En France, la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles sont des phénomènes reconnus par les pouvoirs publics qui ont fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques. Ces recherches sont parfois mal identifiées et connues des experts de la santé au travail. Cet article présente une revue pluridisciplinaire de cette littérature.
Méthode
La revue de littérature est une revue narrative structurée, c’est-à-dire adossée à une stratégie de recherche explicite. Plusieurs bases de données en santé publique et en sciences humaines et sociales ont été explorées pour identifier des publications présentant des données d recherche empiriques originales et utiles à l’objectivation et la compréhension de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des maladies professionnelles en France sur la période 1990–2000.
Résultats
Au total, 166 publications ont été identifiées de natures variées (articles, ouvrages, thèses, etc.) Ces publications relèvent principalement des sciences humaines et sociales et, dans une moindre mesure, de la recherche en médecine du travail, et en histoire. Une partie non négligeable de ces publications analyse les obstacles de l’engagement des médecins dans l’accompagnement des démarches de reconnaissance en maladies professionnelles des victimes. Certains thèmes importants semblent peu étudiés, par exemple, a reconnaissance des troubles psychiques et biomécaniques, ou les obstacles spécifiques que rencontrent les victimes relevant de la fonction publique.
Discussion/Conclusion
Les publications sur la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles sont nombreuses et cette revue est la première publiée en faire un bilan structuré. Elle devrait être complétée en prenant en compte des disciplines non analysées (par ex. le droit) et dans une perspective internationale. Il est important de prendre en compte de multiples mécanismes sociaux pour lutter efficacement contre la sous-reconnaissance des maladies professionnelles, sans se limiter aux seules démarches d’information et de sensibilisation.
Points essentiels
- La sous-reconnaissance des maladies professionnelles renvoie au constat d’un décalage entre le nombre de maladies professionnelles reconnues chaque année et le nombre de maladies professionnelles qui pourraient être attendues. Une revue structurée de littérature en santé publique et en sciences sociales a permis d’identifier 166 publications présentant des données empiriques originales portant sur la France et permettant de mieux comprendre ce phénomène.
- Les recherches disponibles comportent d’importants angles morts. Ainsi, -la sous-reconnaissance des maladies professionnelles dans la fonction publique est un enjeu absent du corpus constitué. Par ailleurs, si la littérature met en évidence des obstacles spécifiques à certaines catégories de travailleurs (les ouvriers les moins qualifiés, les femmes et les travailleurs étrangers), les recherches explorant ces obstacles restent peu nombreuses et disciplinaires.
- Le rôle des représentations et des pratiques des médecins est amplement abordé par la littérature, qui met en évidence des obstacles bien connus à la reconnaissance des maladies professionnelles : le manque de formation des médecins sur les enjeux de santé au travail, leur compréhension limitée des procédures médico-administratives, etc.
- Cependant, de nombreuses publications montrent l’importance de prendre en compte des contraintes plus structurelles qui pèsent sur les médecins et leurs patients, en amont comme en aval du processus de déclaration. L’amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles implique leur prise en compte , au-delà du seul renforcement de l’information sur les maladies professionnelles auprès des victimes et des médecins.
Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement, Volume 83, Issue 1, January 2022, Pages 27-44
