Une première reconnaissance par la Cour de Cassation de la faute inexcusable de l’employeur
Tous les ingrédients étaient réunis pour que la situation professionnelle de Monsieur G., Rédacteur en Chef depuis 13 années de plusieurs revues hôtelières au sein de sociétés appartenant à un même Groupe, constituent un cocktail véritablement explosif pour la santé du salarié : surcharge phénoménale de travail évaluée à plus de 70 heures hebdomadaires ; exigences sans cesse accrues des co-employeurs contraignant Monsieur G. à rédiger, en sus de ses fonctions de Rédacteur en Chef, un nombre croissant de piges journalistiques afin de diminuer le coût consécutif au recours à des pigistes ; absence de reconnaissance de la qualité du travail et des efforts accomplis par Monsieur G. notamment en termes de rémunération ; maltraitance managériale caractérisée par un irrespect, une menace permanente de licenciement, des atteintes nombreuses à la dignité du salarié et plus généralement du personnel. Au surplus, l’employeur avait pris soin de diviser en huit sociétés distinctes le Groupe de Revues hôtelières qu’il dirigeait, interdisant dès lors toute saisine de représentant du personnel. Ces conditions de travail seront génératrices de stress. La réunion de travail du 4 septembre 2007 constituera l’élément déclencheur de l’infarctus dont sera victime Monsieur G. : ses co-employeurs, avec une violence et une véhémence dans le ton, exigeront du salarié une production encore plus volumineuse de piges alors que celui-ci expliquait qu’il était à la limite de ses possibilités en termes de ressources physiques et mentales.
En outre, l’employeur ayant pris le soin de diviser en huit sociétés distinctes appartenant à un même Groupe l’ensemble des sociétés, toutes ces sociétés employaient moins de dix salariés et il n’existait aucune possibilité de saisir un Délégué du personnel pouvant exercer par exemple un droit d’alerte.
Le caractère professionnel de l’accident cardiaque sera reconnu par la Commission de recours amiable de la CPAM et Monsieur G. saisira le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) afin de voir déclarer que l’employeur avait commis une faute inexcusable car il aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié compte tenu des conditions de travail. Cette conscience du danger renvoie à une prévision raisonnable du risque auquel l’employeur a été totalement indifférent. Le TASS de CRETEIL (jugement du 24 juin 2010), puis la Cour d’Appel de PARIS (arrêt 12e Chambre – Pôle 6 du 30 juin 2011) et enfin la Cour de Cassation (12e Ch. Civ. du 8 novembre 2012 N° 11-23855) reconnaîtront la faute inexcusable et indemniseront le salarié du préjudice subi. C’est la première fois que la Cour de Cassation se prononce sur la faute inexcusable en lien avec une pathologie cardiaque. La décision ouvre probablement la voie à la reconnaissance de la faute inexcusable liée à d’autres pathologies : gastriques, somatiques, dermatologiques ou se rapportant à des troubles musculo-squelettiques.