Disparition de l'avis d'aptitude : la médecine du travail n'est pas une médecine assurantielle

Dans la Loi

Partager cet article :

Réflexions sur la « modernité » de l’article 102 titre V de la loi travail, à propos de l’aptitude.

L’aptitude délivrée par les médecins du travail dont la mission est « exclusivement préventive » est une protection juridique « médicale » de l’emploi des salariés et de leur capacité médicale à exercer un travail dans le cadre du secret médical.
En cas de problème de santé avec le travail, l’emploi du salarié est couvert par cette aptitude médicale jusqu’à ce que le médecin du travail en constate le contraire.

Démonstration

Jusqu’à présent, selon la loi, exprimée par la jurisprudence, un employeur ne peut licencier un salarié nouvellement embauché s’il n’a pas eu sa visite médicale d’embauche pour détermination de l’aptitude à l’emploi.
Par extension, si un employeur considère que l’état de santé de l’un de ses salariés pose un problème à son entreprise, il doit prendre avis auprès du médecin du travail afin que celui-ci statue à nouveau sur l’aptitude au regard des nouveaux éléments qui lui sont fournis.
Si le salarié est à nouveau déclaré apte avec aménagements éventuels, ce dernier n’a pas à craindre que son employeur le licencie en raison de son problème de santé car sinon celui-ci tomberait automatiquement sous le coup d’une discrimination pour état de santé attestée par le certificat d’aptitude.

À compter de janvier 2017, la nouvelle loi institue la disparition de l’avis d’aptitude.

Par conséquent, en l’absence de cet avis qui n’est plus légalement obligatoire, en cas de problème de santé chez un salarié posant des difficultés à l’employeur, rien n’oblige plus ce dernier à demander un avis médical auprès du médecin du travail. L’employeur a toute latitude pour décider comment il va résoudre ses difficultés avec son salarié malade, y compris en lui signifiant qu’il ne fait plus l’affaire en raison de ses insuffisances.
Ce sera désormais au salarié (nouvel article L4624-1 fourre-tout), de tout mettre en œuvre en amont de son éventuel licenciement (et comment peut-il prévoir que sa pathologie va mettre son emploi en péril ?), pour demander à son médecin du travail (s’il y pense car il ne l’aura le plus souvent jamais rencontré) de bien vouloir établir les recommandations visant à lui permettre de poursuivre son activité professionnelle malgré ses nouvelles vulnérabilités.
Mais avec la simple prescription de recommandations rédigées par le médecin du travail, non assorties d’une « aptitude à l’emploi au poste si… », l’employeur n’a pas plus de raison de considérer son salarié « apte à poursuivre sa tâche professionnelle ».
Car même si le salarié est reconnu comme « non inapte si » des aménagements de poste sont réalisés, il ne répond plus aux attentes des conditions de travail stipulées dans le contrat de travail et comme aucune aptitude n’oblige plus juridiquement l’employeur à maintenir son salarié en poste, il lui suffit d’attester par écrit, de son impossibilité à respecter les recommandations du médecin du travail, quel que soit le motif (y compris économique), pour qu’il ait légitimité à le licencier.
Dans ces conditions, il n’a même plus besoin d’obtenir la prononciation d’une inaptitude par le médecin du travail. Plus rien ne l’y contraint, si ce n’est le risque, dorénavant dépendant de la décision des prud’hommes d’être reconnu coupable de discrimination en raison d’un état de santé.
Mais pour cela, il faudra que le salarié, doublement fragilisé par sa santé et par son licenciement prenne encore une fois l’initiative, avec ses petits moyens, de saisir le tribunal des prud’hommes pour tenter d’y prouver, en révélant ses vulnérabilités (atteinte au secret médical = non-respect de la vie privée) que c’est en raison de celles-ci que son employeur l’a licencié abusivement (malgré ses capacités restantes, si celles-ci avaient été constatées par le médecin du travail etc).
S’il est débouté de sa démarche, c’est lui qui devra payer les frais engagés par la procédure (avocat, médecin expert), a contrario de la gratuité actuelle via l’inspection du travail.

A lire dans le magazine

Réseaux Sociaux

Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour des infos spéciales ou échanger avec les membres de la communauté.

Aidez-nous

Le site Souffrance et Travail est maintenu par l’association DCTH ainsi qu’une équipe bénévole. Vous pouvez nous aider à continuer notre travail.