Morts au travail : le combat de Matthieu Lépine pour rendre visibles les victimes

Stress Travail et Santé

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Depuis 2019, cet enseignant d’histoire et géographie, auteur de L’Hécatombe invisible, recense les victimes d’accidents mortels dans le cadre professionnel. Avec un credo : ils n’ont rien d’une fatalité.

Le lancement par le gouvernement d’une campagne intitulée « Sécurité au travail : responsabilité de l’entreprise, vigilance de tous » le satisfait. Dans un clip, le personnel d’un atelier assiste à un accident du travail laissé hors champ, avant que ne s’affiche ce message : « Chaque jour, deux personnes meurent au travail et plus de 100 sont blessées gravement. » Le clip renvoie alors au site securiteautravail.gouv.fr pour trouver « conseils et ressources ».

« C’est la lutte que je porte depuis longtemps : sortir le sujet des accidents du travail des colonnes de faits divers de la presse quotidienne régionale pour lui donner une visibilité sur le plan national», explique Matthieu Lépine.

Mais peut mieux faire, ajoute cet enseignant : «Sur une question aussi grave, des clips ne suffisent pas. Il faut prendre des mesures directement efficaces, comme renforcer l’inspection du travail, un service public qui se meurt faute de moyens humains. Ses agents œuvrent pour que soit appliqué le code du travail dont un quart des articles concerne la sécurité et la santé. Il est essentiel aussi d’améliorer la formation des jeunes sur ces questions, notamment des apprentis.»

« Tout perdre au travail, ça peut aussi être perdre la vie »

Quand l’accident du travail est déjà survenu, l’indemnisation se révèle très insuffisante. « À préjudice égal, notre système indemnise beaucoup mieux une victime d’un accident de la route qu’une victime d’un accident du travail, avec des écarts pouvant atteindre des centaines de milliers d’euros», poursuit Matthieu Lépine.

Fils d’une infirmière et d’un cadre bancaire, le jeune homme né à Laval a suivi des études d’histoire à Rennes. C’est la lecture d’Une histoire populaire des États-Unis de Howard Zinn qui le sensibilise à l’histoire sociale. Après une année de stage à Saint-Malo et la réussite au Capes, Matthieu Lépine est envoyé enseigner l’histoire et la géographie dans un collège de Montreuil (Seine-Saint-Denis) classé réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +). Un poste qu’il occupe depuis douze ans avec toujours autant d’engagement auprès des élèves.

En parallèle, il tient un blog sur l’histoire sociale. En janvier 2016, une phrase d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie, oriente différemment cette activité : «La vie d’un entrepreneur, elle est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. Il peut tout perdre, lui.»«Emmanuel Macron avait en tête la dimension financière, mais ce “tout perdre” au travail, ça peut aussi être perdre la vie, rappelle Matthieu Lépine. En commençant à chercher les accidents du travail sur Internet, j’ai trouvé des morts, comme un jeune bûcheron de 15 ans. »

La France, pays européen où l’on meurt le plus au travail

Trois ans et un premier enfant plus tard, l’enseignant se lance dans un recensement quotidien. En ce mois de janvier 2019, deux décès consécutifs le heurtent particulièrement : Michel Brahim, qui travaille à 68 ans pour compléter une retraite de 700 €, tombé du toit de la préfecture à Versailles (Yvelines) ; et Franck Page, un étudiant de 19 ans, fauché par un camion en assurant une livraison Uber Eats à Pessac (Gironde).

Comme David Dufresne qui compile les violences policières sur un compte Twitter, Matthieu Lépine recense dès lors les victimes sur son compte « Accidents du travail : silence des ouvriers meurent », tout en interpellant les ministres du travail successifs. En 2019, il comptabilise 896 décès, ce qui fait de la France le pays européen où l’on meurt le plus au travail.

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