«Le harcèlement sexuel à la fac est encore hyper-tabou»

Harcèlement Sexuel

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Entre 2006 et 2012, 22 cas de harcèlement sexuel dans le cadre de l’université ont été enregistrés par la cellule de veille de Lille 3. Pionnière en France, cette structure essaie de briser la loi du silence. Explications avec sa coordinatrice, Nathalie Coulon, maître de conférences en psychologie.

Pourquoi avoir créé cette cellule ?
«Il y a eu une note ministérielle le 21 octobre 2005 qui incitait à mettre en place de la prévention autour du harcèlement sexuel à la fac. Un groupe de réflexion s’est réuni avec des enseignants, des gens de la DRH, de la médecine préventive et une étudiante. On a envisagé, notamment, la question du harcèlement sexuel, qui reste un problème hyper-tabou. Il fallait donc constituer une arme de défense. Cela a commencé avec la création de cartes, un guide pratique… Il a fallu vendre notre affaire au conseil d’administration de Lille 3 qui n’a opposé aucune résistance. Il a été beaucoup plus difficile d’impliquer les étudiants. La cellule a été officialisée en avril 2008 et compte aujourd’hui une dizaine de membres.»
Combien de cas avez-vous répertoriés ?
«Entre 2006 et 2012, nous avons été contactés 47 fois et nous avons suivi 22 situations dont neuf étudiants. Globalement, les étudiants ont peur d’être dépassés, certains téléphonent même à l’association Clashe, le collectif d’étudiants contre le harcèlement sexuel à la fac, pour savoir si on est fiables. D’ailleurs, on pense souvent aux thèses mais ça peut être un soutien de mémoire. L’enseignant se rapproche, lance des invitations, utilise sa position… Le lieu de stage est également potentiellement à risques. Il y a d’ailleurs maintenant une note sur le sujet accrochée aux conventions de stage de l’IUT B.»
Pour vous, il y a encore beaucoup de silence sur le sujet
«Oui, il est clair qu’on ne traite pas toutes les histoires. J’ai d’ailleurs beaucoup de confidences hors cellule au niveau national. Je connais des enseignants qui harcèlent et des étudiantes harcelées mais, faute de témoignages, on ne peut rien faire. En général, le harceleur a un vrai pouvoir. Si c’est votre directeur de thèse, il peut vous griller à vie, son rapport peut vous suivre et vous mettre sur une voie de garage. Par exemple, dans un centre de recherche, un homme qui avait pris le parti d’une femme s’est retrouvé dans un placard.»
Avez-vous subi des pressions ?
«J’ai accompagné longtemps une étudiante et on a essayé de me faire croire que je faisais mal mon travail. Il y a une forte résistance et on est dans un système d’excellence avec comme critères la production d’articles, le fait de rapporter des contrats. S’attaquer à un enseignant qui produit est toujours difficile. Alors que l’excellence c’est aussi faire en sorte que l’université soit agréable. Il y a des abandons d’études suite à des cas de harcèlement.»
Y a-t-il une décrispation grâce à vos actions ?
«On est connus, il y a des initiatives dans d’autres facs et j’ai été hyper-sollicitée mais il y a encore beaucoup de freins. On est vraiment dans un rapport de pouvoir avec l’impression que les intellectuels sont au-dessus de tout. Certaines étudiantes parlent même de mépris.»
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