La souffrance au travail, même le burn-out ou les résultats d’un harcèlement, peuvent être reconnus en accident du travail ou en maladie professionnelle. Ils s’appliquent chacun dans des cas différents.
Table des matières
Vous êtes victime de harcèlement au travail; vous frôlez, ou coulez déjà dans le burn-out; vos conditions de travail se sont dégradées, et ont une atteinte certaine sur votre état psychique et/ou physique.
Le Guide du Travailleur en souffrance au travail vous explique pas à pas comment vous en sortir. Mais la question de déclaration d’accident du travail et/ou de maladie professionnelle, absolument essentielle, est aussi très complexe.
En l’état actuel, les pathologies psychiques sont difficiles à faire reconnaître comme étant en lien avec le travail. Le travailleur va devoir, alors qu’il est épuisé, se plonger dans un monde administratif très compliqué. Il est impossible d’y arriver seul.
Nous allons ici tout vous expliquer.
Les 3 pathologies les plus fréquentes susceptibles d’être liés au travail :
- les états de stress post-traumatiques
- les troubles anxieux
- les troubles dépressifs
L’accident du travail
Qu’est ce qu’on peut déclarer comme accident du travail?
On peut déclarer toute maladie psychique d’origine professionnelle en accident du travail s’il existe un évènement déclencheur précis. Peu importe que ce soit:
- une crise de panique ou d’angoisse
- une crise de nerfs ou de larmes
- un malaise ou un évanouissement
- un état de choc psychologique
- une crise d’hypertension
C’est ce qu’on appelle un ESA, un état de stress aigu. Quel qu’il soit, et quelle qu’en soit la cause.
- La source peut être une situation de harcèlement, une dispute, une remontrance, une aggression verbale, par un supérieur, un collègue, ou un client.
- Elle peut aussi être un burn-out, une surcharge de travail qui pousse à bout. N’importe quel facteur de stress qui mène à un état de crise.
Pour être qualifié d’accident du travail, un événement doit réunir ces critères:
- être soudain
- représenter une lésion corporelle ou psychique
- se passer au cours où à l’occasion du travail, devant des témoins.
L’incident doit être constaté médicalement, donc appeler une ambulance ou le SAMU soutient fortement l’accident de travail.
Si cette lésion se produit au temps et sur le lieu de travail, elle bénéficie d’une présomption d’imputabilité. Cela veut dire que l’AT sera reconnu, sauf si la Caisse d’Assurance Maladie ou l’employeur arrivent à démontrer que le travail est totalement étranger à la situation.
Et si on n’est pas sur le lieu de travail?
En télétravail, la présomption s’applique aussi, ce que beaucoup ignorent car les dispositions sont récentes. En effet, bien que chez lui, le salarié est sous la subordination de l’employeur (article L1222-9 du code du travail).
Si la lésion se produit à la maison, ou en dehors du lieu de travail, c’est à la victime ou à ses ayant-droit de montrer, par un faisceau d’indices, que la lésion est imputable au travail. Par exemple, pour une tentative de suicide à domicile pendant l’arrêt de travail, il faudra démontrer le lien avec un élément d’ordre professionnel.
Qu’est ce qu’un accident du travail?
Revenons aux bases. L’accident du travail est tout accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause, et qui produit une lésion psychique ou physique.
Un accident lors d’un déplacement pendant le travail est, lui, bel et bien un accident du travail.
L’accident de trajet, par contre, qui peut être déclaré pour tout accident survenu lors des trajets entre le domicile et le travail, se distingue, dans sa prise en charge, de l’accident de travail.
L’accident du travail dans le Code de la Sécurité Sociale
L’accident du travail est « un fait accidentel survenu sur le lieu du travail (ou sur le trajet) »; et/ou « des lésions imputables à cet accident ».
Article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale
Que faire en cas d’accident du travail?
- Victime d’un accident du travail, vous disposez de 48 heures pour en avertir votre employeur, ou votre représentant dans l’entreprise, comme un supérieur hiérarchique par exemple, du fait accidentel.
- L’employeur est alors obligé de le déclarer à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). L’employeur doit faire cette déclaration d’AT, même si il n’est pas d’accord. Il doit déclarer tout incident survenu sur le lieu de travail ou pendant le temps de travail, sous peine d’amende.
- La CPAM instruit alors le dossier et fait son enquête, recherchant la réalité du caractère professionnel de cet accident.
Et si mon employeur ne fait pas la déclaration d’AT?
Si l’employeur ne fait pas la déclaration, le salarié peut reprendre l’initiative de la démarche. Le délai maximum pour déclarer seul un AT de cette façon est de deux années après la survenance du fait accidentel.
Attention: il faudra alors joindre un certificat médical initial rédigé par un médecin à la demande de reconnaissance en accident du travail qui sera adressé à la CPAM.
Modèles de lettres
- Demande à l’employeur d’effectuer une déclaration d’accident du travail
- Recours amiable contre un refus de prise en charge en accident du travail
La présomption d’imputabilité au travail
Tout accident survenu à l’occasion du travail, au temps et au lieu de travail, bénéficie de la présomption d’imputabilité au travail. La charge de la preuve bascule sur celui qui conteste le caractère professionnel de l’accident.
En d’autres termes, ce n’est pas au travailleur (celui qui revendique le classement de l’accident de travail) de prouver qu’il y a un lien avec le travail. C’est à celui qui conteste ce lien, comme l’employeur par exemple, de prouver que le travail n’a rien à voir avec l’accident.
En clair, c’est donc à l’employeur ou à la CPAM de fournir cette preuve.
Concrètement, ça veut dire quoi, cette présomption d’imputabilité?
Concrètement, ça veut dire que:
- si vous souffrez au travail (de burn-out, de harcèlement, de dépression, de stress post-traumatique, de n’importe quelle lésion psychique),
- et que cette souffrance déclenche une crise de stress aigu au travail devant témoins,
- et que le SAMU est appelé, et que des médecins vérifient cette lésion psychique,
votre souffrance pourra être reconnue comme accident du travail.
La présomption d’imputabilité et les suicides
L’imputabilité demeure la même si le suicide ou sa tentative ont eu lieu sur le lieu et à l’occasion du temps de travail.
Par contre, les suicides qui sont commis en dehors du lieu et/ou de l’horaire de travail ne bénéficient pas de cette présomption. C’est alors aux ayants droit de faire la preuve du lien avec le travail en invoquant librement tout ce qui a pu conduire dans l’activité professionnelle à ce geste de désespoir.
Néanmoins, cette preuve n’est pas simple à faire et la famille doit affronter à la fois la CPAM qui refuse et l’employeur qui conteste. La procédure offre plusieurs possibilités de recours et il ne faut pas s’avouer vaincu au premier échec.
Les AT en chiffres
En 2019, on dénombre officiellement, sur 750,000 accidents du travail, environ 30,000 qui résultent d’une problématique psychique.
Ce chiffre est sans doute très en dessous de la réalité. On sait que beaucoup de lésions psychiques ne sont pas traitées sur le terrain de l’accident du travail.
La maladie professionnelle
Les troubles anxieux et/ou dépressifs généralisés (épisodes dépressifs, anxiété généralisée), troubles névrotiques sont instruits au titre d’une maladie professionnelle.
Reconnaissance des maladies psychiques en MP
Les maladies psychiques ne figurent dans aucun tableau de MP. Elles sont reconnues comme maladies professionnelles au titre de l’article L.461-1 du code de sécurité sociale, 7ème alinéa :
- dès lors que la maladie présente une gravité justifiant une incapacité permanente ≥ 25% au moment de la demande
- à condition qu’un lien « direct et essentiel » avec l’activité professionnelle ait été mis en évidence par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP),
Qu’est ce qu’une maladie professionnelle?
Peuvent être reconnus en MP :
- la dépression réactionnelle
- les troubles anxiodépressifs
- les troubles anxieux aigus
- le syndrome de stress post traumatique
Pour établir le lien entre le travail et l’atteinte de votre santé, vous pouvez faire une déclaration de maladie professionnelle. Vous vous appuyez par exemple sur le diagnostic médical de votre médecin traitant.
Comment déclarer une maladie professionnelle?
Le médecin (traitant, spécialiste) réalise toujours la déclaration de maladie professionnelle. Ce n’est pas à l’employeur de faire la déclaration comme en matière d’accident du travail. Il n’y a pas non plus de présomption d’imputabilité.
Tant que l’employé est en arrêt de travail pour AT ou MP, il est protégé contre le licenciement et perçoit des indemnités journalières majorées.
A l’issue d’un certain temps, le médecin conseil va convoquer l’assuré et le déclarer consolidé (stabilisation de l’état/ guérison). Il va alors fixer le taux d’incapacité permanente partielle (IPP). Ce taux concerne les séquelles d’ordre médical mais aussi d’ordre professionnel.
Attention!
Ne jamais envoyer de courrier simple ou d’email avec pièces jointes à la caisse. Il faut toujours tout envoyer en recommandé.
Quelles sont les conditions de reconnaissance en MP?
Pour être recevable par la sécurité sociale, il faut que:
- bien entendu, un lien direct et essentiel soit établi entre la pathologie et les conditions de travail habituelles
- le médecin conseil considère que l’état du patient est stabilisé et qu’il souffre d’une incapacité permanente atteinte. Le taux d’IPP, évalué à la date où est faite la demande, doit être d’au moins 25%. Il faut présenter des séquelles suffisamment importantes (25% pour une dépression sévère est un taux normal.)
Si les personnes n’ont pas de traitement psychotrope ou d’arrêt de travail suffisamment long, la déclaration de maladie professionnelle parait vouée à l’échec.
Souvent, l’hospitalisation en psychiatrie ou la tentative de suicide sont prises en compte pour la reconnaissance en MP.
En d’autres termes, si l’assuré arrive à maintenir pendant son arrêt maladie une vie à peu près normale, le pronostic n’est pas bon pour atteindre le taux de 25%.
N’oubliez pas que si votre burn-out est reconnu en maladie professionnelle, c’est que vous avez atteint 25% d’incapacité partielle permanente (IPP). Votre médecin-traitant peut demander une invalidité de type 1 ou 2 au médecin-conseil.
Faut-il se faire accompagner par un avocat?
On peut s’entourer de conseils juridiques pour rédiger le récit adressé au CRRMP.
L’avocat est là pour aider les personnes en souffrance à monter leur dossier. Il pourra aider à faire un récit qui sera adressé au CRRMP avec les pièces utiles. C’est cet organisme qui statue sur le lien direct et essentiel avec le travail après que le médecin conseil de la Sécurité Sociale a estimé que le taux de 25 % d’IPP était atteint.
La décision du médecin conseil s’impose à la sécurité sociale. La pathologie est alors reconnue en maladie professionnelle.
Les indemnités
Attention, en matière d’AT ou MP, le taux d’IPP sera divisé par deux pour procéder au calcul de la rente jusqu’à 50%. Seule la reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur permet de récupérer la rente totale.
Exemple: une personne a un taux d’ IPP de 28%, la rente est calculée sur 14%. Si le taux est de 70%, la rente est calculée sur 50% divisé par 2, soit 25% plus les 20% restants, soit 45%.
Si l’arrêt de travail est sous le régime de la maladie ordinaire, il existe également un système de rente, d’invalidité 1 ou 2. Celles-ci peuvent être complétées par la prévoyance de l’entreprise, à la différence des rentes pour AT/PM qui ne le sont que rarement.
Bon à savoir, les indemnités:
- sont imposables sur le revenu à hauteur de 50% seulement
- sont rétroactives
- le délai de carence de 3 jours disparait.
La différence entre l’invalidité et la rente
Rente ATMP | Pension d’invalidité |
Non-imposable | Imposable |
Viagère: se cumule avec la pension de retraite | Cesse avec l’entrée en retraite. Ouvre des droits à la retraite : les trimestres sont validés mais non cotisés. |
Pas d’interdiction de travailler mais revenus professionnels sont déduits de la rente | Pas d’interdiction de travailler et pas de déduction des revenus |
Calculée par rapport à un salaire de référence dans la profession + sur le taux d’IPP | Calculée sur les 10 meilleures années |
Qu’est ce qui différencie les IJ majorées des IJ normales ?
- IJ majorées: sans limite de temps et partiellement non imposables
- IJ normales: 3 ans maximum. C’est la raison pour laquelle le médecin conseil de la sécurité sociale propose l’invalidité.
Donc, toute la question est de savoir s’il est pertinent que le patient fasse ou non ce « parcours du combattant » pour obtenir la reconnaissance en maladie professionnelle.
Et si vous êtes déjà en invalidité?
Si des personnes sont déjà en invalidité, ce n’est pas une bonne idée d’engager une démarche en maladie professionnelle. Les conséquences financières peuvent être graves.
En effet, la prévoyance complète souvent la rente invalidité, mais pas la rente AT/ MP. C’est parce que celle-ci est viagère, et nombre d’assureurs ne veulent pas s’engager sur un si long terme. Elle est aussi définitive, ce qui n’est pas le cas pour l’invalidité.
Le contrat de prévoyance continue de produire des effets même en cas de licenciement, car il s’aligne sur le comportement de la SS. Autrement dit, tant que la Sécurité Sociale verse une rente d’invalidité, la prévoyance complète.
Dans ce cas, le salarié retrouve un lien direct avec la prévoyance. Ce n’est pas le cas quand il est encore sous contrat, période pendant laquelle tout transite par l’employeur.
Comment récupérer un dossier de prévoyance
- un salarié doit avoir reçu ce qu’on appelle la notice d’information. C’est moins pénible à lire que le contrat, c’est un résumé des garanties qui sont les siennes.
- Dedans, il y a l’incapacité, l’invalidité et le décès. Cette notice est obligatoire avec le contrat de travail.
- Si l’employeur ne l’a pas donnée, faire un courrier RAR en demandant « Veuillez me faire parvenir par retour la notice d’information du contrat de prévoyance ». Pour savoir s’il en existe une, regarder sur le bulletin de salaire.