Confrontés régulièrement au stress et à la mort, militaires, pompiers et policiers bénéficient d’une écoute spécifique.
Attentats, typhons, bombardements aériens… L’actualité donne chaque jour aux hommes en uniforme de tristes occasions d’occuper le devant de la scène. Face à tant de dangers et de fracas à juguler, on peut se demander: «Comment tiennent-ils le choc?» Depuis les années 1970 notamment, date où la psychiatrie de guerre s’est intéressée aux risques de psycho-traumatismes et autres «syndromes du sauveteur» observés chez les vétérans revenus du Vietnam, militaires, pompiers et policiers, parce qu’ils sont susceptibles d’endurer des événements d’une imprévisibilité et agressivité rares, bénéficient d’une prise en charge psychologique. Celle-ci tient autant compte des ressources spécifiques à ces hommes que des risques psychiques particuliers qui les guettent.
Ces ressources sont sensiblement les mêmes pour les trois corps de métier, même s’ils ont des missions différentes: les valeurs héroïques, la force du groupe, la vitalité de l’engagement. Chez les sauveteurs pompiers, une vocation fondatrice est fréquente. Le Dr Nelly Lavillunière, psychologue clinicienne et médecin urgentiste formée à la médecine de catastrophe qui a longtemps dirigé la cellule médico-psychologique de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, l’observe: «Généralement, ils choisissent ce métier à l’adolescence. Portés par le mythe du héros, ou parce que leur histoire personnelle les a très tôt confrontés à une mort violente, ils ont comme une mission personnelle à accomplir qui les amène à se dépasser jusqu’à faire preuve d’abnégation.»
«Frères d’armes»
Persévérants, volontaires, ces jeunes hommes trouvent cependant leur socle identitaire dans le collectif. «L’adhésion au groupe est fondatrice pour eux qui arrivent dans l’instruction vers l’âge de vingt ans, explique le Dr Nelly Lavillunière. Ceux qui s’accaparent le “mythe du héros” dans l’espoir de l’incarner seul ne tiennent pas.» Ce rôle «contenant» des équipes ou de l’institution a valeur protectrice notamment quand la mission difficile est là. Le policier du Raid intervenu le premier dans l’Hyper Cacher en janvier dernier en témoignait récemment: «C’est une action de groupe, nous intervenons ensemble, soudés et déterminés.» De son état intérieur à ce moment-là, il confiait même: «Comme mes collègues, je suis dans ma bulle.»
Le Dr Laurent Melchior Martinez, médecin en chef, coordonnateur national du service médico-psychologique des armées, évoque ce lien affectif entre «frères d’armes»: «Il est très particulier et se nourrit d’un partage d’expériences singulières communes n’appartenant qu’à ceux qui l’ont vécu.»
Lorsque le pompier, militaire ou policier va mal, le message du traumatisme se fait entendre au sein même du groupe. «Soudain, ses relations avec ses camarades et sa hiérarchie changent», explique le Dr Martinez. «L’homme peut alors s’isoler de son groupe d’appartenance, se montrer irritable ; sa blessure psychique est invisible, mais elle colore toute sa vie relationnelle.» D’où l’intérêt de former les supérieurs hiérarchiques à la détection des troubles psychiques post-traumatiques.
…