Suicide d'un chirurgien à l'hôpital Avicenne, sur fond de lourdes tensions

Suicide Au Travail

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Le chef du service de chirurgie bariatrique –relative à l’obésité– de cet hôpital de Seine-Saint-Denis s’est défenestré de son bureau, dimanche.

Dimanche, en fin d’après-midi, il est venu à l’hôpital. Il a enfilé sa tenue de chirurgien. Et là, de son bureau de l’hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis), le professeur Christophe Barrat, 57 ans, s’est défenestré. Il est mort sur le coup.
A l’hôpital, le choc est profond, le malaise aussi. L’homme était très respecté, chirurgien reconnu et apprécié. «C’était un leader, il adorait ce qu’il faisait, il se battait pour, et c’est vrai que là, Christophe se disait bloqué dans son travail», nous dit un de ses amis, le professeur Roland Amathieu. Chef du service de chirurgie bariatrique et métabolique du groupe hospitalier «Hôpitaux universitaires Paris Seine-Saint-Denis (Avicenne, Jean-Verdier et René-Muret)», Christophe Barrat avait dû quitter l’hôpital Jean-Verdier il y a quatre ans pour des raisons de restructuration au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, pour intégrer le pôle chirurgie d’Avicenne.

«Une vraie souffrance au travail»

Et là, manifestement la situation institutionnelle n’était pas simple. Dans un communiqué, la direction de l’hôpital Avicenne a évoqué «un professionnel respecté et apprécié de ses équipes qui  incarnait l’excellence de sa spécialité et avait une reconnaissance nationale dans le domaine de la chirurgie bariatrique». Et elle a pointé le fait que ce professeur «luttait depuis plusieurs mois contre une maladie grave», en l’occurrence un cancer. «Je m’élève en faux sur le fait de mettre en avant que Christophe était malade», nous dit le professeur Pierre Nahon, hépatologue. «Il y avait une vraie souffrance au travail. Et dans un conflit comme il pouvait y avoir, là, entre plusieurs médecins, la direction s’en servait pour le fragiliser. C’est le système qui est, là, dramatiquement défaillant.»
Un suicide est, comme toujours, un geste mystérieux, aux causes multiples. Christophe Barrat avait deux jeunes enfants, son cancer était récent, il allait commencer une seconde chimio. Il ne s’était quasiment pas arrêté de travailler. Interrogé par Le Quotidien du Médecin, le Dr Christophe Prudhomme, urgentiste à Avicenne et membre de l’Amuf et de la CGT, s’est montré, lui aussi, accusateur. «Cela suffit de faire le dos rond. L’hôpital essaye de se défausser de ses responsabilités en évoquant la maladie grave du Pr Barrat, mais le contexte professionnel dans lequel il exerçait doit être pris en ligne de compte. Il était au top à 50 ans, il dirigeait le service de chirurgie viscérale de Jean-Verdier, l’un des meilleurs de France. C’était une belle réussite. Et puis, voilà son service a été fermé pour être regroupé avec celui d’Avicenne. Cette stratégie de regroupement de l’activité médicale de l’AP-HP n’a vraiment pas aidé.» Et ce syndicaliste de préciser : «Vous savez, notre groupe hospitalier est le mauvais petit canard, avec le plus gros déficit des hôpitaux de l’AP. Le directeur n’a qu’une seule obsession : faire des économies. Mais à quel prix… Evidemment la vie est compliquée pour tout un chacun, mais l’hôpital devient trop violent. Chez nous, il arrive même que des médecins se battent pour un bloc opératoire.»

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