Le droit du travail est-il indépassable ?

03 juin 2015 | Dans la Loi

Emmanuel Macron présente sa loi comme un progrès lors même qu’elle contribue à affaiblir un droit du travail qui, à juste titre, est considéré comme une institution nécessaire à la protection des salariés. Gérard Filoche, dans son blog, a dénoncé le fait que cette loi permettait entre autres de s’affranchir du recours au droit du travail pour trancher les différends entre employé et employeur. Ce qui inquiète légitimement les salariés est, au-delà de la libéralisation du Code du travail, son contournement pur et simple. J’aimerais pourtant poser une question volontairement polémique : le Code du travail, tel qu’il existe aujourd’hui, est-il vraiment la clef de la liberté des travailleurs ?

Le droit du travail : entre subordination et protection
Il existe un point qui est trop rarement soulevé par les commentateurs : le contrat de travail est un contrat de subordination (voir, par exemple, (Cass. soc. 13 novembre 1996)), c’est-à-dire un contrat qui oblige le salarié, quant à l’exécution de son travail, à obéir aux injonctions unilatérales de son employeur. C’est une autre manière de dire que l’entreprise n’est pas un lieu démocratique, mais le lieu d’un despotisme institutionnalisé. Un des seuls lieux où une personne majeure a l’obligation, pour un temps long, d’obéir aux ordres d’un tiers quant à l’exécution de certaines tâches. Le droit du travail et les contrats qu’il définit, orchestrent donc non pas, comme au temps de Marx, le louage de la force de travail au jour le jour mais la soumission durable du salarié à l’autorité de son employeur. C’est la raison pour laquelle la question de la démocratie en entreprise, des conditions de la sortie des travailleurs de la minorité dans laquelle ils sont tenus par l’institution du salariat, est centrale. Il est dès lors légitime de s’interroger pour savoir si le droit du travail est vraiment la clef de la liberté des travailleurs ou bien un cautère sur une plaie?
Il est vrai que les dispositions protectrices du droit du travail, dans un tel cadre de subordination, sont essentielles. Le Code du travail viendrait, selon Gérard Filoche, compenser la situation de subordination instaurée par le contrat de travail en accordant des droits à l’employé pour éviter que subordination ne rime avec soumission. L’idée de compensation ne me semble néanmoins pas convenir car rien ne peut compenser la soumission d’une personne. Le Code intervient surtout pour éviter que la subordination du salarié à son employeur ne représente une situation de domination où l’un se retrouverait comme esclave, à la merci des décisions unilatérales de l’autre. Or, quand on attaque, comme le fait la loi Macron, la médiation du droit du travail sous prétexte de libéraliser l’économie et de la rendre plus efficiente (ce qui reste à prouver), c’est à cet équilibre fragile que l’on s’attaque. Assouplir le Code du travail en permettant à l’employeur de court-circuiter l’institution présente indéniablement le risque de mettre le salarié dans une position de vulnérabilité toute particulière, car l’égalité de l’employeur et du salarié n’existe pas.

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