Le sociologue, clinicien du travail, sort la colère du huis clos des consultations pour identifier les failles des nouvelles organisations du travail. Son ouvrage « Le Travail à vif. Souffrances professionnelles, consulter pour quoi ? » est le lauréat du prix Penser le travail 2024.
Le sociologue et clinicien du travail Thomas Périlleux, également professeur à l’Université catholique de Louvain (Belgique), s’intéresse à l’engagement subjectif dans le travail ou plutôt dans l’activité. Son ouvrage Le Travail à vif. Souffrances professionnelles, consulter pour quoi ?, publié en 2023 aux éditions Erès, analyse des témoignages de salariés venus le consulter pour faire le lien entre des situations d’épuisement, de sidération, d’étouffement de la parole, et les organisations du travail. Il est le lauréat du prix Penser le travail 2024.
Votre ouvrage « Le Travail à vif » nous plonge dans le monde des pathologies du travail. En quoi s’inscrit-il dans l’actualité ?
C’est un livre issu de quinze ans de consultations, qui aborde des questions qui ont pris une certaine acuité et ont rejoint l’actualité sur deux points : les changements dans le travail et son organisation, encore accentués par la crise sanitaire, qui ont des incidences collectives – l’intensification du travail, la disparition des anciens collectifs issus de la période fordiste –, et des incidences subjectives, à savoir le nouveau rapport au travail, la promotion d’un modèle de performance et de réussite individuelle. On est peut-être à un moment d’épuisement de ce modèle.
Le deuxième point touche aux changements dans le paysage de la santé, en particulier la santé mentale au travail, à savoir l’évolution de la réglementation et la multiplication des intervenants en entreprise, concomitants à la montée des risques psychosociaux et des burn-out.
Vous adressez votre analyse des souffrances professionnelles à tous ceux qui cherchent à transformer le travail. Quel est, selon vous, le propos de l’ouvrage à retenir en priorité ?
La dimension de l’écoute – souvent esquivée – me paraît centrale. Il est important de revenir à ce qu’on appelle « le réel du travail », d’être en mesure d’écouter ce que les salariés ont à dire sur leur travail d’abord, sur l’activité et ensuite sur son contexte, car l’expérience personnelle se déploie toujours dans un cadre collectif et ses règles.
L’enjeu est de repartir du travail vécu et non d’un modèle qui peut être en contradiction avec les valeurs du métier. En partant des situations concrètes, on voit comment le sens du travail peut se reconstruire ou se détruire. On voit quelles sont les possibilités de création ou d’innovation. Comment le sentiment d’impuissance par exemple, n’est pas l’impuissance elle-même. En revenant dans le détail du travail réel, on sort de l’image globale pour révéler les marges de manœuvre du salarié.
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