La dénonciation des agissements de harcèlement : une protection limitée au salarié de bonne foi

04 novembre 2019 | Dans la Loi

La dénonciation de faits de harcèlement (moral ou sexuel) a pris ces dernières années une dimension particulière. La parole se libère, les hashtags #MeToo, #BalanceTonPorc fleurissent sur les réseaux sociaux et les affaires judiciaires en lien avec des faits de harcèlement explosent.


Par Henri Dangleterre, avocat, département social, CMS Francis Lefebvre Avocats


Les relations de travail n’échappent pas à ce phénomène. Régies par des rapports de subordination, elles sont malheureusement trop souvent le terrain d’expression de comportements abusifs pouvant être qualifiés de harcèlement.
Afin de favoriser l’identification de ces agissements et assurer l’effectivité des dispositions légales les réprimant, le Code du travail comprend un certain nombre de dispositions protectrices tendant à encourager les salariés à dénoncer des faits de harcèlement.
Néanmoins, parce qu’une telle dénonciation jette l’opprobre sur les personnes désignées (employeurs ou salariés, de bonne ou mauvaise foi), celles-ci n’hésitent pas à se défendre par tous les moyens et parfois à agir en justice estimant que les faits qui leur sont imputés sont mensongers ou diffamatoires.
Dès lors, il convient d’assurer un certain équilibre entre les droits du dénonciateur et de la personne accusée dont les intérêts sont à priori contradictoires.

Une protection étendue du salarié dénonçant des agissements de harcèlement

Le législateur a institué un ensemble de dispositions destinées à protéger le salarié (témoin ou victime) qui serait amené à dénoncer de faits de harcèlement (moral ou sexuel).
Le Code du travail reconnait d’abord un droit d’alerte et de retrait pour tout salarié qui a « un motif légitime de penser » qu’une situation de travail « présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé » (Code du travail, art. L.4131-1).
Si ce texte ne vise pas directement le harcèlement, la jurisprudence a reconnu son application à une telle situation dès lors que le harcèlement peut avoir un effet sur la santé physique ou mentale des salariés.
Ensuite, afin d’éviter toute mesure de rétorsion qui pourrait être prononcée à l’encontre des salariés dénonçant des faits de harcèlement, la législation sociale prohibe tous les actes pouvant constituer un frein à leur liberté de résistance, de plainte ou d’expression (Code du travail, art. L.1152-2 et L.1153-3).
La forme de la dénonciation importe peu (courrier, email, déclarations), le salarié doit toutefois avoir expressément qualifié les faits de harcèlement pour pouvoir bénéficier de la protection (Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23.045).
Ainsi, toute sanction disciplinaire, licenciement ou mesure discriminatoire prononcés à l’encontre de ces salariés encourt la nullité. La seule mention dans la lettre de licenciement des allégations de harcèlement formulées par le salarié a pour effet de rendre le licenciement nul, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres motifs justifiant la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 21 mars 2018, n° 16-24.350).
Enfin, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement bénéficie à ce titre d’un aménagement de la charge de la preuve. Ainsi, il n’a pas à établir la preuve du harcèlement mais doit seulement présenter « des éléments de fait laissant supposer son existence », à charge pour l’employeur de prouver que les agissements en cause « ne sont pas constitutifs d’un harcèlement » (Code du travail, art. L.1154-1).
Ce régime probatoire favorable s’oppose d’ailleurs à ce que le salarié soit poursuivi sur le fondement de la diffamation (Cass. 1e civ., 28 septembre 2016, n° 15-21.823). La diffamation étant constituée par « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération », elle est réputée faite avec l’intention de nuire, c’est-à-dire de mauvaise foi. Or cette présomption n’est pas compatible avec la présomption de bonne foi du dénonciateur de faits de harcèlement, dont le droit est protégé par la loi.
Il ressort de ces textes que tout salarié dispose d’un véritable « droit de dénoncer » les agissements de harcèlement moral ou sexuel dont il estime être victime ou témoin. Dès lors, le rapport entre les droits du dénonciateur et de la personne accusée peut sembler déséquilibré. Néanmoins, la protection accordée à l’auteur d’une dénonciation de faits de harcèlement n’est pas absolue.

Lire la suite, « Moyens d’action du salarié accusé à tort« , sur le site https://business.lesechos.fr

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