Elles se disent « amères », « épuisées » et « en colère ». Les infirmières sont appelées à manifester, mardi 8 novembre, aux côtés des aides-soignantes et des personnels non médicaux des hôpitaux publics, pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail.
« Ce sont les premières victimes des économies majeures que l’on demande aux hôpitaux pour rétablir les comptes de la Sécurité sociale », explique Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI), l’une des seize organisations professionnelles à appeler à la grève mardi 8 novembre.
Intensification des rythmes et de la charge de travail, réaffectation parfois brutale des personnels en fonction des besoins, non-remplacement systématique des absents… Les dizaines d’infirmiers et d’infirmières qui ont répondu à un appel à témoignages récemment lancé sur le site Internet du Monde font, dans leur très grande majorité, état d’un « épuisement moral et physique » face à des « cadences » devenues « infernales ». « Je souffre de mon métier », résume une infirmière de 36 ans exerçant en Haute-Savoie. Les suicides de cinq infirmiers cet été, liés selon leurs proches à leurs conditions de travail, révèlent l’ampleur du malaise de la profession, font d’ailleurs valoir les organisations syndicales.
« Course contre la montre »
Pour nombre d’infirmières, cet accroissement du nombre de tâches à réaliser au cours des heures de travail s’est fait ces dernières années au prix d’une certaine « déshumanisation » de leur métier.
« Il y a cinq ou six ans, j’avais en charge quinze patients sur une journée, maintenant j’en ai dix de plus », raconte Catherine, 49 ans, infirmière dans un service de chirurgie d’un gros hôpital du sud de la France. « Des journées sans boire, sans manger, sans aller aux toilettes, ça arrive tout le temps, témoigne-t-elle. Réussir à finir ses tâches devient une course contre la montre ». Admettant rentrer « épuisée » et « hébétée » de ses journées de travail, elle se prend parfois à penser « que l’usine, c’est moins dur ».
Pour nombre d’infirmières, cet accroissement du nombre de tâches à réaliser au cours des heures de travail s’est fait ces dernières années au prix d’une certaine « déshumanisation » de leur métier. Certaines disent même avoir peur de devenir malgré elles « maltraitantes ». « On se retrouve à faire un travail à la chaîne, à ne plus pouvoir passer autant de temps à rassurer un patient stressé ou angoissé avant une opération, on doit souvent se contenter de lui poser les questions de la check-list de sécurité, regrette Pascale, 24 ans, infirmière de bloc opératoire dans un gros hôpital de la région parisienne. J’ai parfois l’impression de traiter ces patients comme des pièces de boucherie et non plus comme des êtres humains. »
Camille, 28 ans, infirmière dans un service de cancérologie en Aquitaine, raconte qu’il lui « arrive de ne pas avoir le temps d’enlever une perfusion à un patient qui veut aller se promener » tant il lui est chaque jour demandé d’être « à quatre endroits à la fois » en raison du « sous-effectif chronique » de son service. « A la frustration de ne plus pouvoir exercer correctement mon travail s’ajoute la culpabilité de n’avoir pu accompagner, faute de temps, cette maman qui pleurait seule au fond du couloir », ajoute Séverine, 32 ans, infirmière dans un service de pédiatrie d’un grand hôpital de Lyon.
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