Le harcèlement moral est un concept juridique forgé pour recouvrir des réalités très différentes
D’une part, le harcèlement peut être l’œuvre d’un individu malfaisant qui tourmente intentionnellement sa victime ; d’autre part, le harcèlement peut aussi, indépendamment de toute intention de nuire, se constituer dans « le dysfonctionnement de l’organisation ou de l’encadrement d’un service, lorsque ce dysfonctionnement altère la santé psychique des agents » (selon la définition ainsi donnée par le Conseil économique et social dans son avis du 11 avril 2001).
Cette seconde catégorie, dite du harcèlement « institutionnel », est longtemps resté dans les limbes de la jurisprudence, jusqu’à sa reconnaissance fondatrice par le jugement du 20 décembre 2019 du tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire « France Télécom », relevant que : « Par leur nature, qui avait pour objet de faire dégrader les conditions de travail, les agissements structurels pour relever directement de la politique de l’entreprise, et structurants pour, potentiellement, altérer la santé de tous les agents, étaient harcelants« .
Depuis, l’on assiste à l’émergence d’un courant jurisprudentiel de reconnaissance de cette faute de l’employeur public.
Saisi par le cabinet, le Tribunal administratif de Montreuil a statué sur la situation d’une attachée territoriale qui a été recrutée pour occuper les fonctions de responsable d’un équipement public culturel dont l’ancien directeur, radié des cadres pour limite d’âge, s’était maintenu dans l’organisation du service en qualité de prestataire externe, via un marché public de « conduite opérationnelle », passé entre sa société de conseil et la commune. Il concurrençait ce faisant l’autorité de la nouvelle responsable du service, laquelle fut finalement évincée de son poste seulement quelques mois après son arrivée, dans des conditions vexatoires (elle a été informée avec tous les agents, par un courriel collectif).
La requérante demandait au Tribunal l’indemnisation des préjudices causés par cette situation. Le Tribunal a reconnu que le recrutement de l’ancien directeur retraité, en qualité de prestataire d’un marché public de « conduite opérationnelle » de l’équipement public, était une faute puisque de ce seul fait, la majeure partie des missions constituant l’objet du poste de la requérante était déjà pourvue à son arrivée de sorte qu’elle a été immédiatement mise à l’écart. Le Tribunal relève ensuite qu’est fautive la durée de maintien de la requérante dans cette situation (près d’un an), tout autant que la manière vexatoire par laquelle a été annoncée sa décharge de fonctions (le courriel collectif aux agents).
Le Tribunal en conclut : « cette faute, s’ajoutant à celle consistant à la recruter sur un poste dont la majeure partie des missions étaient déjà pourvues et donc à la mettre à l’écart de ce poste dès son arrivée, situation qui a perduré pendant un an, est constitutive d’un harcèlement moral de l’intéressée par la commune ». La requérante est en conséquence indemnisée de ses préjudices.
Via le site du cabinet d’avocat spécialisé en droit public aux particuliers et entreprises dans tous leurs litiges avec l’administration, notamment en droit de la fonction publique : Arvis Avocats