L’interruption de la tâche : la banalité du quotidien des soignants vue comme facteur de risque psychosocial

13 août 2017 | Stress Travail et Santé

Dans un contexte hyper connecté, le soignant est « bombardé » de signaux d’informations le contraignant à fonctionner en multitâche.

Une sonnette retentit lourdement, un patient vous hèle dans le couloir, alors que vous alliez commencer la rédaction d’un important document au moment même où un collègue vous questionne sur le dernier protocole mis en ligne….et cette envie de boire qui vous assèche la gorge depuis des heures. Beaucoup de soignants, quel qu’ils soient ont vécu au moins une fois, dans leur semaine de travail une situation qui pourrait ressembler à celle-ci !
Dans notre activité hospitalière, faire plusieurs choses en même temps est devenu une banalité quotidienne, pensée comme le meilleur moyen pour être productif et pour réaliser toutes les tâches que l’on a à faire dans le temps imparti. Dans un contexte hyper connecté, le soignant est « bombardé » de signaux d’informations le contraignant à fonctionner en multitâche.

Qu’est-ce que l’Interruption de la tâche ? Comment impacte-t-elle sur notre charge de travail ?

Il m’apparait judicieux de porter à votre attention que l’interruption de la tâche (IT) est recensée comme un facteur de risque psychosocial. Elle a été définie ainsi :
« L’interruption de la tâche est l’arrêt inopiné, provisoire ou définif d’une activité. La raison est propre à l’opérateur, ou, au contraire, lui est externe. L’interruption induit une rupture dans le déroulement de l’activité, une perturbation de la concentration de l’opérateur et une altération de la performance de l’acte. La réalisation éventuelle d’activités secondaires achève de contrarier la bonne marche de l’activité initiale. »
Les anglo-saxons utilisent le terme « MULTITASKING », emprunté à l’informatique, désignant un système d’exploitation capable de traiter en même temps plusieurs programmes. C’est la réactivité et l’agilité à passer d’un contexte à l’autre.
A cette lecture, nous pouvons donc comprendre que la gestion de ce risque vise à prévenir sa survenue mais aussi à atténuer les conséquences indésirables qui ne peuvent être évitées. Il s’agit là d’une culture de sécurité développée de manière prégnante au sein des établissements de santé et qui est désormais une composante majeure et indispensable de la démarche qualité.
L’INRS ajoute que l’interruption de la tâche est source de charge mentale. Au cours du temps, elle est mal vécue par le salarié qui a l’impression de faire un travail de mauvaise qualité et de ne jamais pouvoir terminer ce qu’il a entrepris. L’IT est source de stress, de fatigue mentale et physique.
Les différentes études réalisées montrent que les risques liés à la multitâche impactent 98% d’entre nous. Il semblerait donc que notre cerveau ne soit pas adapté pour ça ! Les risques décrits sont :

  • La compromission de la performance
  • La limite des capacités d’attention par le besoin des tâches qui rentrent en concurrence donc porter une attention à une activité implique nécessairement qu’on la supprime à une autre (donnée non intégrée ou survolée)
  • La perte de la concentration
  • Le travail de re-mémorisation est important (env. 25 min sont nécessaire pour se remettre réellement dans une tâche après l’avoir interrompue). Dans ce cas-là, ce n’est pas un gain de temps mais une perte.
  • A cela s’ajoutent la difficulté à décider, le jugement à court terme parfois biaisé, les réponses hors contextes, l’information non-prise en compte ou utilisée à contre-sens.

J’entends d’ici une petite voix me dire : « mais j’arrive bien à faire plusieurs choses à la fois puisque je suis capable de conduire en écoutant la radio »! Il y a en effet un moyen de faire du multitâche sans affecter son énergie et son cerveau : il suffit d’associer une tâche / action qui demande de l’attention à une action ne demandant aucune réflexion.

Quelle conduite à tenir pour devenir un mono tâche « presque parfait » ?

D’une manière générale, il est préférable de ne pas segmenter mais prioriser les actions, définir ce qui est important de ce qui est urgent. En hiérarchisant les tâches, elles ne deviennent pas concurrentielles. Il est bon, parfois, de savoir déléguer. N’oubliez pas de favoriser le travail en équipe.
Le travail du Dr Marie-Christine Moll et ses équipes (CHU d’Angers) lié à l’interruption de la tâche dans le contexte de la préparation et l’administration de médicament peut être une source d’inspiration à adapter dans les différents services de soins : Il s’agit, dans un premier temps, de privilégier l’organisation des équipes, dans un deuxième temps, de mettre en place la meilleure méthode d’identification des soignants procédant à une activité demandant de la concentration. Le port d’un gilet ou d’un brassard de couleur indique, symboliquement, que le soignant est en train de réaliser une tâche sensible, de même que le panneau « ne pas déranger ». A cela s’ajoute une communication efficace par affiche ainsi qu’une sensibilisation du patient et de son entourage.
En conclusion, nous comprenons bien que réduire le multitasking ne peut être que favorable à chacun pour son propre bien comme pour le bénéfice et la satisfaction de son travail. Gardons à l’esprit que ces améliorations et nos modifications d’habitude convergent vers la personne essentielle à l’essence même de notre travail, la personne hospitalisée.
Via le site managersante.com

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