Des dirigeants d’Engie suspectés en Italie de «désastre environnemental»

20 juillet 2015 | Crimes Industriels, Dans le Monde

Engie, ex-GDF-Suez, est mis en cause par la justice italienne pour le « désastre environnemental » de la centrale à charbon de Vado Ligure, responsable de la mort de plusieurs centaines de personnes, selon une expertise scientifique.

C’est une première judiciaire en Europe et, sans doute, dans le monde : la justice italienne suspecte 86 personnes d’avoir causé un « désastre environnemental » en participant au fonctionnement de la centrale à charbon de Vado Ligure, au nord de l’Italie, non loin de Gênes, opérée par Tirreno Power, filiale à 50 % d’Engie (ex-GDF-Suez). Parmi elles, quatre dirigeants du groupe français sont directement mis en cause : le vice-président senior en charge de la production du gaz pour la France et l’Europe du Sud, son directeur des ventes d’énergie pour l’Italie, ainsi que le président et le directeur général de GDF-Suez Energia Italia, filiale à 100 % d’Engie.
Le parquet de Savone les suspecte d’avoir, comme les autres administrateurs et dirigeants de Tirreno Power, contribué à la mort de 427 à 657 personnes entre 2000 et 2007 par maladies cardiovasculaires et respiratoires, en raison des émissions de la centrale. Entre 2005 et 2010, de 298 à 433 enfants ont déclenché des maladies respiratoires imputables à la centrale, et entre 2 161 et 2 223 adultes ont développé des pathologies cardiovasculaires et respiratoires, selon la note du procureur, rendue publique mi-juin (à lire ici, notamment p. 15, en italien). Le code pénal italien punit les délits de désastre environnemental ou sanitaire de peines de 3 à 12 ans de prison.
Ces accusations spectaculaires reposent sur des expertises scientifiques innovantes. Elles permettent d’établir une relation statistiquement significative entre l’augmentation de l’exposition aux polluants rejetés par la centrale de Vado Ligure et l’augmentation du « risque sanitaire », c’est-à-dire les pathologies et les décès dans les zones entourant le site de production d’électricité, selon le Parquet de Savone. Une carte des expositions à la pollution a d’abord été réalisée, selon une double méthodologie : un modèle mathématique de la dispersion des émissions de dioxyde de soufre (SO2), dues exclusivement à la centrale ; des relevés de bioaccumulation sur les lichens (très sensibles à la pollution atmosphérique) de marqueurs spécifiques au charbon lorsqu’ils sont présents simultanément (arsenic, plomb, sélénium, cadmium et antimoine).
Une étude épidémiologique a ensuite été conduite sur plus de 156 000 personnes vivant dans 23 communes alentour. Elle démontre un lien de cause à effet statistique et proportionnel à l’exposition à la pollution. « Les effets sanitaires sont certainement imputables à l’exploitation de la centrale à charbon du fait qu’il s’agit de pathologies scientifiquement liées à ce type d’émissions et qu’il n’existe aucune explication valable d’une cause alternative à cette catastrophe sanitaire, comme le tabac, les expositions professionnelles ou les habitudes alimentaires », explique à Mediapart Matteo Ceruti, avocat des plaignants. Mise en service dans les années 1970, la centrale de Vado Ligure est située dans une région densément peuplée de l’Italie, sur la côte ligure, ce qui explique le grand nombre de personnes atteintes par ses émissions.

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