L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) vient de rendre publique une évaluation sévère du fonctionnement des services de santé au travail interentreprises. Avec la volonté de guider les discussions à venir entre partenaires sociaux concernant leur réforme.
Tel le monstre du Loch Ness, la réforme de la santé au travail sort de nouveau la tête de l’eau ! A la manœuvre, Charlotte Lecocq, auteure du rapport « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée », publié il y aura bientôt deux ans. La députée LREM du Nord a battu le rappel en signant, mi-mai, avec 158 de ses collègues de la majorité, une tribune dans le Journal du Dimanche appelant à « une grande réforme ». Dans la foulée, les partenaires sociaux ont été appelés à reprendre, dès la mi-juin, les discussions sur le sujet, près d’un an après un premier round qui s’est soldé par un échec. Mais cette fois-ci, ils pourront s’appuyer sur un rapport supplémentaire, celui de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), rendu public le 2 juin dernier. Ce document, daté de février, est le produit d’une « mission d’évaluation des services de santé au travail interentreprises (SSTI) », dont s’est auto-saisie l’Inspection.
Selon les informations réunies par Santé & Travail dans une enquête publiée en janvier, « Les sous et dessous de la médecine du travail », cette mission n’a pas été lancée par hasard. Au sein de l’administration et de l’Igas, on est en effet convaincu que le service rendu par les SSTI n’est plus en adéquation avec les cotisations versées par les entreprises. Et aussi que le blocage des discussions sur la réforme Lecocq est d’abord lié au camp patronal, qui ne veut pas perdre la main sur la gestion des services… comme sur la manne financière qui va avec ! Or, ce serait le cas avec la mise en œuvre de l’une des propositions phares de la réforme Lecocq : regrouper tous les opérateurs de prévention des risques professionnels dans une agence publique avec une gouvernance tripartite, associant l’État et les partenaires sociaux. Un casus belli pour le Medef.
« Fonctionnement complexe et redondant »
L’enquête de l’Igas dresse un portrait peu reluisant de la gestion actuelle des SSTI. Ainsi, dès la page 4 du document, le ton est donné à propos de leur gouvernance, qui « souffre d’un investissement insuffisant des partenaires sociaux dans un contexte où les contrôles internes et externes sont très limités ». « Bien que placés au cœur du “ contrôle social ” des services, les employeurs et les salariés ne s’impliquent pas suffisamment dans ces instances de gouvernance au fonctionnement souvent complexe et redondant, ce qui se traduit par des difficultés pour obtenir des désignations pour y siéger. Les membres élus ou mandatés peinent à exercer un véritable contrôle, faute d’informations ou de formations adaptées », est-il écrit. Tout le monde en prend pour son grade, à l’instar des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), dont « le contrôle sur la gestion des services repose essentiellement sur l’examen de la conformité comptable ou juridique », mais pas sur le contrôle financier, « faute de supports adaptés et de compétences mobilisées pour traiter l’ensemble des informations qui leur sont transmises ». Plus loin, on peut lire également que, « malgré les réformes mettant l’accent sur l’utilisation efficiente de la ressource médicale et la prévention, les SSTI peinent à accomplir leur mission de manière homogène ». Un constat sans appel donc.
Pour inverser la tendance, les inspecteurs de l’Igas formulent 21 recommandations organisées en cinq blocs. Ceux qui espèrent toujours une remise en cause structurelle du système actuel de gestion des services risquent d’être déçus. Le rapport précise en effet d’emblée que les recommandations de la mission restent « compatibles avec les différents schémas de réorganisation à venir du système, tout en étant très structurantes pour les SSTI ». Afin d’améliorer la qualité du service rendu, les rapporteurs proposent de « redéfinir un socle de prestations de base en contrepartie de la cotisation » et de « développer un référentiel de certification des SSTI », articulé avec une procédure d’agrément. « Il faut préserver l’agrément, mais se donner les moyens d’un suivi et d’un contrôle, commente Catherine Pinchaut, secrétaire nationale à la CFDT, syndicat partisan du projet de réforme Lecocq. Présanse [NDLR, organisme représentant les services de santé au travail en tant qu’employeurs] s’est déjà lancée dans une telle démarche de certification. Le risque est qu’elle se résume à une normalisation des procédures sans prise en compte des spécificités des missions ni de la qualité du service rendu. »
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