Viol : la descente aux enfers d'une policière qui a porté plainte contre son supérieur

Harcèlement Sexuel

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Un major de police comparaît pour viol sur une gardienne de la paix, lors d’un procès aux assises de Paris qui intervient… 10 ans après les faits.

Ce mardi à Paris, le jour même de l’ouverture du « Grenelle » contre les violences faites aux femmes, se tient un procès emblématique qui va durer toute la semaine. Un major de la police nationale de 56 ans comparaît, en effet, pour « viol par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions », selon l’ordonnance de mise en accusation. Des faits qui, d’après ce document, remontent à juin 2009. Lors d’une soirée électorale Place Beauvau, le gradé aurait imposé à la plaignante, gardienne de la paix, âgée de 25 ans au moment des faits, des actes à caractère sexuel sur son lieu de travail lorsqu’il était en fonction à l’état-major du service de sécurité du ministère de l’Intérieur (SSMI). L’incrimination pour viol est aggravée par la fonction hiérarchique du mis en examen. Il disposait notamment du pouvoir de noter son accusatrice.
C’est quasiment un exploit pour la victime, simple gardienne de la paix, d’être parvenue, avec l’aide de son avocate, la pugnace Maud Touitou, à traîner son violeur présumé aux assises de Paris tant la hiérarchie de la police a soutenu le mis en cause, ainsi que le souligne la justice dans un document que Le Point a pu consulter. Il détenait notamment la haute main sur les frais de mission des policiers de terrain, mais aussi sur les récompenses, des « enveloppes qu’il distribuait aux personnes de son choix en fonction de critères retenus par lui seul », soulignent les magistrats instructeurs. Lors de son enquête, la justice a pu constater que la hiérarchie contredisait systématiquement les vœux de mutation des femmes qui se plaignaient du comportement « harceleur » du mis en cause. Une pratique qui favorisait l’omerta.

D’autres victimes

Océane* a réclamé le huis clos à la justice. Elle ne souhaite pas que les détails de sa vie personnelle soient jetés en pâture à l’opinion : « Je n’ai pas décidé d’être violée. Je me suis défendue en saisissant la justice. Pas la télé ! » confiait-elle au Point au mois de juin. Elle s’inquiétait d’une médiatisation à outrance qui la transformerait en symbole d’un Grenelle, selon elle sans rapport avec sa souffrance personnelle, reconnue par les médecins et la justice. Elle craignait que son histoire et sa vie ne lui échappent. « Ma famille n’est pas au courant de tout », se justifiait-elle, elliptique. Elle prévient : « Le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, des renseignements concernant l’identité d’une victime d’une agression ou d’une atteinte sexuelle ou l’image de cette victime lorsqu’elle est identifiable est puni de 15 000 euros d’amende. »
Au tout début de l’affaire en 2009, la jeune femme avait d’ailleurs hésité à se lancer dans une longue procédure judiciaire, d’autant plus hasardeuse que le mis en cause appartient à la hiérarchie policière. Des lettres anonymes parvenues à la police des polices l’avaient alors contrainte à s’expliquer. Les investigations de l’IGPN ont pu démontrer qu’elle n’était pas à l’origine de ces messages d’alerte. Les enquêteurs saisis en 2014 ont pu retrouver d’autres victimes des agissements du mis en examen dont « les déclarations recoupent celles de la plaignante, qu’il s’agisse des gestes ou des propos du mis en cause ».
Dès lors que la justice a été mêlée à ce dysfonctionnement majeur au sein de la police, Océane a vécu une longue descente aux enfers, au point de tenter de se suicider et, même, d’avoir contacté des pompes funèbres afin de se réserver un caveau – elle présente le document qui l’atteste !

Un témoignage accablant

C’est que la toute-puissante administration de la police n’apprécie guère qu’on lui réclame des comptes, de tout temps, et quel que soit le ministre en place. En septembre 2019, la jeune gardienne de la paix est toujours en butte aux brimades de son employeur, Grenelle ou pas ! Alors que le médecin du travail l’a autorisée à reprendre une activité au sein de la police, son arrêté de reprise n’a toujours pas été publié. Sans compter les différentes phases de harcèlement qu’elle a pu subir de la part des amis et relations de son agresseur présumé, ou simplement de ses collègues solidaires du mis en cause.
La protection fonctionnelle lui a néanmoins été accordée : les frais de justice de la partie civile sont à la charge de l’Intérieur, grâce au rapport de l’IGPN.

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