Certains CSE proposent aux salariés des séances de sophrologie individuelles ou collectives via leurs ASC (activités sociales et culturelles). Stress, douleurs, sommeil, les bénéfices sont nombreux. Attention cependant à ce que l’arbre du bien-être ne cache pas la forêt des mauvaises conditions de travail.
Respirez, fermez les yeux et imaginez-vous dans un endroit accueillant. Vous venez de commencer une séance de sophrologie (1). Proche de la méditation de pleine conscience, elle s’en distingue par un travail de visualisation plus important mais vise tout autant à réduire le stress et les tensions musculaires. Comme le yoga, la sophrologie est apparue il y a plusieurs années dans les activités sociales culturelles proposées aux salariés. Comment ces derniers accueillent-ils ces activités ? Que peuvent apporter les sophrologues à des travailleurs sous pression ? Qu’en pensent les spécialistes de la QVT (qualité de vie au travail) ? Comment les élus combinent ces activités avec celles qui maintiennent le pouvoir d’achat ? Enquête.
Détente, sommeil, confiance en soi
“La plupart des salariés découvrent la sophrologie, mais tous y adhèrent !”, nous assure Christelle Perrin, sophrologue installée depuis 2019 à La Roche-sur-Yon, en Vendée. La professionnelle de la discipline reçoit des salariés en séance individuelle ou collective, et a signé un partenariat avec le CSE de l’entreprise alimentaire Fleury Michon. “Les salariés souffrent de stress, de pertes de confiance en eux, de troubles du sommeil. On essaie de travailler tout ça avec des techniques simples de respiration contrôlée, de visualisation et de détente musculaire”, explique la sophrologue qui constate une tendance stable de la demande de prestations, sans hausse particulière ces dernières années.
Je ne m’attendais pas à cet engouement
Pas de tendance à la hausse ? A l’autre bout de la France, en Alsace, près de Sélestat, la sophrologue Noémie Walter n’est pas de cet avis. “Deux de mes ateliers sont de plus en plus demandés : «Trouver les moyens de se recentrer» et «Améliorer sa confiance et son estime de soi». Je ne m’attendais pas à cet engouement”, reconnaît cette ex-salariés de Socomec, une entreprise d’infrastructures électriques où elle dispense désormais ses séances de sophrologie.
“Ayant travaillé dans l’entreprise, j’en connais les rouages. Le plus important est de mettre les salariés en confiance pour faciliter leur parole. Je leur fais cependant signer un engagement de confidentialité, afin que les propos échangés pendant les séances collectives restent dans le groupe”.
De l’avis de ces deux sophrologues, l’activité permet de réduire le stress et les salariés en redemandent. La sophrologie libère leur parole, aussi bien sur le travail que sur des sujets plus personnels. Mais pour d’autres professionnels du bien-être des salariés, cette discipline ne doit pas se poser en alpha et oméga de la qualité de vie au travail.
Un levier de prévention tertiaire
Psychologue du travail, Daphnée Breton apporte un regard critique sur l’utilisation de la sophrologie. Non qu’elle n’apporte rien au salarié, mais en raison de sa place parmi les leviers de prévention tertiaire.
Ne pas oublier les obligations de l’employeur
“Le développement de la sophrologie est en lien avec la dégradation des conditions de travail ces dernières années. Les élus de CSE tentent de multiplier les leviers de prévention à leur disposition mais il ne faut pas oublier les obligations de l’employeur sur la santé et l’organisation du travail. Le législateur lui demande quand même de supprimer les risques et d’adapter le travail. La sophrologie constitue le dernier plan de prévention, elle fera tenir un peu plus longtemps des personnes exposées à des risques professionnels, mais à long terme ils ne pourront tenir si les moyens organisationnels (effectifs, environnement de travail, rémunération, moyens matériels) ne sont pas suffisants”.
La psychologue admet cependant qu’un(e) sophrologue bien formé à la souffrance au travail peut permettre aux salariés de faire le lien entre une douleur chronique et leur activité professionnelle.
Des salariés simples consommateurs ?
L’avocate Rachel Saada est engagée dans la défense des salariés et des représentants du personnel depuis quarante ans. Elle constate une hausse du malaise au travail depuis environ cinq ans : « Les gens sont en apnée permanente. On ne peut plus discuter des conditions de travail dans l’entreprise qui devient peu à peu un univers totalitaire ». Une situation qu’elle relie à la disparition du CHSCT avec les ordonnances Macron de 2017.
La sophrologie ne s’intéresse pas à la charge de travail
L’avocate craint que la sophrologie renvoie à la responsabilité individuelle du salarié envers son mal-être. « Cela constitue à peine de la prévention tertiaire, voire même pas, puisque ça ne s’intéresse pas à la charge de travail du salarié. C’est en tout cas la démonstration que les Français vont mal au travail « , affirme-t-elle.
Rachel Saada fustige également le développement des conciergeries en entreprises, un ensemble de prestations de services personnels comme du pressing, une retoucherie, une gestion d’agenda, une aide aux démarches administratives ou encore la livraison de courses. « Le message de l’employeur, c’est de dire comme vous n’avez plus de temps personnel en dehors de votre travail pour gérer votre vie, je vous propose un service pour le faire à votre place », s’agace l’avocate qui regrette que les salariés soient ainsi placés en position de consommateurs de services. Elle comprend cependant que les CSE se sentent démunis face au malaise des salariés.
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