Bruno Mettling, directeur général adjoint d’Orange, chargé des ressources humaines, préconise dans son rapport [sur les effets sociaux du numérique] remis le mardi 15 septembre à la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de « compléter le droit à la déconnexion par un devoir de déconnexion du salarié » et de « professionnaliser les salariés et prioritairement les managers afin d’accélérer l’évolution numérique ».
Se déconnecter c’est revendiquer du temps pour soi, du temps personnel pour sa famille ou ses loisirs. La déconnexion induit le fait de se soustraire à son employeur…
Mais comment imaginer créer « un devoir de déconnexion du salarié » quand la double injonction hyper présentéisme et hyperjoignabilité (travail nomade ou à distance) constitue une règle implicite de travail pour les cadres et est fortement ancrée dans leur culture ? « Les cadres sont les premiers arrivés le matin, les derniers à partir le soir, les premiers à répondre à un mail… », nous rappelle Nathalie Loiseau, directrice de l’ENA et ancienne DRH du quai d’Orsay.
Renvoyer les cadres vers leur responsabilité personnelle constitue un aveu d’impuissance tant il est évident que personne ne l’utilisera de façon individuelle de peur de s’isoler et d’être finalement exclu, au profit d’un autre « 100 % investi dans ses missions et 100 % disponible ». Il est beaucoup plus valorisant de suivre, répondre, s’adapter au changement permanent exigé par les entreprises et érigé en alpha et oméga des nouvelles formes du travail dans un environnement mondialisé.
Se déconnecter seul revient à prendre le risque de se singulariser dans un cadre collectif et fortement normatif. Mais s’ils ne sont pas prêts à revendiquer cette déconnexion pour eux-mêmes, les cadres restent en forte demande de régulation sociale sur le sujet.
Concept obsolète
Faut-il légiférer sur le droit à la déconnexion ? Une nouvelle forme de réglementation serait inopérante et inapplicable. De nombreux cadres travaillent « d’eux-mêmes » à distance – hors instruction ou sollicitation managériale -, quand d’autres s’estiment satisfaits de rentrer plus tôt et de se remettre à travailler le soir.
Comment raisonnablement envisager d’encadrer leurs pratiques ? Et le terme même de déconnexion est dépassé. Se déconnecter est désormais un concept obsolète. Les pratiques de déconnexion observées demeurent majoritairement partielles – et concernent quelques outils – et segmentées, dans certaines situations et/ou sur certains créneaux horaires.
Par ailleurs, la réglementation sociale actuelle protège déjà les salariés, tant sur le plan des horaires de travail – forfait compris pour les cadres – que sur le plan de l’obligation de sécurité de résultat de la santé physique et psychique. Le début de reconnaissance, introduite par la loi du 17 août, du burn-out et du stress comme maladies professionnelles est un nouveau marqueur de cette protection.
Les solutions sont à rechercher ailleurs. Optons pour un changement de paradigme. Les entreprises considèrent à tort que la déconnexion constitue « un avantage exclusif » au profit des salariés. Pourtant il y aurait des gains énormes à réaliser pour l’entreprise en termes de productivité, d’innovation et de qualité de vie au travail en stabilisant leurs usages info-communicationnels !
…
Lire la suite sur le site du Monde