On meurt au travail, annonce le titre du nouvel ouvrage de Bertrand Ogilvie, Le Travail à mort. Au temps du capitalisme absolu.
Réplique ironique, tragique aussi sans doute, de celui forgé jadis par Walter Benjamin (Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, Payot, 1982) et repris plus récemment par Martin Rueff (Différence et identité. Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel, Hermann, 2009). Quand Benjamin et Rueff s’attachent à décrire ce que le capitalisme puis le « capitalisme culturel » font au poète et au langage poétique, Ogilvie, lui, dans la suite de son ouvrage sur L’Homme jetable (Amsterdam, 2012), interroge ce que le « capitalisme absolu » fait au travail et ce que ce travail fait à la vie.
Si ce n’est apparemment pas une question de création poétique, du moins est-ce une question de langage et de création aussi, nous dit Ogilvie. Là se situe l’invention singulière de l’ouvrage, que le philosophe psychanalyste formalise en ponctuant son texte de séries photographiques réalisées par des artistes (Ashlam Shibli, Lewis Hine, Jeff Wall, Florian Fouché et Antonios Loupassis) ; là résident aussi la rigueur, la vigueur et la portée critique de son analyse placée, en couverture du livre, sous le signe du marteau qu’utilisait Antonin Artaud pour scander ses phrases. Ce marteau est brisé. Symbole de l’outil de travail cassé ? Signe peut-être aussi d’un philosopher à coups de marteau rompu – à tous les sens du terme ?
Le nerf vital des travailleurs
C’est en philologue qu’il procédera, annonce Ogilvie, et il le fait méthodiquement : « travail » et « démocratie », « injustice » et « intolérable », « inévaluable », « singularité », tels sont les titres de ses chapitres.
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Le Travail à mort, de Bertrand Ogilvie, Éditions L’Arachnéen, 2017, 216 pages, 48 images (couleur)