La cheffe d’établissement d’un collège de l’académie d’Orléans-Tours a mis fin à ses jours il y a une semaine. Le rectorat reconnaît qu’il s’agit d’un «accident» lié au travail et vient d’ouvrir une enquête administrative.
La stupeur, l’incompréhension et la colère. Dans l’académie d’Orléans-Tours, les chefs d’établissement sont sonnés depuis la mort d’un des leurs, à la veille des vacances scolaires. La principale d’un collège de l’académie (sa famille souhaite préserver son anonymat) s’est suicidée il y a une semaine, après un conflit au sein de son collège. «Ce qui peut relever de la gestion quotidienne d’un établissement peut être très pénible à supporter après une année très dure, pendant laquelle les personnels de direction ont eu une énorme charge de travail, avec des protocoles sanitaires à répétition et des injonctions ministérielles», insiste Julien (1), son adjoint au collège, qui la décrit comme étant «extrêmement professionnelle, avec de grandes valeurs d’humanisme». Alexandre (1), chef d’établissement dans un lycée de la même académie, évoque avec émotion une collègue «extrêmement brillante et reconnue par ses pairs, engagée dans la réussite des jeunes».
Selon les témoignages de plusieurs chefs d’établissement recueillis par Libération, tout est parti d’un conseil de discipline, au mois de mars. Cette procédure est engagée lorsqu’un élève commet un acte grave (violence physique ou verbale). Ce conseil est composé de quatorze membres au collège?: neuf de l’établissement (dont le chef d’établissement), trois représentants des parents d’élèves élus et deux représentants des élèves élus. A l’issue de ce conseil de discipline, l’élève convoqué n’a pas été exclu définitivement de l’établissement, ce qu’aurait souhaité la Fédération des parents d’élèves, selon Philippe Sauzedde, secrétaire académique du SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale), principal syndicat des chefs d’établissement?: «La Fédération estimait que cet élève était dangereux etqu’il fallait l’exclure définitivement. Selon elle, la cheffe d’établissement était responsable de cette décision alors que sa voix ne compte pas davantage que celle des autres au sein du conseil de discipline où le vote se fait à bulletin secret.» La Fédération des parents d’élèves aurait alors envoyé un courrier au rectorat et au procureur de la République. «Je me garderai bien de commenter quoi que ce soit et de tirer des ficelles pour pointer des responsables, défend Martine Rico, coordinatrice régionale de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) en Centre-Val-de-Loire. Tout est compliqué dans la vie d’un établissement, on ne peut pas prendre un élément pour le mettre en exergue et en tirer des conclusions.»
«Imputabilité de cet accident au service»
Des professeurs auraient ensuite manifesté, à leur tour, leur opposition. «Un enseignant s’est senti en porte à faux avec les parents et a contacté la section syndicale locale du personnel enseignant qui a mobilisé les professeurs du collège», poursuit Philippe Sauzedde. Selon le SNPDEN, dix-sept enseignants ont alors signé un courrier, sous la forme d’une pétition, adressé à la principale et mettant dos à dos l’ingérence des parents au collège et le manque de soutien à leur égard de leur cheffe d’établissement. «Face aux agissements de certains, non respectueux des procédures administratives, face aux accusations graves et diffamatoires portées par d’autres à son encontre», cette principale a répondu «par le dialogue et l’apaisement», écrit le SNPDEN dans un communiqué. La cheffe d’établissement aurait ensuite proposé un temps de réunion aux enseignants. Une démarche «qui ne sera ni vue, ni entendue, ni reconnue, ni acceptée et ce, notamment, par une partie des enseignants», poursuit le SNPDEN.
Dans un courrier envoyé aux chefs d’établissement de la région le 2 juillet, et consulté par Libération, la rectrice de l’académie Katia Béguin reconnaît que l’acte de désespoir de la principale est bien lié au travail : «Les éléments portés à ma connaissance m’ont conduite à reconnaître l’imputabilité de cet accident au service.» Une cellule d’écoute psychologique a été mise en place dans le collège et restera active tout l’été. Trois réunions du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail académique (CHSCTA) se sont tenues dans l’établissement ce mardi. Ce dispositif avait été jugé «insuffisant» par le SNPDEN, qui réclamait une enquête administrative afin que les personnels du collège et les représentants syndicaux soient convoqués, ce que ne permet pas un CHSCTA. La rectrice a finalement accédé à cette demande. «C’est indispensable pour que la lumière soit faite sur ce qu’il s’est passé, assure Philippe Sauzedde. On doit comprendre comment on en est arrivé là pour identifier le rôle et la responsabilité de chacun.»
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Lire la suite, « «Petits soldats de l’éducation»« , sur le site www.liberation.fr
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(1) Les prénoms ont été modifiés.