De l'expert du CHSCT à l'expert du CSE, un cadre technique et juridique novateur ?

Dans la Loi

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Un arrêté du 07 août 2020, entré en application dès le lendemain, a défini et précisé les contraintes auxquelles devaient répondre les experts entendant bénéficier de l’habilitation leur permettant d’officier pour le compte des CSE, en qualité « d’expert qualité du travail et de l’emploi », qui doivent être certifiés dans au-moins un des domaines suivants :  organisation du travail (dont les équipements de travail), environnement de travail (dont les expositions chimiques, physiques et biologiques), et égalité professionnelle.

Selon la notice du texte, le présent arrêté détermine les modalités et conditions de certification des experts mentionnés à l’article 1er du présent arrêté, notamment :

a) La nature et l’objectif de l’expertise conduite par les experts;

b) Les exigences nécessaires à l’exercice de leurs missions d’expertise, notamment celles permettant de garantir le caractère impartial de l’expertise et d’assurer la confidentialité des informations détenues dans ce cadre;

c) La qualification, la compétence, l’expérience professionnelle et le rôle au sein de l’organisme expert des personnes assurant des fonctions de chargé de projet;

d) Les modalités et conditions d’accréditation des organismes certificateurs.

Ces règles de certification et la nature des missions dévolues se substituent à celles qui étaient jusque-là en vigueur pour les bien-connus « experts du CHSCT », qui continuent à bénéficier de leur agrément jusqu’à la date prévue initialement par l’arrêté les agréant.

Notons au préalable que les sujets sur lesquels une délibération du CSE peut décider de nommer un expert n’ont pas changé (article R2315-94 du code du travail) : risque grave identifié et actuel, projet important de modification des conditions de travail, introduction d’une nouvelle technologie, ces trois thèmes dès lors qu’elles ont un impact potentiel sur la santé et la sécurité des travailleurs, et dans les entreprise de 300 salariés et plus, la préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle.

La nécessité de le désigner par une délibération spéciale, qui peut être en lien ou pas avec l’ordre du jour de la réunion du CSE, n’est pas modifiée non plus.

Une partie de l’intérêt du contenu de ce nouvel arrêté est que la définition du cahier des charges, fixant les demandes à l’expert et à partir duquel pouvait être évalué le coût de son intervention, n’est plus juste du ressort et de la responsabilité des membres du CSE, même utilement conseillés par l’expert pressenti, dans son rôle de conseil. On dispose clairement des fondamentaux, nécessaires, dans un texte qui en précise le contenu, avec une valeur juridique autre que celle des diverses chartes existant jusqu’ici, ce qui est sans doute gage d’une meilleure qualité d’intervention de l’expert et d’un positionnement facilité de celui-ci face à la fois à son mandant, mais également face à l’employeur, susceptible de contester la mission et son contenu.

Reste que ce texte ne s’applique a priori qu’aux seuls experts qui rechercheront l’accréditation officielle, pas aux autres consultants qui ne demanderont pas à intégrer cette liste d’intervenants potentiels auprès des CSE. Mais, en sus de tracer la qualité professionnelle des intervenants répondant aux conditions de certification requises, on peut espérer que le contenu de l’arrêté participera à compléter et mutualiser de bonnes pratiques communes de métier, et à épurer un peu le marché commercial du stress, d’autant plus qu’il s’agit là de règles de bon sens.

Tout d’abord l’arrêté rappelle et explicite un peu la terminologie technique employée par les experts, dans des définitions inscrites en annexe 1, dans l’optique de partager une compréhension commune des termes, parfois à multiple sens, employés.


ANNEXE 1
DÉFINITIONS

Dans le présent arrêté, les mentions au comité social et économique visent le comité social et économique ayant diligenté l’expertise. Au sens du présent arrêté, on entend par :

1. Demande du comité social et économique : problématique établie par les membres élus du comité social et économique définissant l’objet de l’expertise à réaliser, son périmètre, sa finalité et la nature de la réponse attendue;

2. Diagnostic : ensemble d’actions de l’organisme expert reposant sur la mise en œuvre de connaissances et des techniques maîtrisées, dans le but de produire des démonstrations fondant les recommandations de l’organisme expert. Les connaissances comprennent notamment celles déjà produites sur l’objet de l’expertise dans l’entreprise ou la littérature scientifique, ainsi que celles accumulées par l’organisme expert;

3. Expertise : ensemble d’activités ayant pour objet de fournir à un client, en réponse à la demande, une interprétation ou une recommandation aussi objectivement fondée que possible, élaborée à partir d’un diagnostic;

4. Sous-traitant : personne morale ou physique agissant, dans le cadre de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, pour le compte d’un organisme expert, et contribuant à la réalisation de l’expertise;

5. Jugement : processus d’appréciation, d’évaluation, d’estimation ou d’explication conduisant à énoncer une opinion sur un sujet ou un objet, fondée sur l’analyse dans une situation définie, l’expérience professionnelle et les connaissances établies dans un domaine défini;

6. Livrable : élément tangible produit par l’organisme expert à destination du client;

7. Méthodologie d’expertise : ensemble des moyens et techniques retenus par l’organisme expert certifié pour répondre à la demande du comité social et économique;

8. Mission d’expertise : ensemble des évènements relatifs à la conduite et réalisation de l’expertise de la demande à la restitution du produit de l’expertise au client;

9. Recommandation : à la suite du diagnostic, conclusion comportant des propositions d’actions ou de réflexions.


Dans la brève présentation qui suit, on centrera le propos plus particulièrement sur les expertises demandées, pour faire large, en matière de risques psychosociaux, quand les représentants du personnel estiment que ceux-ci sont en lien avec certaines formes d’organisation du travail.

La mission des experts, appelés « organismes experts » dans l’arrêté est précisée : il s’agit « d’éclairer les membres du CSE », et la lumière doit jaillir des éléments suivants :

  • L’expert missionné doit apporter une « information claire, précise et impartiale » aux membres du CSE, en établissant un diagnostic et en présentant des propositions d’actions et des solutions concrètes sur la base de celui-ci ; se retrouvent donc ici inscrites, notamment, l’obligation de « propositions d’actions », que tous les experts ne faisaient pas dans le cadre de leurs interventions, notamment parce que ce qui n’était pas facturable n’avait pas à être intégré dans l’expertise, et la notion d’actions « concrètes » c’est-à-dire directement tirées du diagnostic établi, et donc pas générales ou génériques, comme on a pu le voir dans des dossiers où finalement les propositions d’actions étaient pré-écrites avant même le début de la phase diagnostique, ou s’avéraient sans lien avec ce qui avait pu être mis en lumière.
  • L’expertise doit intégrer « le cas échéant » une vision globale de la santé au travail : la formulation est très générale, et peut simplement consister à rappeler qu’elle n’a pas à être déconnectée des autres risques existants, mais elle permet aussi de rappeler qu’il n’est pas interdit d’office à l’expert de procéder à des comparaisons qu’il estime pertinentes, non seulement dans le service qui fait l’objet de l’expertise, mais encore dans les autres secteurs d’activité de l’entreprise, et même du groupe ou de la profession, pour établir plus finement son diagnostic.
  • En tenant compte « notamment » des questions liées à l’organisation et à la finalité du travail, au rôle de l’encadrement et à la politique de prévention des risques professionnels menée par l’employeur ; la formulation est intéressante en ce qu’elle rappelle notamment qu’une expertise de cette nature n’a pas pour but de déconnecter de la réalité du travail l’analyse prévue, mais qu’elle doit au contraire y intégrer également les facteurs de risques existants du fait des choix d’organisation du travail.

Il ne s’agit donc pas de, et on ne peut, se contenter de réduire l’expertise à tracer des profils psychologiques pour faire ensuite des propositions d’actions de prévention secondaire (former à la communication, à la résistance au stress, coaching, etc.) ou tertiaire (ouvrir une ligne téléphonique d’appui psychologique), pas plus qu’il ne s’agira de réaliser une « autopsie psychologique » dans les situations où l’expert est désigné suite à un suicide, pour aider à en comprendre le lien éventuel avec des facteurs qui seraient liés au travail. Ne pas mettre les questions posées en lien avec l’organisation du travail, c’est ne pas faire son boulot d’expert.

Rappelons à cet égard que, déontologiquement, ce ne devrait pas être à l’expert qui a fait le diagnostic et proposé des pistes d’actions de mettre en œuvre ultérieurement ces actions, ce que rappelle, valide et à quoi donne une valeur juridique l’article 5 de cet arrêté (commenté plus loin). Il y a trop d’enjeu à ne pas jeter le discrédit sur l’expertise réalisée en laissant planer un doute sur le fait que, peut-être, c’est parce qu’on voulait placer commercialement une prestation de réalisation de telle action (notamment tout ce qui est du domaine du développement personnel) et s’y positionner, que l’on a « trouvé » les indicateurs qui allaient dans ce sens dans le diagnostic.


ANNEXE 2
DÉONTOLOGIE DES ORGANISMES EXPERTS

L’organisme expert certifié est tenu de respecter les principes déontologiques encadrant ses pratiques professionnelles d’expertise et est responsable du respect de ces principes par les sous-traitants auxquels il fait appel.

Ces principes constituent un ensemble de droits et devoirs qui régissent ses actes dans sa relation avec les diverses parties prenantes aux expertises. Le processus de certification permet de vérifier les mesures mises en place par l’organisme expert certifié pour atteindre les objectifs énoncés ci-dessous:

Confidentialité :
a) L’organisme expert certifié respecte la confidentialité, il ne diffuse son rapport, ou les informations qui s’y rattachent, qu’aux membres du comité social et économique, sans préjudice de ses obligations de communication prévues par le présent arrêté;
b) L’organisme expert certifié est tenu d’observer le secret professionnel dans l’exercice de ses missions. Il veille également à faire observer par toute personne placée sous sa responsabilité et les sous-traitants le respect des engagements de confidentialité et l’obligation du secret professionnel.

Responsabilité :
a) L’organisme expert certifié n’accepte que les missions relevant de son ou ses domaines de compétence;
b) L’organisme expert certifié s’assure que ses sous-traitants maintiennent leurs compétences et connaissances régulièrement à jour par tous moyens nécessaires: formation continue, recherche et publications scientifiques, échanges professionnels ou disciplinaires… Chaque sous-traitant est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience;
c) L’organisme expert certifié décide du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. Il est soucieux de l’utilité sociale de ses travaux.

Indépendance et prévention des conflits d’intérêt :
a) Les relations de l’organisme expert certifié avec les CSE sont fondées sur la loyauté, l’indépendance vis-à-vis de l’employeur et des représentants du personnel et l’obligation d’accomplir ses missions avec sincérité, éthique et objectivité;
b) Dans le respect du cadre légal du libre choix de l’organisme expert certifié par les membres du comité social et économique, l’organisme expert certifié conserve à tout moment sa position d’indépendance vis-à-vis de l’employeur et des représentants du personnel. L’organisme expert certifié agit indépendamment de tout intérêt particulier ou commercial de nature à influer sur son intervention. Tout lien particulier ou commercial entre l’organisme expert certifié et l’entreprise devra être présenté par celui-ci à ses clients.


Tout le chapitre premier de l’arrêté est consacré à la façon de faire et au contenu de l’expertise, dans les articles 3 à 9. Nous ne développerons pas ici la partie concernant les règles techniques d’accréditation des organismes experts.

Art. 3. – Nature et objet de l’expertise.

L’expertise est conduite en matière d’organisation, de santé, de sécurité et de conditions de travail ou d’égalité professionnelle selon la méthodologie d’expertise proposée à l’annexe 3 du présent arrêté.

De fait cela rend opposable à tous les experts accrédités la réalisation des expertises dans des conditions de respect d’une méthodologie commune, claire et lisible pour le CSE comme pour l’employeur, et rappelée par l’arrêté. Le trouble peut venir de la formulation du texte lui-même : la méthodologie n’est que « proposée » dans l’annexe 3, mais cet article 3, utilisant le présent de l’indicatif (« est conduite selon la méthodologie »), ce qui en droit vaut caractère impératif, semble indiquer que cette méthodologie sera obligatoirement mise en œuvre. A la lecture de l’annexe 3, reproduite ci-dessous, on s’aperçoit cependant que le contenu est de « bon sens » et ne devrait pas poser de problème de mise en œuvre à quelque organisme que ce soit.

Elle a pour objet d’apporter aux membres du comité social et économique des éléments d’information lisibles et objectifs leur permettant de formuler un avis éclairé. A cette fin, elle favorise les échanges entre l’employeur et les membres du comité social et économique et réduit l’asymétrie des connaissances au sein du comité social et économique. L’expertise contribue en particulier à: a) Analyser les situations de travail; b) Evaluer les risques professionnels et, le cas échéant, les événements accidentels; c) Evaluer les incidences, pour les travailleurs, de la mise en place d’un projet important ou de l’introduction d’une nouvelle technologie; d) Identifier les opportunités qui permettraient, notamment, d’améliorer les conditions de travail et d’emploi, l’organisation, la santé au travail et la prévention des risques professionnels; e) Formuler des recommandations en la matière; f) Restituer sous forme écrite et orale au comité social et économique les conclusions de l’expertise en apportant, notamment la démonstration du diagnostic et des recommandations formulées.

Tout cela va évidemment mieux en le disant !

Un rapport d’expert n’est pas destiné à des experts : il faut donc que le langage employé soit accessible à la compréhension des personnes à qui il est destiné, et explicité le cas échéant, afin qu’il puisse être pris en compte de la façon la plus pertinente pour la prévention des risques professionnels dans l’entreprise, ce qui est quand même son objectif principal.

Le fait que l’expertise « contribue », et contribue seulement, à l’évaluation de ces risques et à la détermination d’un plan d’actions de prévention est également un point important : il ne s’agit pas de croire ou laisser croire que l’expertise produite vaut respect de l’obligation par l’employeur d’évaluer les risques. L’expert n’est pas le sous-traitant de l’employeur en ce domaine, il n’y a ni transfert de charge, ni transfert de responsabilité. L’expertise est un des éléments, par son contenu, propre à alimenter le document unique d’évaluation des risques et le plan d’actions qui doit obligatoirement être mis en œuvre dans ce cadre, et il est de la responsabilité du chef d’entreprise de ne pas l’écarter dans sa propre démarche.

Enfin, le principe de restitution écrite et orale au CSE, imposé par cet arrêté, permettra enfin de mettre un terme aux pratiques de certains experts qui ont pu indiquer à des CSE qu’il n’y aurait pas de rapport écrit (et donc pérenne, sur lequel pouvoir s’appuyer dans la durée) mais une simple restitution orale. Il nous semble important que le CSE dispose de traces écrites de l’expertise, tant en matière de transférabilité des savoirs techniques, méthodologiques et des connaissances utiles à la démarche de prévention des risques, que de possibilité de prendre un temps de réflexion apaisée sur le contenu de l’expertise et les préconisations de l’expert à partir d’un support auquel on pourra revenir en tant que de besoin.


ANNEXE 3
MÉTHODOLOGIE D’EXPERTISE PROPOSÉE

Cette méthodologie d’expertise proposée vise à satisfaire aux exigences formulées à l’article 3.

Le point de départ de l’expertise est une délibération du comité social et économique décidant de recourir à une expertise et désignant un organisme expert certifié. Le processus d’expertise tient compte de la nécessaire adaptation de l’expertise aux situations et de la capacité d’innovation et de différenciation des organismes experts.

L’organisme expert certifié est tenu à une position de tiers et n’est donc pas partie prenante des divergences naturelles qui peuvent s’exprimer au sein d’un comité social et économique. Cela implique une position d’objectivité à toutes les étapes de sa mission.

Le processus type d’une expertise se décline généralement selon les trois étapes suivantes incluant des dispositions de gestion des aléas, des incidents et des évolutions:

Proposition : l’organisme expert certifié explicite les objectifs poursuivis, les méthodes utilisées, les résultats attendus et les compétences mobilisées et est attentif à la communication de ces éléments au comité social et économique demandeur. L’organisme expert certifié est transparent sur les méthodes utilisées, leurs intérêts et leurs limites. Il a un devoir de pédagogie et d’information auprès du comité social et économique.

Convention, lettre de mission ou toute autre forme contractuelle, qui précisent notamment :
a) Le contexte de l’intervention;
b) L’analyse de la demande ou l’évaluation de la ou des questions posées;
c) Le choix des méthodes d’intervention appropriées;
d) La sélection par l’organisme expert certifié du ou des sous-traitants pressentis ayant les compétences adéquates;
e) Les modalités de suivi de mission par le comité social et économique;
f) Le montant estimatif des honoraires.

Réalisation d’actions spécifiques à l’expertise demandée :
a) Les données recueillies font l’objet d’une analyse critique, qu’elles proviennent de l’entreprise ou qu’elles soient directement recueillies par l’organisme expert certifié, notamment sur site;
b) Le diagnostic réalisé s’abstient de tout jugement de valeur et ne s’appuie, quelle que soit la méthode, que sur des données factuelles (questionnaires, documentations de l’entreprise, entretiens, observations des situations de travail, mesures d’ambiance, prélèvements…);  
c) L’organisme expert certifié s’inscrit de manière systématique dans le cadre d’un devoir de conseil auprès des membres du comité social et économique et en particulier dans un but de prévention primaire des atteintes à la santé et d’amélioration des conditions de travail ou du traitement des inégalités professionnelles;
d) Dans le cas particulier d’une expertise menée dans le cadre d’une consultation sur un projet soumis au comité social et économique, l’organisme expert certifié met en œuvre les moyens permettant aux membres du comité social et économique de rendre un avis motivé et de faire des propositions.

Clôture, incluant :
a) La restitution des travaux par la fourniture au comité social et économique des conclusions de l’expertise;
b) Les conclusions de l’expertise sont présentées aux membres du comité social et économique lors d’une réunion préparatoire, puis débattues en réunion plénière de l’institution;
c) Le cas échéant, une restitution supplémentaire, pouvant être présentée aux salariés concernés par l’expertise sous une forme à déterminer;
d) Un bilan de la mission, intégrant notamment évaluation et capitalisation.


Art. 4. – Obligations de l’organisme expert certifié.

L’organisme expert certifié met en place un système de management de la qualité et établit à cet effet les procédures nécessaires au respect des dispositions du présent arrêté. Dans ce cadre, l’organisme expert certifié: a) Justifie de son statut juridique et d’une assurance destinée à couvrir sa responsabilité; b) Dispose des moyens organisationnels, humains et matériels permettant de réaliser ses missions d’expertise; c) Conduit ses expertises selon les règles de déontologie professionnelle fixées à l’annexe 2 du présent arrêté, notamment en matière de confidentialité, de responsabilité, d’indépendance vis-à-vis de l’employeur et des représentants du personnel et de prévention des conflits d’intérêt; d) Ne propose pas, à l’issue de l’expertise, des prestations en rapport avec les conclusions de celles-ci.

On voit toute l’importance de cet article dans ces dernières mentions. On ne prend pas une expertise si l’on ne dispose pas de l’effectif nécessaire (en nombre et en compétences requises) pour la réaliser et en traiter l’analyse, comme les conclusions. On ne prend pas d’expertise qui ne pourrait pas se réaliser selon les règles déontologiques fixées dans l’arrêté. On ne vend pas non plus, derrière l’expertise, la réalisation des prestations que l’on aurait conseillé au CSE et à l’entreprise de mettre en place.

Art. 5. – Identification du ou des chargés de projet (extrait).

Le responsable de l’organisme expert certifié désigne, pour chaque expertise engagée, un chargé de projet [à qui sera confiée la gestion de l’expertise conduite]. Il formalise cette désignation et en informe le comité social et économique.

C’est d’autant plus important que selon l’article 8 de l’arrêté, le chargé de projet est l’intermédiaire entre le comité social et économique et l’organisme expert. Nous développons ce point plus particulièrement sous l’article 8.

Art. 6. – Autres compétences internes.

Le cas échéant, le responsable de l’organisme expert certifié identifie le ou les salariés de son organisme disposant d’une compétence spécifique et susceptibles d’être intégrés à l’équipe de travail en charge de l’expertise. Il en établit la liste et la met à jour en tant que de besoin.

Pour chaque expertise engagée, lorsque celle-ci le nécessite, le responsable de l’organisme expert certifié désigne, en lien avec le chargé de projet, les salariés constituant l’équipe de travail.

Art. 7. – Recours à un sous-traitant.

Le responsable de l’organisme expert certifié identifie le ou les sous-traitants auxquels il est susceptible de recourir. Il s’assure qu’il ou ils disposent des compétences ou de l’expérience mentionnée au I de l’article 8.

Il en établit la liste qu’il communique à l’organisme certificateur. Le responsable de l’organisme expert met à jour cette liste en tant que de besoin et en informe l’organisme certificateur lors de l’audit de surveillance annuel mentionné à l’annexe 4 du présent arrêté. Le sous-traitant, dont l’implication dans une expertise ne peut concerner qu’une partie des travaux, agit sous l’autorité du responsable de l’organisme expert certifié.

Pour chaque expertise pour laquelle il recourt à un sous-traitant, le responsable de l’organisme expert: a) Consigne le nom de chaque sous-traitant avec lequel il a contractualisé ainsi que le périmètre et le domaine de son intervention dans l’expertise conduite. b) S’assure de son indépendance vis-à-vis de l’employeur et des représentants du personnel.

Il y a plusieurs points importants dans cet article.

Le fait qu’un expert puisse sous-traiter une partie de son travail d’expertise est confirmé. Ce n’est pas forcément logique, puisque la conclusion de la convention d’expertise se fait au vu des compétences de l’expert finalement choisi, et un peu intuitu personae. Choisir quelqu’un et se voir imposer un autre organisme pour faire (il n’est pas prévu juridiquement que le CSE puisse s’opposer à la désignation d’un sous-traitant par exemple, et s’il a oublié ce point dans la convention de mission d’expertise, il ne pourra rien y faire) peut paraître abusif.

L’expert ne peut pas sous-traiter n’importe comment et avec n’importe qui : tout d’abord le sous-traitant devrait être préalablement déclaré comme tel à l’organisme qui a certifié l’expert. Ce principe est relativisé par le fait que l’actualisation de la liste des sous-traitants n’est vérifiée qu’une fois par an. Et par le fait que rien n’impose au sous-traitant d’être certifié comme l’est l’organisme principal retenu par le CSE, puisque seule l’expérience ou le diplôme requis pour être chargé de projet au sens de l’arrêté sont exigés.

Mais surtout il ne s’agit pas d’une sous-traitance totale de la mission. En d’autres termes l’organisme qui est retenu par le CSE ne peut éventuellement déléguer « qu’une partie des travaux ». Cela permettra d’éviter « l’entrisme » de certaines « têtes de pont » ayant une forte capacité administrative à répondre aux appels d’offres, qui se chargent de se positionner pour prendre des marchés, sans avoir l’intention de les exécuter mais pour les confier à d’autres, en prenant éventuellement une petite dîme au passage.

Art. 8. – Qualification, compétences et rôle du chargé de projet.

Le chargé de projet: – soit est titulaire d’un diplôme d’ingénieur, d’un diplôme sanctionnant au moins cinq ans d’études supérieures dans les domaines de la santé, de la sécurité ou de l’organisation du travail, ou dans une matière relevant des sciences humaines et sociales et liée au travail; – soit justifié d’une expérience professionnelle d’au moins cinq années au sein d’une structure agréée au titre de l’article R. 4614-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020 ou certifiée au titre de l’article R. 2315-51 du même code ou dans le domaine de la gestion des ressources humaines ou du droit du travail.

Une condition de diplôme et / ou d’expérience, et pas dans un domaine tiers ou étranger à la santé et à la sécurité au travail, c’est un élément rassurant pour choisir le chargé de projet. Cependant il n’y a pas mention de telle exigence pour les personnes qui feront effectivement l’expertise, et il conviendra que le chargé de projet présente son équipe aux membres du CSE, peut-être même dès la convention de mission, et leur indique clairement les compétences détenues et mobilisées par eux pour ce projet, comme leur utilité à les mobiliser spécifiquement dans cette expertise en particulier.

Rappelons qu’il est attendu beaucoup du chargé de projet :

Le chargé de projet, qui exerce son activité sous l’autorité du responsable de l’organisme expert, est l’intermédiaire entre le comité social et économique et l’organisme expert.

Il est en mesure :
a) D’appréhender les aspects techniques de l’expertise pour laquelle le responsable de l’organisme expert certifié l’a désigné;
b) De comprendre les ressorts du dialogue social;
c) De conduire une expertise, de l’analyse des besoins à la restitution de l’expertise;
d) Le cas échéant, d’identifier les compétences spécifiques nécessaires lorsqu’il ne les détient pas en propre et de proposer au responsable de l’organisme expert certifié la composition de l’équipe de travail et le recours éventuel à la sous-traitance;
e) D’organiser le travail de chacun des membres de l’équipe durant l’expertise;
f) De choisir les méthodologies d’expertise permettant de répondre au mieux à la demande du comité social et économique;
g) D’organiser les analyses du travail pertinentes et mettre en place les entretiens permettant de recueillir les points de vue des acteurs de l’entreprise;
h) De vérifier la pertinence des travaux exécutés par son équipe ou les sous-traitants;
i) De restituer le résultat de l’expertise au comité social et économique dans le respect des délais prévus à l’article R. 2315-47 du code du travail.

Rappelons aussi que rien n’interdit dans ce texte de sous-traiter la fonction de chargé de projet à une personne extérieure à l’organisme expert, puisque si celui-ci « exerce son activité sous l’autorité du responsable de l’organisme expert »,  et est identifié « au sein de l’organisme », il n’a pas à justifier d’un lien de subordination et pourrait donc parfaitement être une personne non-salariée de l’organisme expert, alors même que la mission principale du chargé de projet peut facilement être considérée comme une simple « partie des travaux » au sens de l’article7.

Art. 9. – Évaluation continue et traçabilité (extrait).

Toute plainte ou réclamation reçue de la part de tiers concernant ses activités d’expertise fait l’objet d’un traitement dans un délai qui n’excède pas un mois à compter de la réception de celle-ci. Lorsque la plainte ou réclamation met en évidence des dysfonctionnements dans son système de management de la qualité, l’organisme expert certifié met en place dans les meilleurs délais les mesures correctives nécessaires. L’organisme expert certifié conserve un enregistrement des plaintes ou réclamations ainsi que des suites qui leur ont été réservées [et les transmets une fois par an à l’organisme certificateur avec le bilan de son activité].

On peut n’être pas satisfait de la prestation d’expertise, que l’on soit le mandant CSE ou l’employeur, ou même n’importe quel tiers impliqué directement ou indirectement dans les conséquences d’une « mauvaise » expertise (on peut penser aux corps de contrôles de l’inspection du travail ou de la CARSAT, mais aussi aux médecins du travail de l’entreprise). L’expert, qui bénéficie d’un principe d’irresponsabilité  pénale pour le contenu même de son expertise, pouvait jusqu’à présent simplement voir remise en cause « commercialement », et par le biais d’un juge, la tarification de son expertise pour son insuffisance et ses carences. Dorénavant, il risque également de perdre son accréditation, ou de ne pas se la voir renouvelée, puisque ces plaintes seront portées à la connaissance de l’organisme qui décide de l’accréditation (le COFRAC ou les organismes mentionnés à l’article R4724-1 du code du travail), sachant que ne pas les conserver ou les produire risquerait également de remettre en cause le caractère conforme de son système interne de management de la qualité.

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Si cet arrêté ne révolutionnera sans doute pas la pratique des petits ou grands organismes experts déjà sur le marché, entre autres raisons parce qu’il semble intégrer les bonnes pratiques professionnelles qui existaient déjà, il permettra sans doute d’outiller techniquement les CSE et les employeurs sur les attendus exigibles d’un « bon » expert ou d’une expertise qui soit conforme à son objet : permettre aux acteurs sociaux de l’entreprise de travailler correctement en matière de prévention des risques professionnels.

Par M. Prieux

Télécharger l’Arrêté du 7 août 2020

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