Vendredi [14 juin], le gouvernement devrait lever le voile sur le projet de loi sur la santé au travail. Un sujet au cœur d’un long et douloureux procès : le « harcèlement moral » à France Télécom.
C’est un procès hors normes, qui se tient depuis plus d’un mois au tribunal de grande instance de Paris. D’un côté, 39 victimes, dont 19 se sont suicidées, 12 ont tenté de le faire, et 8 ont été en dépression. De l’autre, sept anciens dirigeants de France Télécom (devenu Orange), dont le PDG Didier Lombard. Ceux-ci sont accusés de « harcèlement moral », à l’origine des drames intervenus dans les années 2007-2009 au sein de l’entreprise.
Premier sujet des salariés
« C’est une première », nous explique Jean-Claude Delgènes du cabinet Technologia, qui avait expertisé France Télécom. « C’est la première fois qu’une très grande entreprise est poursuivie sur le plan pénal pour harcèlement moral. »
La santé au travail et son envers, la souffrance, sont des sujets relativement neufs. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez en convenait récemment : « Il faudrait en parler davantage… Quand je vais dans une entreprise, c’est de ça dont me parlent d’abord les salariés. » Confirmation de Jean-Claude Sciberras, ancien président de l’association des DRH : « Lorsqu’à partir de 2015, on a commencé à recenser les accidents psychiques […], on s’est aperçu qu’on avait plus de burn-out que d’accidents physiques. En entreprise, ce qu’on ne compte pas ne compte pas. »
Le nombre de consultations continue d’augmenter
Les drames de France Télécom, et une mode médiatique autour du « burn out », ont popularisé le sujet… sans rien changer au fond. En témoigne Antoine Duarte, psychologue à l’ASTI (association de santé au travail) : « Le nombre de consultations continue d’augmenter… Les services sont complètement envahis par les problèmes de souffrance au travail. » En témoigne aussi l’actualité, de la SNCF aux services hospitaliers.
Coupes et changements
À tous ces cas, un point commun, analyse la députée Charlotte Lecocq (LREM, Nord), qui prépare un rapport sur la fonction publique, après avoir traité le sujet dans le privé : « Un contexte de réduction d’effectifs et de changement profond des métiers. » Sans oublier l’accélération du temps : selon une enquête du ministère du Travail (Dares), un quart des salariés dit aujourd’hui que son rythme de travail est encadré par des délais à respecter en une heure au plus, contre 15 % en 1991.
Le constat est unanime, il faut prévenir. Mais comment. Si des employés craquent, la faute à des individus trop fragiles, ou aux organisations ? La réponse que donnera le tribunal de Paris sur l’affaire France Télécom (le procès est prévu jusqu’au 12 juillet) sera capitale. Citons juste la recommandation d’un rapport : « Anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements. » Il date de 2010, l’un des coauteurs se nomme Muriel Pénicaud, alors DRH de Danone.
Via le site https://www.ledauphine.com