujourd’hui ? Depuis l’instauration d’une journée internationale consacrée aux droits des femmes par l’ONU en 1977, le 8 mars est un rendez-vous annuel important pour faire le bilan des progrès et des régressions de la condition des femmes dans chaque pays. Cette année, nous avons décidé de vous rappeler les grandes dates qui ont marqué l’Histoire du droit des femmes au travail en France.
1907 – Les femmes mariées peuvent librement disposer de leur salaire
Plus d’un siècle après les faits, ce droit des femmes au travail est devenu tellement naturel que personne ne pourrait imaginer qu’il en soit autrement. Et pourtant, cette mesure fut l’aboutissement d’un long combat d’un homme oublié de l’Histoire : Léopold Goirand, élu dans le département des Deux-Sèvres. En 1894, le député prend l’initiative d’une proposition de loi « ayant pour objet d’assurer à la femme mariée la libre disposition des fruits de son travail ». Le combat de l’homme pour l’indépendance des femmes est nourri de son expérience de terrain, lui qui a observé de nombreuses situations typiques du système patriarcal, qui faisaient du mari le « maître absolu » des ressources.
« Si l’on suppose le mari débauché, paresseux, la femme honnête, économe, les conséquences apparaissent dans toute leur injustice ; la femme peut peiner à économiser pour arriver à soutenir le ménage et à élever ses enfants ; le mari est là, prêt à toucher le salaire à mesure qu’il est gagné et à mettre la main sur les moindres économies à mesure qu’elles sont constituées », argumente t-il à l’époque. La proposition va pourtant rester en suspens pendant de nombreuses années
Les associations féministes prennent le relai et se mobilisent. En commission comme en séance, les obstacles sont là, mais la loi est finalement promulguée le 13 juillet 1907 au terme de treize années d’efforts ! En ouvrant une brèche dans le Code civil napoléonien qui donne tout pouvoir à l’époux, cette loi met la République sur une voie nouvelle, celle de l’égalité des sexes.
1909 – La loi Engerand inaugure le congé maternité
À la fin du XIXème siècle, pour faire face à l’importante mortalité des femmes en couche et des nouveaux-nés – qui font craindre une possible dépopulation du pays – les recherches en gynécologie s’accélèrent. En 1886, le député Albert De Mun propose, en argumentant sur la santé des enfants, d’accorder un congé de quatre semaines pour les travailleuses après l’accouchement. L’article est discuté à de nombreuses reprises dans l’hémicycle, mais finit par ne pas être adopté.
La société évolue et en octobre 1906, Georges Clémenceau crée le premier ministère du Travail. Quelques mois plus tard, le député Fernand Engerand dépose une proposition de loi pour qu’un congé maternité facultatif de huit semaines, mais non rémunéré, soit accordé à toutes les femmes. Cette mesure en faveur du droit des femmes au travail est adoptée le 27 novembre 1909. La loi ne comporte qu’un seul article : « La suspension du travail de la femme, pendant huit semaines consécutives, dans la période qui précède et suit l’accouchement, ne peut être une cause de rupture par l’employeur. »
Deux ans plus tard, les institutrices sont les premières à obtenir un congé maternité rémunéré à 100 % du salaire brut, une mesure étendue à l’ensemble des fonctionnaires en 1929, puis en 1970 à l’ensemble des salariées.
1940 – Le régime de Vichy interdit l’emploi des femmes mariées dans l’administration
Cette date marque un pas en arrière dans l’avancée du droit des femmes au travail. En pleine guerre, alors qu’elle commence tout juste à s’émanciper, la femme française doit rentrer au foyer et de nouveau se cantonner à son rôle de mère sous le régime de Vichy. Le 20 juin 1940, le Maréchal Pétain pointe du doigt les femmes les rendant en partie responsables de la défaite de l’armée française face à l’Allemagne : « Trop peu d’enfants, trop peu d’armes, trop peu d’alliés. » Quatre mois plus tard, le gouvernement interdit d’embaucher des femmes mariées dans tous les services de l’Etat et dans les collectivités.
Si certaines Françaises bravent les interdits et continuent à travailler, tout est organisé pour que cela ne se fasse pas au détriment de la politique nataliste du pays. Dans ce contexte, l’avortement est qualifié de “crime de haute trahison” contre l’État. Mais la régression de la condition des femmes ne dure qu’un temps et à la libération, les femmes retrouvent le chemin du travail.
1946 – L’égalité absolue entre les hommes et les femmes inscrit dans la Constitution et le “salaire féminin” disparaît
Au lendemain de la victoire remportée par les alliés sur le régime nazi qui a tenté « d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables », peut-on lire dans les archives du Conseil Constitutionnel. Dans le Préambule de la Constitution de la IVe République, le gouvernement inscrit pour la première fois que la femme dispose des mêmes droits que les hommes, dans tous les domaines.
Mais si l’inscription de ce principe d’égalité absolue est une victoire, elle n’est pas encore d’une grande efficacité au travail tant que la notion de « salaire féminin » existe. Et oui ! À cette époque, les femmes subissent, du seul fait d’être des femmes, d’un abattement systématique sur leur salaire. Un arrêté de juillet 1946 supprime finalement le « salaire féminin » et doit garantir aux femmes des salaires égaux à ceux des hommes et ce, dans toutes les branches professionnelles. Une avancée essentielle pour le droit des femmes au travail !
1965 – Les femmes peuvent travailler sans l’accord de leur mari et ouvrir un compte bancaire
Dans les années 1960, les Françaises votent depuis plus de vingt ans et disposent d’une relative liberté. Mais aussi absurde que cela puisse paraître, les femmes mariées ne peuvent toujours pas travailler sans l’autorisation de leur mari, ouvrir de compte bancaire à leur nom ou simplement disposer de leurs biens. Trois ans avant mai 1968, les femmes s’insurgent et clament que leur condition n’est plus acceptable. En plein cœur de l’été, dans une Assemblée quasi vide, les députés votent le 13 juillet 1965 la réforme « des régimes matrimoniaux » portée par le ministre Jean Foyer et qui accorde aux femmes leur autonomie financière.
Alors que les féministes considèrent à l’époque cette loi comme « une petite avancée sociale », elle change véritablement la vie des Françaises. Les femmes mariées sont beaucoup plus nombreuses à travailler, elles mettent des économies de côté sans avoir à demander l’avis de leur conjoint… et commencent à réclamer davantage de droits. L’Histoire est en marche.
1983 – La loi Roudy contre la discrimination à l’embauche et sur les salaires
Ministre des Droits de la Femme entre 1981 et 1985, Yvette Roudy n’est pas une femme politique ordinaire : en cinq ans, elle fait voter six lois pour mettre fin aux inégalités femmes/hommes. « Le chômage des femmes à quelque 60%, les discriminations en matière de formation et d’embauche, l’injustice des filières scolaires qui ne sont pas faites pour conduire les femmes au travail mais les forment à des métiers mal reconnus, mal payés, dévalorisés et surtout encombrés », s’insurge-t-elle en 1982 dans les colonnes du journal Le Monde.
La loi la plus emblématique en faveur du droit des femmes au travail est celle qui inscrit en 1983 le principe de non-discrimination à l’embauche, de formation et de salaire entre les hommes et les femmes dans le code du Travail. Malgré son acharnement et son engagement, la ministre n’arrive pas à faire interdire les injures à caractère sexiste ou encore la publication de textes, de films ou d’images qui dévalorisent la femme.
Nous vous invitons à méditer ces paroles historiques : « J’aimerais, cela est vrai, qu’il n’y ait pas, le 8 mars 1982, de Journée internationale des femmes. Cela signifierait qu’il n’y a plus de discrimination et donc plus de luttes, plus de revendications, parce que les comportements sont devenus égalitaires et que tous les citoyens peuvent exercer la plénitude de leurs droits, sans distinction de race, de couleur ni de sexe, comme l’affirme la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948. C’est encore un rêve. »
1986 – La féminisation des noms de métiers est adoptée dans la circulaire du 11 mars
Dans les années 1980, parce que l’accession des femmes à des fonctions de plus en plus diverses est une réalité qui doit trouver sa traduction dans le vocabulaire français, le Premier ministre de l’époque, Laurent Fabius, adresse le 11 mars 1986, une circulaire demandant « la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades, ou titres » dans tous les textes et documents officiels. Comme toujours, les détracteurs sont nombreux. Certains rappellent qu’ils ont appris à l’école que « le masculin l’emportait systématiquement sur le féminin », d’où l’argument que le masculin sert de neutre dans la langue française. Mais les querelles dialectiques ne tiennent pas : il n’y a que deux genres en français, le féminin et le masculin.
Afin d’adapter la langue à cette évolution sociale, Yvette Roudy- encore elle – a mis en place dès 1984, une commission chargée de la féminisation des noms de métiers et de fonctions. Les spécialistes expliquent qu’il y a trois manières de féminiser les noms de métiers : la flexion morphologique (écrivain en écrivaine, le chercheur en chercheuse…), la flexion morphosyntaxique (la ministre, la journaliste…) ou bien par un phénomène d’accord (exemple : les journalistes sont compétentes). Mais les habitudes ont la peau dure et il arrive régulièrement que « Madame le député » soit prononcé de nos jours au Parlement. En octobre 2014, Julien Aubert a reçu une sanction financière pour avoir adressé un « Madame le président » à la vice-présidente socialiste de l’Assemblée nationale. Longtemps réfractaire, l’Académie Française se résout elle-aussi à la féminisation des noms de métiers, le 28 février 2019, marquant un nouveau pas en direction du droit des femmes au travail.
1992 – Le harcèlement sexuel est ajouté au Code du travail
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