Vingt et un salariés de l’ex-France Télécom ont mis fin à leurs jours en 2014, six rien qu’en janvier?2015. Les syndicats tirent la sonnette d’alarme et craignent une nouvelle crise sociale d’ampleur.
Stéphane Richard, PDG d’Orange, jouant un prélude de Bach sur la scène du Grand Palais. L’image a marqué les esprits le 17?mars dernier lors de la présentation sous forme de show à l’américaine de la nouvelle stratégie «?Essentiels 2020?». Deux jours plus tard, se tenait un comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CNHSCT) extraordinaire pour aborder notamment la recrudescence des suicides dans l’entreprise. En 2014, vingt et une personnes ont mis fin à leurs jours. Rien qu’au mois de janvier?2015, il y en a eu six. Un an plus tôt, les représentants du CNHSCT avaient émis un droit d’alerte pour signaler la dégradation des conditions de travail. Du jamais-vu depuis 2008. La situation rappelle de tristes souvenirs. La brutalité du plan Next, avec 22?000 suppressions d’emplois entre?2006 et?2008, dans une entreprise comptant une majorité de fonctionnaires, et les 10?000 changements de métiers avaient entraîné une quarantaine de suicides entre?2008 et?2009. Si le discours a changé avec le contrat social de Stéphane Richard, PDG depuis 2011, avec notamment 10?000 recrutements supplémentaires, les réductions drastiques d’effectifs repartent aujourd’hui à la hausse. Orange prévoit plus de 25?000 départs, principalement à la retraite, d’ici 2020, soit un quart de ses effectifs. De nombreux temps partiels seniors quittent aussi le géant des télécoms.
Mais le groupe n’envisage de remplacer qu’un départ sur trois et de recruter seulement 1?900 CDI en?2015 et?2016. Il mise tout sur la digitalisation de l’entreprise pour parer à la saignée. Le constat de médecins du travail chez Orange, cité par le rapport de l’Inspection du travail (voir article ci-contre) n’est pas rassurant. Ils estiment «?que la situation sociale de l’entreprise recommence à se tendre (…) Le non-remplacement systématique des personnes qui partent augmente la charge de travail de ceux qui restent?». À l’issue du CNHSCT, le directeur des ressources humaines, Bruno Mettling, avait annoncé l’ouverture, «?avant la fin du premier semestre d’une négociation sur une méthode de mesure de l’évolution de la charge de travail?». Insuffisant pour les syndicats. Fabienne Viala, représentante de la CGT, a estimé que la réunion n’avait pas débouché sur «?des mesures qui sont de nature à nous rassurer pour les salariés?». Le syndicat exige au moins 5?000 recrutements par an. Pour Philippe Méric, représentant de SUD PTT, il faut surtout «?s’attaquer aux véritables sources de souffrance au travail?». Pour que le malaise social ne reste pas en sourdine.
Via L’Humanité