71% des représentants du personnel disent avoir été confrontés à des violences psychologiques

Mise à jour le 03 octobre 2024 | Stress Travail et Santé

Pas moins de 79 % des élus CSE (représentants du personnel) affirment avoir dû cacher leurs émotions et presque autant ont connu des situations de violences psychologiques, révèle une étude du cabinet Secafi (groupe Alpha) réalisée auprès de plus de 3 800 représentants du personnel. L’effet sur la santé d’un engagement syndical va aussi faire l’objet d’une recherche au sein du Cnam.

Plusieurs études l’ont montré : depuis la crise sanitaire, sous l’effet notamment d’une nouvelle intensification du travail que la semaine de 4 jours pourrait encore paradoxalement accroître, la santé mentale des travailleurs français se dégrade. Mais celle des représentants du personnel ne se porte guère mieux.

Á en croire l’étude réalisée par Secafi auprès de 3 850 élus des comités sociaux et économiques (CSE), et dont certains éléments peuvent être comparés avec une précédente enquête du cabinet datant de 2014, la population des élus du personnel souffre d’un isolement croissant (un comble quand on embrasse un mandat au nom de la représentation et de la défense d’un collectif !) et d’un sentiment de violence psychologique fort.

71% des représentants du personnel disent avoir été confrontés à des violences psychologiques

79 % des élus disent avoir dû cacher leurs émotions

Présentés hier matin lors d’une table ronde organisée à l’auditorium du journal Le Monde à Paris et animée par François Desriaux, l’ancien rédacteur en chef de la revue Santé & travail, les chiffres suivants ont de quoi inquiéter, d’autant qu’on peut imaginer que l’échantillon est peu représentatif des petites entreprises (*) : 

  • 79 % des élus CSE affirment avoir dû cacher leurs émotions pendant leur mandat ;
  • 71 % disent avoir été confrontés à des violences psychologiques de type harcèlements ou conflits (l’enquête ne donne pas d’autres détails sur cette réponse) ;
  • 64% utilisent leur temps personnel pour leur mandat ;
  • 56 %  déplorent que leurs propositions ne soient pas prises en compte par l’employeur ; 
  • 53 % se sentent isolés dans leur mandat (contre 39 % en 2024) ;
  • 50 % ont dû accompagner des salariés en procédure collective ;
  • 50 % estiment que le nombre d’élus est insuffisant pour bien exercer les mandats (mais c’est moins l’avis des élus dont le CSE est le premier mandat) ;
  • 50 % déplorent un manque de temps pour leur mandat ;
  • 50 % disent avoir pensé à arrêter toute représentation du personnel ;
  • 32 % déplorent un manque de moyens (contre 22 % en 2014).

94% des élus sont fiers de leur mandat

Ces chiffres s’accompagnent de ressentis beaucoup plus positifs, eux : 

  • 94 % des élus CSE sont fiers de leur mandat ;
  • 90 % se sentent utiles ; 
  • 87 % estiment avoir une vision claire de leurs prérogatives ;
  • 85 % disent avoir de bonnes relations avec les salariés ; 
  • 70 % ont suivi une formation santé, sécurité conditions de travail (SSCT) ;
  • 69 % estiment que les salariés apprécient leur action ; 
  • 66 % ont suivi une formation sur leurs prérogatives économiques ;
  • 56 % ont de bonnes relations avec le président du CSE et avec leur hiérarchie directe, etc. 

Comment comprendre ces éléments qui semblent parfois contradictoires ?

Antoine Rémond, le responsable du pôle études et prospective du groupe Alpha, explique que cette enquête a consisté à traiter la représentation du personnel comme un travail en soi.

L’objectif était de décrire au mieux ce travail souvent invisibilisé, en mettant en avant de bonnes pratiques à partager et des leviers à solliciter.

A ses yeux, les résultats montrent clairement l’effet des ordonnances travail de 2017 à l’origine de la fusion dans le CSE des différentes instances (DP, CE, CHSCT). « L’augmentation de la technicité des dossiers et de la charge de travail de chaque élu a pu réduire le temps collectif et le temps d’échange entre élus, et donc nourrir ce sentiment d’isolement », acquiesce le sociologue Olivier Rey.

Le mandat de représentant du personnel, toujours perçu comme un frein dans la carrière

Comme le relève Amandine Michelon, l’autrice de l’étude, si l’engagement dans un mandat donne du sens au travail, s’il est porteur d’intégration dans l’entreprise, d’où les résultats positifs, il s’accompagne aussi de vives tensions et de nombreux cas d’expositions aux risques psychosociaux, et il est perçu par les intéressés comme un frein à leur carrière.

« Les raisons de l’engagement dans un mandat touchent au collectif, et peu souvent au souci de sa propre protection », souligne la consultante.

Les bonnes pratiques qui ressortent de cette enquête relèvent d’une mutualisation efficace des heures de délégation dans le collectif d’élus, de la pratique d’entretiens de début et de fin de mandats, mais aussi d’échanges collectifs au sein du CSE et/ou de la section syndicale. Pas seulement pour préparer les sujets des réunions mais aussi pour échanger sur son expérience d’élu du personnel.

Certains intervenants de la table ronde ont également rapporté des pratiques du secteur médico-social : souvent confrontés à des situations violentes, les travailleurs peuvent parfois échanger, en la présence d’un tiers modérateur ou d’une personnel expérimentée, sur leur vécu, afin d’apprendre à se « protéger » lors de ces moments, et à mieux « gérer » ces situations.

Attention toutefois aux groupes créés sans tiers, a prévenu la médecin du travail Maire-Pierre Pirlot : « Ce n’est pas parce que vous avez connu une situation difficile en tant qu’élu que vous saurez apporter le bon soutien à un autre élu confronté à une autre situation difficile », a-t-elle dit en substance (**).

Lire la suite sur le site editions-legislatives.fr

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(*) Un tiers des répondants travaille dans une entreprise de moins de 300 salariés, un tiers entre 300 et 999, et un tiers au-delà. Cette enquête a été réalisée entre novembre 2023 et mars 2024 sur la base d’un questionnaire réalisé et analysé par Nicolas Aït Cheikh et François Cochet, experts Secafi, Amandine Michelon et Antoine Rémond du Centre Etudes & Data du Groupe Alpha. 3 850 personnes ont répondu à l’intégralité du questionnaire, parmi lesquels un tiers n’exerçait pas de mandat avant l’instauration du CSE.

(**) L’écoute fait partie des compétences délicates qu’un élu peut développer, voir l’infographie

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