RPS: les risques psychosociaux

Mise à jour le 24 septembre 2024

Les risques psychosociaux, ou RPS, dus aux nouvelles organisations du travail et aux modes de management, peuvent déclencher des pathologies à la source de beaucoup de souffrance au travail.

Que sont les risques psychosociaux (RPS)?

Les risques psychosociaux seront définis comme les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental.

Rapport Gollac
Nuage de mots sur les risques psychosociaux

Le choix d’un métier s’ancre souvent dans l’enfance et on pourra toujours trouver des correspondances avec l’histoire personnelle. Mais la souffrance au travail est majoritairement due à l’organisation du travail.

Les risques psychosociaux trouvent leur origine dans l’activité de travail elle-même, et peuvent être générés par l’organisation et/ou les relations de travail (facteurs de risque).

Un collège d’experts (Gollac et coll., 2011) issus des principales disciplines des sciences humaines a identifié en 2011 six grands types de facteurs de risque.

Les catégories et facteurs de RPS

Ces facteurs de risques psychosociaux se déclinent en six catégories:

  • Exigences du travail, intensité et temps de travail
  • Manque d’autonomie et de marges de manoeuvre
  • Exigences émotionnelles
  • Mauvaise qualité des rapports sociaux au travail
  • Conflits de valeurs
  • Insécurité socio-économique

Les exemples développés pour chacun de ces axes ci-dessous sont tirés des jugements de la cour de cassation, les ayant retenus comme fautifs de la part de l’entreprise:

  • soit dans le cadre du harcèlement moral
  • soit dans le cadre de l’insuffisance d’évaluation des risques psychosociaux.

Les exigences du travail

  • Le rythme de travail
  • La pression du temps
  • Un travail répétitif

La mesure de l’intensité du travail et du temps de travail englobe les notions de « demande psychologique » et « d’effort ».

L’intensité et la complexité du travail dépendent des contraintes de rythme, de l’existence d’objectifs irréalistes ou flous, des exigences de polyvalence, des responsabilités, d’éventuelles instructions contradictoires, des interruptions d’activités non préparées et de l’exigence de compétences élevées. Le temps de travail influe sur la santé et le bien-être par sa durée et son organisation.

Par exemple:

  • La fixation d’objectifs inatteignables, ou redéfinis dès lors qu’ils ont été atteints. Ils entraînent une course sans fin à la réalisation de toujours plus d’activité.
  • L’imposition d’une charge de travail impossible à assumer, par la multiplication de projets assignés au salarié. Et ce, même si l’entreprise estime que seul ce salarié dispose des compétences nécessaires pour les réaliser.
  • La « placardisation », qui est la privation des outils permettant de travailler. Cela va de la privation de matériels, des stylos à l’ordinateur, jusqu’au refus d’accès aux logiciels nécessaires pour exercer l’activité. Un autre type de mise au placard est l’isolement physique dans un bureau éloigné. Cela peut aller jusqu’à l’isolement psychologique. par la consigne de ne même plus saluer le salarié.

La perte d’autonomie

  • L’impossibilité de contrôler son rythme de travail
  • Le fait d’être soumis au travail des autres
  • Le contrôle permanent, les reportings parfois instantanés
  • Les technologies de connexion constantes

L’autonomie au travail désigne la possibilité pour le travailleur d’être acteur dans son travail, dans sa participation à la production de richesses et dans la conduite de sa vie professionnelle. Elle inclut non seulement les marges de manœuvre, mais aussi la participation aux décisions, ainsi que l’utilisation et le développement des compétences.

La notion d’autonomie comprend normalement l’idée de se développer au travail et d’y prendre du plaisir.

Par exemple:

  • L’imposition d’une « fausse » autonomie aux travailleurs, qui prend la forme d’une consigne à injonctions contradictoires. Elle les laisse « libres » de faire comme ils l’entendent… pourvu qu’ils appliquent absolument et strictement les consignes fixées par la hiérarchie. Ils doivent aussi accepter d’endosser la responsabilité des dysfonctionnements qui ne manqueront pas d’advenir lorsque le travail prescrit ne correspond pas au travail réel. Ainsi, le principe de déconnexion numérique est acquis, mais il faut quand même répondre aux emails tardifs exigeant un travail ou une réponse immédiate, sous peine, non d’être sanctionné, mais de se voir reprocher de n’être pas assez engagé.
  • Le fait d’être nommé directeur, avec une prétendue autonomie dans l’organisation du magasin, mais avec l’obligation d’appliquer les objectifs commerciaux. On sera contrôlé et « benchmarké » toutes les semaines, sans disposer des prérogatives réelles de direction – on se retrouve en fait face à la nécessité de faire valider toutes les embauches, même temporaires, par le niveau régional.

Les exigences émotionnelles

  • La nécessité de maitriser des propres émotions, de les cacher ou de les simuler
  • Les tensions avec le public
  • Le contact avec la souffrance ou la détresse humaine, tout en ayant l’obligation de sourire ou de paraître de bonne humeur

Elles sont liées à la nécessité de maîtriser et façonner ses propres émotions, afin notamment de maîtriser et façonner celles ressenties par les personnes avec qui on interagit lors du travail. Devoir cacher ses émotions est également exigeant.

Infirmière dans une salle d'opérations
Photo: SJ Objio/Unsplash

Par exemple:

  • Le « SBAM » que l’on impose aux hôtes et hôtesses de caisse dans la grande distribution: « sourire, bonjour, au-revoir, merci ». Y compris face aux clients qui les insultent, sous la menace de sanctions disciplinaires.
  • La variante dans l’aéronautique, la « poker face », accompagnée d’une qualité de service optimum, sont exigées des hôtesses de l’air et des stewards, même quand le passager est incorrect et qu’on ne peut pas l’envoyer jouer dehors alors qu’on est en plein vol. Ce sont également les exigences émotionnelles qui sont mises à contribution dans les corps de police ou de gendarmerie, exposés du fait de leurs missions à une exigence de ne pas surenchérir dans la violence face à des personnes au comportement agressif.
  • Et bien sûr la confrontation à la mort des autres, ou à sa possibilité, pour les soignants, d’autant plus quand les patients sont de jeunes enfants ou des personnes en fin de vie.

Les rapport sociaux au travail dégradés

  • La perte du soutien social dans le travail, des collègues, de la hiérarchie
  • Les techniques de management pathogènes
  • La subordination, la dépossession
  • Les pratiques d’isolement, disciplinaires et punitives
  • La mise en scène de la disparition

Les rapports sociaux au travail sont les rapports entre travailleurs, ainsi que ceux entre le travailleur et l’organisation qui l’emploie.

Les rapports sociaux à prendre en compte comprennent les relations avec les collègues, les relations avec la hiérarchie, la rémunération, les perspectives de carrière, l’adéquation de la tâche à la personne, les procédures d’évaluation du travail, l’attention portée au bien-être des travailleurs.

Le harcèlement moral doit également être pris en compte.

Par exemple :

  • Toutes les violences internes au travail, qu’elles s’expriment sous la forme d’injures, d’insultes, de remise en cause gratuites et non-démontrées du travail et des qualités professionnelles ou personnelles.
  • La remise en cause du professionnalisme ou de l’attachement à l’entreprise, dès lors que l’on exerce un mandat de représentant du personnel.
  • Les stratégies de « préparation de la faute », par lesquelles on décide d’affecter un salarié sur un poste sans le former. Ainsi on pourra lui reprocher naturellement son incompétence ou les mauvais résultats qui découlent directement de l’absence de cette formation.

Les conflits de valeurs

  • Devoir exécuter un travail que l’on juge inutile 
  • Travailler en mode dégradé

Une souffrance éthique est ressentie par une personne à qui on demande d’agir en opposition avec ses valeurs professionnelles, sociales ou personnelles. Le conflit de valeurs peut venir de la façon dont le but du travail ou ses effets secondaires heurtent les convictions du travailleur. Ou bien du fait qu’il doit travailler d’une façon non conforme à sa conscience professionnelle.

Par exemple:

  • La confrontation aux différentiels de valeurs projetées sur une organisation (les ONG, le secteur associatif), dans lesquelles les salariés pensent avoir et effectuer une mission de service public, alors même que les contraintes économiques qui permettent à ces structures de fonctionner les contraignent à faire des choix qui ne correspondent pas à ces valeurs. Comme procéder à des licenciements économiques, refuser des missions non rentables, ou au contraire en accepter certaines que l’on sait irréalisables dans de bonnes conditions.
  • La contrainte posée par la direction d’un EHPAD pour effectuer des toilettes dans un certain temps – le plus limité possible, pour des questions de rentabilité. Cela se produit alors que le personnel va se sentir, ou être même réellement maltraitant vis-à-vis de la personne dont il doit s’occuper. Idem pour les repas, dont la consigne est de les accélérer, au risque de fausses routes dangereuses chez les aînés.

L’insécurité de la situation de travail

  • le changement permanent et désordonné des organisations du travail
  • La menace sur l’emploi
  • La précarité

L’insécurité de la situation de travail comprend l’insécurité socio-économique et le risque de changement non maîtrisé de la tâche et des conditions de travail.

L’insécurité socio-économique peut provenir du risque de perdre son emploi, du risque de voir baisser le revenu qu’on en tire, ou du risque de ne pas bénéficier d’un déroulement « normal » de sa carrière. Des incertitudes susceptibles de créer une insécurité peuvent aussi porter sur l’avenir du métier, ou l’évolution des conditions de travail.

De telles craintes peuvent être motivées par l’expérience de changements organisationnels incessants ou incompréhensibles.

Par exemple: 

  • L’insécurité socio-économique, liée au risque de perdre son emploi, ou simplement à cette menace proférée pour obtenir pour l’entreprise des avantages indus ou des renonciations à des droits. C’est particulièrement efficace avec tous les salariés en contrat précaire: intérim, extras, ou à durée déterminée. Il est facile de leur faire comprendre que le renouvellement du contrat de travail est en lien avec le fait d’accepter sans discuter toutes les conditions de travail qu’on leur impose.
  • La succession sans raison apparente des réorganisations. Dans un premier temps, elles laissent les travailleurs dans une situation « d’apprentis permanents », obligés de réapprendre sans cesse des choses au détriment des compétences réelles dont ils disposent. Elles ont également pour effet de faciliter les reproches de la hiérarchie: « décidément tu ne sais rien faire! ». Et finalement, elles font perdre le sens même du travail effectué qui se retrouve sans cesse modifié par des procédures nouvelles.
  •  Devoir travailler sur des équipements de travail dangereux, comme une machine non-protégée par exemple. Ou exposé à des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité (chute de hauteur sur les chantiers du BTP, dans des usines classées seveso).

Voir la liste des indicateurs de la souffrance au travail en France et dans l’Union Européenne.

Les RPS à la source de la souffrance au travail

Le monde du travail est l’espace social qui nous oblige à sortir de nous-mêmes. C’est là que nous commençons à interagir, à partager, et à nous confronter aux autres.

Travailler, c’est se travailler, et travailler ensemble.

Si le travail peut vous faire autant souffrir, c’est d’abord parce qu’il promet beaucoup:

  • Une amplification des savoir-faire de votre corps, de vos habiletés, de votre intelligence
  • Une construction de votre identité personnelle et sociale
  • Une autonomie financière et une sortie de la dépendance à vos parents
  • Un apprentissage de la solidarité et du vivre ensemble.
Ouvriers de construction sur un toit
Photo: Scott Blake/Unsplash

Dans des conditions normales, notre identité et nos compétences sont reconnues, ainsi que notre travail accompli. Ainsi, nous recevons des gratifications matérielles ou symboliques. Le travail permet de nous projeter, nous sommes respectés.

Dans des conditions négatives, le travail peut devenir une source de souffrances spécifiques. L’accumulation des risques psychosociaux peut même mener à une destructivité massive pour celui qui souffre.

De nos jours, il existe deux plaintes importantes chez les travailleurs:

Pour apprendre comment faire le point sur ce que vous éprouvez, et comment vous sortir d’une situation de souffrance au travail, allez consulter notre Guide du Travailleur en Souffrance.

Les pathologies qui découlent des RPS

Pour les cliniciens,  les pathologies liées à la souffrance au travail sont classées en deux familles: 

  • les pathologies de surcharge
  • les pathologies de la solitude

Pathologies de surcharge

Les pathologies de surcharge sont liées aux risques psychosociaux des nouvelles formes d’organisation du travail. Présentes dans tous les secteurs professionnels aujourd’hui, elles exercent une pression sur les travailleurs. C’est ainsi que le rythme accéléré, le manque du temps, l’augmentation des tâches à accomplir, provoquent plusieurs maladies.

Femme dans une usine de cartons
Photo: Kat van Wood/Unsplash

On peut donc les qualifier comme les maladies du « surtravail ». Elles provoquent des problèmes psychologiques et cognitifs, psychiques, et physiques.

Décompensations psychologiques ou cognitives:

  • des troubles cognitifs: perte de concentration, logique, mémoire
  • du stress, parfois jusqu’à un état de stress aigu (ESA)
  • de l’anxiété qui peut mener à un effondrement anxio-dépressif majeur
  • un syndrome d’épuisement professionnel ou burn-out

Surcharges psychiques:

  • la violence contre l’autre (agressions contre les collègues ou l’usager)
  • la violence contre la hiérarchie (séquestrations, brutalités)
  • des sabotages de l’outil de travail
  • une adhésion aux pratiques de management radicalisé, qui mène à harceler ses propres subordonnés

Surcharges physiques:

  • des troubles musculo-squelettiques
  • des pathologies cardio-vasculaires: infarctus, AVC, Karoshi (la mort subite au travail)
  • des pathologies métaboliques (syndrome métabolique, cholestérol, diabète)
  • des troubles gynécologiques (aménorrhées)

Pathologies de la solitude

Les nouvelles technologies dans le monde du travail renforcent les formes d’évaluation individuelle. Le contrôle croissant du rythme de travail, les rapports d’activité des salariés, le ranking etc. produisent de la solitude.

Le vivre-ensemble et la solidarité, attendus dans le monde du travail, se remplacent par la soumission, la peur de ne pas être à la hauteur des attentes des chefs, et les comportements dominants et dominés. 

Dans cette atmosphère de « chacun pour soi » et de cécité collective, dans un milieu de travail peu favorable et peu reconnaissant, prolifèrent les pathologies de la solitude suivantes :

  • le syndrome de stress post-traumatique, tableau clinique connu dans les situations de harcèlement 
  • la paranoïa situationnelle
  • le suicide sur les lieux de travail

L’obligation de prévention de l’employeur

L’augmentation de la souffrance au travail a nécessité la définition des facteurs de risques psycho-sociaux.

L’évolution des expositions aux RPS depuis 20 ans

L’enquête SUMER de l’INRS (2017) étudie l’évolution des expositions aux risques professionnels des salariés français sur 20 ans. 

Les conclusions démontrent que:

  • Les contraintes physiques ont baissé (sauf pour le bruit).
  • Les expositions aux produits chimiques restent similaires.
  • Les expositions aux agents biologiques a augmenté (probablement en raison d’un meilleur repérage).
  • Mais l’intensité du travail a augmenté.
  • Près de la moitié des salariés sont couverts par des pratiques formalisées de prévention des risques psychosociaux.

Risques psychosociaux: les principes généraux de prévention

Depuis 2001, l’employeur a l’obligation d’évaluer les risques, pour assurer la santé physique et mentale de ses salariés. Notamment, il a l’obligation d’évaluer les risques psychosociaux – et il a l’obligation de les prévenir.

Travailleurs avec des combinaisons protectrices, couverts de fioul

Cela ne passe pas uniquement par la prise en charge individuelle de la souffrance éventuellement générée par l’organisation du travail (type numéro vert de psychologues), même si elle peut avoir son intérêt.

Cela passe, surtout et avant tout, par une analyse fine des conditions d’exercice et d’exécution du travail, afin d’en supprimer ou d’en réduire les impacts négatifs sur la santé.

En d’autres termes, il ne sert à rien d’envoyer un salarié suivre une formation sur la gestion du stress, alors même qu’il est en surcharge de travail. Il est plus efficace dans la durée d’essayer de comprendre les raisons de la surcharge, et de la réduire ou de l’adapter. En renforçant temporairement l’équipe, par exemple.

Cette obligation de prévention qui repose sur l’employeur, puisque c’est lui qui organise le travail, est fondée sur des textes présents dans le code du travail. Ils explicitent la marche à suivre: ce sont les principes généraux de prévention.

A lire dans le magazine

Réseaux Sociaux

Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour des infos spéciales ou échanger avec les membres de la communauté.

Aidez-nous

Le site Souffrance et Travail est maintenu par l’association DCTH ainsi qu’une équipe bénévole. Vous pouvez nous aider à continuer notre travail.