Derrière «le pragmatisme» des ordonnances, la perversion des droits fondamentaux

18 septembre 2017 | Dans la Loi, Emploi et Chômage

Par Marie-Laure Morin, ancien conseiller à la Cour de cassation.

En présentant les ordonnances, le gouvernement a affirmé vouloir changer l’esprit du droit du travail ! De fait, il ne s’agit plus de protéger prioritairement les salariés – fonction historique du droit du travail qui a justifié le développement des droits collectifs et des droits minimaux d’ordre public – pour répondre à l’inégalité du contrat de travail consubstantielle à la subordination. Il s’agit d’abord de rationaliser ces mêmes droits collectifs, pour « permettre » une plus grande latitude de décision dans l’entreprise, soit en langage Macronien, « pour libérer les énergies ». La protection (des salariés) n’est que la dernière des préoccupations qui doit se conjuguer avec celle des employeurs contre le risque judiciaire ! Rien d’ailleurs dans les ordonnances Macron, placées pourtant sous le sceau du dialogue social, n’augmente les droits collectifs des salariés, au contraire, rien non plus sur la « codétermination » ou la cogestion à l’image de l’Allemagne.
Ce changement d’esprit du droit du travail ne procède pas seulement du pragmatisme managérial affiché par le gouvernement pour obtenir la nécessaire flexibilité des entreprises et du marché du travail que dictent les politiques économiques néolibérales actuelles. Il procède aussi d’une perversion insidieuse des principes fondamentaux et des droit fondamentaux des travailleurs sur lesquels le droit du travail s’est construit, ce qui aboutit en droit comme en fait à un élargissement du pouvoir patronal.
On nous dira qu’il faut répondre aux changements du travail ! Peut-être, mais d’une part le contenu des réformes n’a pas de lien évident avec ces changements (mis à part le Télé travail qui pourra faire l’objet d’un accord que rien n’interdisait auparavant!) ; les ordonnances ne traitent ni du développement du numérique, ni des conditions de travail contemporaines source de souffrance au travail, ni de l’ubérisation etc.
En réalité on attend du dialogue social une réponse à ces questions. C’est une option possible. Encore faut-il que le dialogue social soit réel et que les principes fondamentaux qui président à son institution ne soient pas biaisés ou violés. Sinon ce dialogue risque de procéder d’une confusion des genres entre négociation collective et décision patronale unilatérale, qui ne peut qu’attiser la méfiance tant vis à vis des syndicats que des directions d’entreprise. Encore faut-il aussi que l’on ne confonde pas, en matière de licenciement, le régime de réparation du risque qui peut être forfaitaire et celui de la faute qui engage la responsabilité de son auteur, sauf à faire peser sur le salarié injustement licencié et sur la collectivité le poids du préjudice de la perte injustifiée de l’emploi, qui peut être considérable. Or les ordonnances procèdent bien de ce genre de perversion !
Qu’on en juge : 4 droits fondamentaux des travailleurs, constitutionnellement ou internationalement reconnus, sont malmenés, et donc selon nous violés, par les ordonnances Macron :

  • Le principe de participation, et spécialement le droit à la négociation collective (al.8 du préambule de la Constitution, convention 98 et recommandation 91 de l’Organisation Internationale du travail) ;
  • Le principe de la liberté syndicale (al 6 du préambule de la Constitution, convention 87 de l’OIT) ;
  • Le principe de la liberté contractuelle (art 4 et16 du préambule de la Constitution et protocole add n°1 de la CEDH)
  • Le droit au procès équitable (art. 6 CEDH)


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