«Les policiers vivent leur mal-être comme une honte»

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Marie Pezé, docteure en psychologie et responsable du réseau Souffrance et Travail, qui travaille avec l’association Assopol, nous explique pourquoi la détresse psychologique est si forte chez les policiers et pourquoi celle-ci est encore tabou.

Pourquoi les policiers font-ils appel à vous ?

MARIE PEZÉ. Parce qu’ils ont la garantie de l’anonymat. Les policiers ont des réticences à se rapprocher des psychologues du ministère de l’Intérieur qui font pourtant très bien leur boulot. Mais le policier a la hantise que son mal-être remonte à la hiérarchie, qu’on l’oblige à s’arrêter, à se désarmer. Pour un policier, être désarmé, cela est vécu comme une sanction et pas comme une protection. Le policier ne souhaite pas se retrouver avec une étiquette de fragilité psychologique collée sur lui. Il vit ça comme une honte, dans un métier où il y a nécessité à faire preuve d’une virilité solide. Par ailleurs, certains responsables de service détestent que leurs hommes soient arrêtés pour burn-out.

De quoi les policiers se plaignent-ils ?

Des cadences, de la dictature du résultat, de l’inadéquation entre ce qu’on leur demande et les moyens qu’ils ont pour y parvenir. Ils parlent de leur très grande solitude, de ce métier qui a totalement envahi leur vie privée, brisant souvent leur couple, leur famille. Et le suicide, c’est d’abord une pathologie de la solitude. Le taux de divorce est colossal parmi les forces de l’ordre.

Quel est votre constat ?

Le métier de policier est par nature difficile, il travaille sur le mal avec un grand M. Et chaque être humain a ses limites, même s’il a choisi son métier par vocation. C’est pour ça que le policer doit être spécialement bien formé, entouré de cadres expérimentés, débriefé régulièrement. Or les formations sont raccourcies, les doctrines du maintien de l’ordre durcies — ce qui rend le policier un peu plus impopulaire — et les équipements parfois défaillants.


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Les causes du suicide sont d’abord liées à la sphère privée ?

Oui, mais devant la loi, l’employeur a une obligation de protection à la fois physique et morale de ses agents. Quand, dans le suicide d’un agent au travail, le magistrat parvient à identifier une cause liée à l’exercice de sa profession en plus de celles d’ordre privée, il reconnaît l’accident du travail et la responsabilité de l’employeur.

Dans la police, c’est assez rare ?

Je suis expert judiciaire et je peux vous dire que c’est de moins en moins rare. Certes, il s’agit souvent de procédures longues, mais les ayants droit finissent par y arriver quand ils sont accompagnés par un juriste.

Via le site www.leparisien.fr

En savoir plus sur l’association ASSOPOL : www.assopol.fr

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