Qui fait quoi: les acteurs de la souffrance au travail

Mise à jour le 25 septembre 2024

Le chef d’entreprise ou d’établissement

Dans le code du travail

Article L. 4121-1 du code du travail

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

  1. Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1
  2. Des actions d’information et de formation
  3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »

Article L. 4121-2 du code du travail

« L. 4121-2 : L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

  1. Éviter les risques ;
  2. Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
  3. Combattre les risques à la source ;
  4. Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
  5. Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
  6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
  7. Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
  8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
  9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

Article L. 4121-3 du code du travail

« L’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l’employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l’application du présent article doivent faire l’objet d’une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat après avis des organisations professionnelles concernées. »

Article L. 4121-4 du code du travail

« Lorsqu’il confie des tâches à un travailleur, l’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, prend en considération les capacités de l’intéressé à mettre en œuvre les précautions nécessaires pour la santé et la sécurité. »

Article L. 4121-5 du code du travail

« Lorsque dans un même lieu de travail les travailleurs de plusieurs entreprises sont présents, les employeurs coopèrent à la mise en œuvre des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail. »

Le Document unique d’évaluation des risques (DUER)

La rédaction du document unique est obligatoire depuis le 5 novembre 2001 et codifiée à l’article R. 4121-1 du code du travail.

Article R. 4121-1 du code du travail

« L’employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise ou de l’établissement. »

Objectifs du document unique

  • Améliorer la santé au travail, en diminuant  les accidents du travail, les maladies professionnelles ;
  • Améliorer les conditions de travail ;
  • L’inventaire des risques est réalisé par l’employeur dans chaque unité de travail : en observant les tâches réelles, en recueillant l’avis des salariés : il est conseillé d’organiser des réunions au sein de chaque unité de travail, afin de repérer les situations à risque, en analysant les accidents du travail pour repérer les situations à risque.

Dans cette perspective, l’obligation d’évaluation des risques et de sa formalisation dans le document unique est in fine une aide et non pas une contrainte supplémentaire. Un juge appréciera de retrouver la trace de l’évaluation et des mesures de prévention mises en œuvre dans l’entreprise.

L’employeur réalise l’évaluation des risques

  • La gravité de chaque risque ;
  • Sa probabilité de survenue ;

Afin de pouvoir définir les risques les plus importants, pour les traiter en priorité.

Rédaction du document unique

Seuls doivent figurer les risques effectivement présents dans l’entreprise.

Le document peut  être rédigé sur papier, ou tout support numérique : disque dur, clé USB, CD,…

Mise à jour du document unique

Au moins tous les ans, et lors de tout changement dans les procédés de travail.

Mise à disposition du Document unique

Le document unique d’évaluation des risques est tenu à la disposition :

  • des travailleurs ;
  • des membres du CSE ;
  • du médecin du travail ;
  • des agents de l’inspection du travail ;
  • des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;
  • des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l’article L. 4643-1 ;
  • des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l’article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l’article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Le chef d’entreprise doit mettre à disposition des salariés le document unique d’évaluation des risques. Il doit apposer une affiche sur le lieu de travail qui indique où ce document peut être consulté.

Article R. 4121-4 du code du travail

« …Un avis indiquant les modalités d’accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail.

Dans les entreprises ou établissements dotés d’un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur. »

Les aides pour l’employeur

L’employeur peut recruter un spécialiste, un expert extérieur mais il peut et doit s’appuyer aussi sur ses ressources internes que sont le CSE (Conseil Social et Économique), la CSSCT (Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail), à condition qu’un dialogue social de bonne qualité soit instauré dans l’entreprise.

Dans certaines entreprises, c’est par exemple un membre du CSE qui peut se spécialiser dans cette élaboration, même si au bout du compte c’est l’employeur qui en porte la responsabilité.Une véritable évaluation ne peut se faire qu’à partir du travail réel et doit s’appuyer sur la connaissance  qu’en ont les salariés et sur leurs usages de prévention construits.  Les intégrer est une forme de reconnaissance des habiletés développées par les travailleurs eux-mêmes. Il faut accepter l’idée que les salariés ont le souci de protéger leur santé.

Le chef d’entreprise peut  aussi s’appuyer sur d’autres institutions comme les CARSAT (ou CRAM) au travers des ingénieurs et des contrôleurs  CRAM qui sont spécialistes dans l’hygiène et sécurité, dans la prévention.  Ils dépendent de la branche AT-MP de la Caisse nationale d’Assurance Maladie dont une des missions est, en tant qu’assureur, d’apporter son concours aux entreprises pour les aider à mettre en place des préventions efficaces.

Sur la question de l’organisation du travail, le chef d’entreprise peut également demander l’aide des ARACT :

L’agence nationale d’amélioration des conditions de travail est un établissement public administratif sous tutelle du ministre du travail, créée en 1973, tête de pont d’un réseau de 25 structures régionales de droit privé que sont les agences régionales d’amélioration des conditions de travail (ARACT) qui ont été créée entre 1983 et 2004. (Liste sur site compagnon)

Ce sont des organismes paritaires gérés par les partenaires sociaux financés par l’état en région, le conseil régional, l’ANACT et le fond social Européen. L’objet de ce réseau est d’améliorer les conditions de travail des salariés et l’efficacité des entreprises et des administrations, d’expérimenter, de capitaliser et de transférer des méthodes de changements concertées.

Les modes d’intervention dans l’entreprise vont du conseil ponctuel, de l’accompagnement court de démarche interne, de diagnostic court gratuit, d’aide à l’évaluation, d’accompagnement de projets collectifs ou d’intervention longue. Ils n’interviennent que sur la base d’un accord entre l’employeur et les représentants des salariés.

Une véritable mise à plat du travail réel fait souvent peur au chef d’entreprise qui craint de se retrouver confronté à la mise à jour d’un risque grave qui pourrait entrainer  des conséquences judiciaires à défaut de mise en action d‘une prévention adaptée.

Le salarié

Même en état de subordination contractuelle, les salariés ont  une responsabilité citoyenne. Ils sont par conséquent responsables de leur propre sécurité ainsi que de celle de leurs collègues. Responsables de l’application des consignes de sécurité édictées par l’employeur qui s’appliquent à eux, ils participent  donc aussi à la politique de prévention de l’entreprise. De plus, chaque salarié dispose d’un droit d’alerte et de retrait.

Droit d’alerte et de retrait

L’Article L. 4131-1 du code du travail met le salarié comme sujet de la protection de sa santé.

« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »

Par exemple, Un grutier, sommé par son employeur de travailler un jour de grand vent, peut exercer son droit de retrait. Lorsque le danger est constaté par un représentant du personnel au CSE qui constate un danger grave et imminent, il consigne cet avis sur une registre spécial (article D. 4132-1 du code du travail) L’avis du représentant du personnel au Comité Social et Economique, prévu à l’article L. 4131-2 du code du travail, est consigné sur un registre spécial dont les pages sont numérotées et authentifiées par le tampon du comité.

L’exercice du droit de retrait est essentiel mais doit être utilisé avec précaution Le danger ressenti n’est pas toujours le danger réel. En cas de litige, les tribunaux vont s’attacher à rechercher la gravité et l’imminence du danger. La jurisprudence est nuancée parce qu’elle statue au cas par cas.

En situation d’isolement et de souffrance, le salarié n’est pas en condition d’affirmer son autonomie morale. D’où l’importance de la qualité du tissu collectif d’une entreprise et de la véritable existence des instances représentatives du personnel.

Les collègues

Article L 4122-1 du code du travail

« Conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Les instructions de l’employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.

Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur. »

Article L. 4122-2 du code du travail
« Les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs. »

Les ressources humaines

La place des RH et leur capacité à agir sur le champ de la santé au travail sont souvent tributaires de la taille et de la structuration de l’entreprise ainsi que de sa culture de la prévention, de l’organisation des missions et des fonctions RH.

Certaines situations sont cependant incontournables :

  • les cas d’inaptitudes, de TMS, les problèmes de maintien au poste, les incitations ou injonctions des organismes de contrôle ;
  • la dégradation des données santé ou RH.

Ces situations appellent à apporter des réponses aux dysfonctionnements pouvant apparaître sur le lieu de travail. Lorsque des plaintes, des témoignages ou des écrits du personnel, du médecin du travail ou du CSE lui sont soumis, le DRH doit réaliser une enquête administrative afin d’établir les responsabilités. Dès l’ouverture de celle-ci, il doit en informer la ou les personnes mises en cause ainsi que le CSE (ou CSSCT). En fonction des résultats de l’enquête, il peut ensuite décider d’ouvrir une procédure disciplinaire, proposer un changement de service, une incidence sur l’évaluation de l’auteur des faits, des mesures de révision ou de reconstitution de la situation statutaire de la victime (évaluation, avancement…) ou même engager une procédure pénale. Une autre mission du DRH est la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et de prévention.

Si le DRH peut sembler l’interlocuteur privilégié pour traiter des dysfonctionnements dans les relations dans le travail, il n’est sans doute pas le meilleur interlocuteur pour travailler sur les questions de prévention primaire (supprimer les risques à leur source), car cela repose souvent sur des modifications des organisations du travail ou des systèmes de production sur lesquels il a en général peu de prise.

Il est donc pertinent de s’adresser directement au chef d’entreprise ou s’assurer que le DRH a une vraie délégation de pouvoir.

Le Comité Social et Économique (CSE)

Droit d’alerte

L’article L. 2312-59 du code du travail  dispose que le membre du CSE doit immédiatement saisir l’employeur s’il constate « qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché ». Si aucune solution n’est trouvée avec l’employeur, il peut également saisir le conseil de Prud’hommes.

Les syndicats professionnels ont pour mission de veiller à la défense des droits et des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des membres du personnel (article L. 2131-1 du Code du travail). Lorsque les représentants des organisations syndicales ont connaissance de situations à risques, ils doivent en informer le CHSCT, et s’ils constatent l’existence de procédés constituant une atteinte à la dignité et à la liberté individuelle d’un salarié, la loi prévoit que le syndicat peut agir à sa place pour la défense de ses intérêts. La loi permet cette action à 3 conditions: l’action de substitution doit être prévue par un texte légal, l’action est réservée au syndicat représentatif, le salarié doit être informé de l’action syndicale et ne pas avoir manifesté son opposition à l’action syndicale.

L’employeur a tout intérêt à entendre les remontées du CSE et des DS, baromètres internes à l’entreprise. Dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat, entamer un dialogue véritable avec les instances représentatives, c’est affirmer son souci de prévention. La chasse aux sorcières contre les représentants du personnel et les DS est  contreproductive  pour la santé des salariés mais aussi pour les relations dans l’entreprise et la qualité du travail produit.

Une prévention véritable ne peut qu’être le fruit d’une coconstruction entre tous les acteurs. Cette coconstruction peut aboutir à des zones de conflit, des disputes professionnelles où le débat sur l’exécution du travail permet la mise à jour des positions de chacun, des enjeux et des choix à faire. Le respect des positions de chacun et l’élaboration préalable d’une méthodologie commune  sont des postulats de départ.

Rôle et mission définis par l’article L. 2312-9 du code du travail dans les attributions santé – sécurité du CSE

Contribue à la protection physique et mentale et à la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux des entreprises extérieures, etc…

Procède à l’analyse des risques professionnels

Contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels

Il est consulté sur un certain nombre de points concernant les conditions de travail (par accord ou article L. 2312-26 du code du travail) et les mutations technologiques.

Pouvoir et moyens d’action

  • Rôle d’alerte, d’aide à la résolution et à l’analyse des situations ;
  • Rôle d’incitateur à la prévention
  • Rôle direct auprès de la victime et de l’auteur
  • Possibilité de recours à expertise CSE (article  L 4614-12 du CT)

Le CSE dans ses attributions en matière de santé et sécurité a un pouvoir potentiel par la possibilité de recours à une expertise. La jurisprudence aujourd’hui a tendance à renforcer la place de cette institution (voir plus loin, arrêts Mornay et SNECMA).

Recours à un expert par le CSE

Article L. 2315-96 du code du travail (CSE)
« Le comité social et économique peut faire appel à un expert habilité dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat :

  1. Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
  2. En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu au 4° de l’article L. 2312-8. »

Les experts

A compter du 1er janvier 2020, l’agrément laisse place à l’habilitation, c’est-à-dire une certification permettant à l’expert de justifier de ses compétences. Cette certification est délivrée par un organisme certificateur accrédité par le comité français d’accréditation ou par tout autre organisme d’accréditation.

Les experts agréés antérieurement au 1er janvier 2020 seront habilités à procéder à des expertises pour la durée de leur agrément.

C’est le CSE qui a le choix de l’expert et l’employeur le paye, source de conflit et de litiges. Pour que cette expertise soit productive et joue son rôle, il est fondamental que les membres soient vigilants sur le choix effectué car les expertises vont du plus efficace au plus caricatural. Parmi ces critères de choix, il est important de s’assurer que l’objet de l’expertise va être le travail réel et non pas la recherche de critères individuels.

La jurisprudence sur LE CHSCT / Rôle Santé Sécurité du CSE – CSSCT

Plusieurs arrêts de jurisprudence ont validé l’intervention des experts CHSCT sur des questions de souffrance au travail.

Arrêt SNECMA – suspension d’une organisation du travail qui ne garantit pas la santé et la sécurité des salariés

En matière d’organisation du travail, l’arrêt Snecma introduit un précédent qui modifie considérablement les rapports de force au sein des entreprises françaises. Le juge peut désormais suspendre la mise en œuvre d’une réorganisation du travail s’il considère que celle-ci ne garantit pas la santé et la sécurité des salariés. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mars 2008 marquant une nouvelle extension – radicale – de l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur.

« Souhaitant mettre en place une nouvelle organisation du travail de maintenance et de surveillance dans un centre énergie classé Seveso, la société Snecma a consulté le CHSCT et le comité d’établissement qui ont, l’un et l’autre, exprimé leur opposition au projet. En l’absence de droit de veto de ces institutions, l’entreprise a décidé de la mettre en application, et précisé les modalités de la réorganisation dans une note du 21 février 2005. Note dont le syndicat CGT Snecma a obtenu l’annulation devant la cour d’appel de Versailles ainsi que la suspension de la réorganisation.” »

Une décision confirmée par la Cour de Cassation.

« L’obligation légale de sécurité, qui est une obligation de résultat, a pour conséquence nécessaire d’interdire à l’employeur de prendre toute mesure pouvant être de nature à compromettre la santé ou la sécurité des travailleurs. Cette prohibition vient alors limiter le pouvoir de direction dont dispose l’employeur dans l’organisation de l’entreprise et du travail, même si ce pouvoir est considéré comme un des attributs de la liberté d’entreprendre” »(3).

Arrêt MORNAY – L’entretien d’évaluation manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail – consultation préalable du CHSCT

L’arrêt Mornay pose la question de la mise en place de l’évaluation individualisée des performances.  Un employeur met en place un entretien d’évaluation individuel des performances dans le cadre de ses prérogatives. Le CHSCT se porte devant les tribunaux car il n’avait pas été saisi de cette évolution et il considérait que l’introduction de cette évaluation, telle qu’elle était planifiée, risquait d’avoir  des conséquences sur la santé psychologiques des salariés :

« Mais attendu qu’ayant relevé que les évaluations annuelles devaient permettre une meilleure cohérence entre les décisions salariales et l’accomplissement des objectifs, qu’elles pouvaient avoir une incidence sur le comportement des salariés, leur évolution de carrière et leur rémunération, et que les modalités et les enjeux de l’entretien étaient manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a exactement décidé que le projet de l’employeur devait être soumis à la consultation du CHSCT chargé, par application de l’alinéa 1 de l’article L. 236-2 du code du travail, de contribuer à la protection de la santé des salariés ; que le moyen n’est pas fondé. »

Les tribunaux ont donné raison au CHSCT.

De nombreuses instances existent dans l’entreprise, prévues par le droit, mais restent lettre morte, sont peu utilisées. On voit se développer le recours à des instances parallèles à  l’entreprise  qui sont susceptibles de contenir toutes les dérives (violation du secret médical, délation, mise en lumière de la fragilité du salarié). On assiste à l’utilisation de ces instances pour masquer l’origine professionnelle et l’enjeu de responsabilité pénale.

Consultants sur la gestion du stress

Les consultants extérieurs

De nombreux consultants se sont spécialisés dans l’élaboration des documents uniques et dans les risques psychosociaux. Cette sous-traitance aggrave la mise en invisibilité des spécificités du travail dans l’entreprise. Le document unique ou la démarche de prévention ne correspondent plus qu’à un stéréotype formel pour être en accord avec la loi, sans influence sur l’amélioration des conditions de travail. L’élaboration du Document unique  se résume à cocher des cases sur une liste de risques d’expositions potentielles, sans réflexion sur l’interaction de ces différentes expositions, ni sur la façon dont le travail est réellement exécuté, avec quelquefois des propositions de mesures de prévention incompatibles avec l’exécution.

Les cellules d’écoute

Les salariés peuvent être orientés vers la cellule d’écoute par l’employeur, court-circuitant le rôle majeur du service de santé au travail. Ces cellules d’écoute, sans références scientifiques véritables, réduisent par l’approche individualisante, toute analyse collective.

Les tickets psy

Le conseil national de l’ordre des médecins a  vigoureusement critiqué le 27/01/2009 la mise en place de ces tickets psy, s’étonnant « que le médecin soit devenu un prestataire comme Sodexo », et a rappelé que « la médecine n’est pas un commerce et qu’elle n’est pas chargée du bien-être de la société mais de traiter des gens qui présentent des pathologies ».

LE CNOM a rappelé les principes suivants :

Principes du Conseil National de l’Ordre des Médecins  sur les dispositifs de prise en charge des risques psychosociaux (24/10/08)

  • L’écoute d’un salarié en détresse est un acte médical qui entre totalement dans le champ de compétence du médecin du travail
  • Le médecin écoutant est le primo interlocuteur
  • L’orientation se fait avec l’accord du salarié
  • La décision du salarié est libre et anonymisée vis-à-vis de l’employeur, l’entreprise ne pouvant en tirer une quelconque conclusion ou sanction du refus par le salarié de consulter le médecin écoutant
  • Tout ce qui relève de l’entretien du salarié avec le médecin du travail  ou le médecin écoutant est couvert par le secret médical et fait l’objet de mention dans le dossier médical (du médecin du travail et du médecin écoutant).

Le service de santé au travail

Le médecin du travail

Rôle et responsabilité

« Eviter toute altération de la santé physique et mentale des travailleurs du fait de leur travail ».

Obligations

Secret médical, devoir d’indépendance, salarié protégé

Le médecin du travail conseille le chef d’entreprise, les salariés, les représentants du personnel du CSE (Comité Social et Economique) en matière d’amélioration des conditions de vie et de travail dans l’entreprise, d’adaptation des postes, techniques et rythmes de travail à la physiologie du corps humain et de protection des salariés contre les nuisances et afin que soient respectées les obligations de l’employeur en matière de principes généraux de prévention (article L. 4121-2 du code du travail) : supprimer les risques, remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins, adapter le travail à l’homme, donner la priorité aux mesures de protections collectives, ….

Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé, ainsi que tout risque manifeste d’atteinte à la sécurité des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail (article L. 4622-3 du code du travail).

Cela peut être réalisé à partir des visites périodiques ou exceptionnelles (articles R. 4624-10 à 39 du code du travail) et par l’action sur les milieux de travail (article R. 4624-1 du code du travail).

La périodicité des visites  (par le médecin du travail ou un professionnel de santé) auxquelles sont assujettis tous les salariés s’est allongée. Cependant, tout salarié peut également demander visite à tout moment auprès du Médecin du Travail (article R. 4624-34 du code du travail).

Les médecins du travail peuvent aussi mener des enquêtes sur les risques et les conditions de travail et éventuellement proposer des aménagements. Malgré le secret professionnel  qui impose des limites strictes à ses possibilités d’intervention nominatives, le médecin du travail a des outils pour remplir sa mission d’alerte auprès de l’employeur et des représentants des salariés :

  • Son rapport annuel, transmis au CSE, peut rendre compte de l’accroissement des indicateurs de souffrance organisationnelle : augmentation de la fréquence et des urgences sur les lieux de travail pour conflit, violence, tentative de suicide, décompensation psychiatrique; augmentation des pathologies somatiques et psychiques; augmentation des consommations de psychotropes, d’alcool, de tabac ou autres drogues …
  • La fiche d’entreprise réalisée avec l’employeur (document qui devrait prendre acte de la souffrance au travail et peut intégrer le bilan de santé global de l’entreprise). Dans un grand nombre d’entreprises elle est souvent rédigée par l’assistante santé travail (service inter) et l’employeur et doit être communiquée au CSE ou CSSCT (+ de 300 salariés) et tenue à disposition de l’Inspection du Travail et des contrôleurs CRAM ;
  • Le bilan de santé global de l’entreprise (rapport annuel) peut également faire état du turn-over, de l’absentéisme, de la consommation médicamenteuse, des conduites addictives, du mal-être exprimé, de l’intensification du travail, de l’autonomie, etc. ;
  • Le médecin du travail peut également être consulté pour l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)
  • Le médecin du travail est informé des alertes du CSE

Les questionnaires

Souvent, devant la demande de chiffres objectifs, les médecins du travail mais aussi les représentants des salariés et les employeurs ont tendance à demander une enquête par questionnaire (sur la base des modèles Karasek, Siegrist, etc…). Cependant ils sont souvent lourds à mettre en place, chronophage dans l’analyse des résultats et la plupart du temps ne font que confirmer le diagnostic de départ.

Doit-on se référer par ailleurs à la norme nationale, pour décider d’une action ou considérer que le cas particulier est un cas sentinelle qui permet d’agir en amont ?

Action médico juridique

Déclaration en accident du travail

Article L. 411-1 du code de la sécurité sociale

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

Le fait accidentel générateur d’un trouble psychosocial doit se définir par :

  • un évènement soudain, c’est-à-dire daté et précis. Il doit être défini comme « anormal », en rupture avec le cours habituel des choses, brutalité, imprévisibilité, exceptionnel.
    Ex : agression physique ou verbale ; altercation
  • une « lésion » de survenue brutale (mentionnée sur le CMI – certificat médical initial établi par le médecin qui a constaté les lésions) : malaise, crise de larmes, perte brutale du contrôle émotionnel, Etat de stress aigu, cauchemars, symptômes d’évitement, maux de tête, perte du sommeil, etc.

C’est à l’employeur d’effectuer la déclaration (DAT – Cerfa de déclaration d’accident du travail). Le refus est sanctionné pénalement.

Présomption d’imputabilité

Toute lésion survenue au temps et lieu de travail doit être considérée comme trouvant sa cause dans le travail, sauf s’il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

Lorsque l’accident survient hors temps et lieu de travail, la présomption d’imputabilité est simplement renversée et oblige le salarié à établir que c’est le travail qui est à l’origine de l’accident.

Extension de la notion d’AT

Jurisprudence:

  • Cassation sociale : 02/04/2003 – Albert/CPAM Gard : constitue un AT un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail
  • Cassation civile 2ème CH/01/07/2003 – CPAM Dordogne/Ratinaux – Lésion corporelle peut-être psychique
  • 2ème civ., 22 fév. 2007, n°05-13771 A propos d’une tentative de suicide à domicile pendant un arrêt de travail, l’état dépressif du salarié étant dû au harcèlement moral qu’il subissait de la part de son employeur.

L’AT par un évènement soudain, daté, se distingue de la MP (maladie professionnelle) qui est définie par le résultat d’une série d’événements à évolution lente auquel on ne peut assigner une origine ou une date certaine.

CA – TASS de Côte d’Or (2001)

  • (Dossier Marie/Rolland SA) Motif évoqué par reconnaissance en AT d’une décompensation dépressive : « comme en matière d’accident atteignant l’intégrité physique déjà usée par les gestes professionnels d’un salarié, un accident atteignant son psychisme peut revêtir le caractère de soudaineté lié à un événement précis du travail alors même que l’apparition d’une pathologie psychique est progressive ».

Déclaration de maladie professionnelle

Il n’existe pas de tableau pour les pathologies psychologiques dues à la maltraitance au travail. Ces dossiers doivent être constitués avec l’aide de professionnels car la procédure est complexe et pleine d’embuches.

La procédure de reconnaissance d’une maladie hors tableau se fait dans le cadre de l’alinéa 4 de l’article L. 461-1 :

  • Si l’état est stabilisé et l’incapacité permanente atteint 25 %
  • Pas de présomption d’origine
  • Lien direct et essentiel entre pathologie et conditions de travail habituelles.

Quelle place pour les intervenants en prévention des risques professionnels et les psychologues du travail?

Exemple de fiche de poste :

  • Organiser des actions de prévention (sensibilisation, information, …), notamment dans certaines situations comme un changement de direction ou d’organisation, un déménagement, …
  • Réaliser des entretiens individuels (sur prescription du médecin du travail), pour écouter et construire des actions individuelles et collectives, en garantissant la confidentialité des informations
  • Animer des groupes de parole ou de travail en entreprise pour faciliter la construction collective d’un diagnostic et de pistes d’actions
  • Réaliser des diagnostics organisationnels dans les entreprises volontaires pour les aider à élaborer leur document unique d’évaluation des risques et construire leur plan d’actions
  • Travailler en réseau pour optimiser les pratiques professionnelles et développer des outils

L’assistante sociale

Dans le cadre de la prise en charge des personne en souffrance au travail, l’assistante sociale a pour rôle de les aider dans leur réflexion sur les différentes issues qui s’offrent à elles, tout en tenant compte de leur situation sociale. Elle peut aussi les assister dans leurs démarches administratives.

Le médecin du travail et le service de santé au travail

Par son rôle de clinicien préventeur au sein de l’entreprise, le médecin du travail et les collaborateurs du service de santé au travail (psychologues cliniciens du travail, ergonome, assistante sociale, infirmières du travail..) doivent être en mesure de dépister les formes d’organisation génératrices d’isolement et diagnostiquer en amont les symptômes laissant craindre une décompensation psychologique chez un ou plusieurs salariés. Les médecins du travail doivent alerter les préventeurs de l’entreprise : employeur, représentants du personnel au CSE, afin qu’une prise en charge collective de la question puisse être menée en interne.

Si une altération de la santé mentale et/ou physique d’un salarié liée aux conditions de travail est constatée, le médecin du travail peut avec l’accord du salarié, réaliser une étude du poste de préférence en présence du salarié et alerter l’employeur sur les risques professionnels. Il peut également orienter le salarié en souffrance vers un spécialiste.

Le médecin du travail dispose de plusieurs possibilités pour prendre en charge cette altération en fonction des circonstances : restriction ou aménagement du poste, reclassement à un autre poste, demande de formation, envoi du salarié vers le médecin traitant pour arrêt maladie, déclaration en maladie à caractère professionnel…

Lorsque le médecin du travail a épuisé l’ensemble des solutions que sont l’arrêt de travail, la médicalisation temporaire et/ou le changement de poste, lorsqu’il y a eu alerte de tous les partenaires de l’entreprise et absence de solution ou même parfois immédiatement lorsque l’état du salarié l’exige, il peut mettre le salarié en inaptitude définitive à son poste de travail avec ou sans reclassement.

Pour forger son opinion, le médecin du travail s’appuie  sur les données recueillies au cabinet médical et dans l’entreprise. L’analyse et la compréhension de la situation passent par le repérage clinique des salariés en souffrance au travail, le repérage des techniques de management pathogènes répertoriées dans le récit du patient, le  repérage entre les témoignages entendus et écrits d’autres salariés et celui du patient de la souffrance individuelle ou collective des salariés. Enfin le médecin du travail s’appuie sur des pratiques de coopération pluridisciplinaire au sein de l’équipe du service inter-entreprises (psychologue du travail, ergonome, assistante sociale..) et à l’extérieur avec le  médecin généraliste, le spécialiste (psychiatre), le médecin-conseil(CNAM), le médecin inspecteur, les experts, psychothérapeutes.

L’avis d’inaptitude doit toujours être formulé avec le consentement participatif et éclairé du salarié. Il s’agit ici d’un véritable travail de co-construction de la décision en plusieurs étapes :

  • Faire cesser la situation, en faire sortir le salarié ;
  • Lui faire entendre au décours d’un suivi  (qui permettra l’appréciation clinique de son état) les enjeux sociaux, professionnels et psychiques de toutes les solutions envisagées ;
  • Conseiller le salarié pour que son arrêt soit pris dans le cadre  d’un accident du travail et demander à  l’employeur de faire une déclaration en ce sens. Au terme d’une enquête approfondie, c’est la sécurité sociale prendra la décision de reconnaissance en AT. Cette décision peut faire l’objet  de recours.

Le médecin du travail confirme ainsi son rôle de conseiller auprès des acteurs de l’entreprise.

Les acteurs de soins

Le médecin généraliste

Le médecin généraliste représente un soutien psychologique évident pour son patient personne en souffrance au travail. Grâce à  sa connaissance du patient, il est souvent le mieux placé pour voir la dégradation de son état de santé en parallèle à la dégradation des conditions de travail. Il met à l’abri son patient lorsqu’il lui prescrit un arrêt de travail. En plus des actes médicaux proprement dits (prescription médicale) et du suivi, il assume des actes administratifs (certificats) importants pour préserver les intérêts du patient. Le médecin généraliste a également un devoir d’assistance morale qui consiste à contacter le médecin du travail (avec l’accord du patient)  pour évoquer les hypothèses de règlement de la situation. Dans l’intérêt du patient, la collaboration et la concertation avec le médecin du travail sont indispensables.

Le médecin inspecteur du travail

L’article L. 8123-1 du code du travail dispose que « Les médecins inspecteurs exercent une action permanente en vue de la protection de la santé physique et mentale des travailleurs sur leur lieu de travail et participent à la veille sanitaire au bénéfice des travailleurs (…). Les médecins inspecteurs du travail agissent en liaison avec les inspecteurs du travail, avec lesquels ils coopèrent à l’application de la réglementation relative à la santé au travail ». Les moyens dont ils disposent pour ce faire sont les mêmes pouvoirs et obligations que ceux des inspecteurs du travail, à l’exception du pouvoir de sanction (article L. 8123-2 du code du travail. Le médecin inspecteur du travail sert d’appui et de conseil aussi bien au patient qu’au médecin du travail et à l’inspecteur du travail. C’est un véritable soutien pour le médecin du travail lorsqu’il l’aide à adopter la stratégie la plus appropriée à la situation. Enfin, le médecin inspecteur du travail est également chargé de l’étude des risques professionnels et de leur prévention.

Les praticiens des consultations de pathologies professionnelles et des consultations spécialisée « souffrance et travail »

Ces consultations multidisciplinaires (psychiatres, médecins du travail, juristes, psychologues, etc.) ont vu le jour dans de nombreuses régions de France. Le travail en réseau permet une prise en charge plus réactive des personnes en souffrance. Ces consultations proposent des entretiens à diverses visées, telles que l’expertise psychologique ou le conseil juridique par exemple. Elles permettent d’apporter un avis extérieur complémentaire et une compréhension de ce qui s’est passé, le but étant d’aider le salarié à reprendre le cours de sa vie.

Le psychiatre et le psychologue

Une prise en charge psychothérapeutique des personnes en situation de souffrance au travail est souvent nécessaire, même lorsqu’elles ne sont plus confrontées à la situation pathogène. Idéalement, cette  prise en charge doit être  instaurée précocement afin d’éviter une aggravation de la décompensation. Le travail effectué lors des séances porte sur la rencontre entre la structure psychique singulière et la situation de travail pathogène, sur les résonances de celle-ci dans la structure psychique du sujet. Dans tous les cas, l’intégration de la question du travail est indispensable. L’accompagnement psychologique a son importance tout le temps que les démarches administratives et/ou juridiques sont en cours, ainsi qu’au moment de la rencontre avec une nouvelle situation professionnelle.  De plus,  certains psychiatres et/ou psychologues vont être amenés à rédiger des certificats qui constitueront des pièces majeures dans le dossier de leurs patients.

Le médecin conseil de la sécurité sociale

Le médecin conseil de la sécurité sociale joue un rôle important dans la transformation de la maladie en accident du travail ou en maladie professionnelle lorsqu’il juge qu’elle est en lien avec l’organisation du travail. Il détermine aussi le taux d’IPP (incapacité permanente partielle) sur lequel sera basé le montant de la rente versée à la personne victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et c’est lui qui décide de la  validation ou non des arrêts de travail ainsi que des reprises à temps partiel thérapeutique. En outre, il est décisionnaire sur l’attribution  d’un arrêt longue maladie de plus de 6 mois ou en invalidité 1,2 ou 3ème catégorie (au bout de la 3ème année d’arrêt-maladie au plus tard).

La médecine agréée dans la fonction publique ou les régimes spéciaux

Les médecins agréés sont des médecins généralistes ou spécialistes chargés de procéder à l’examen médical des salariés afin de donner des avis d’aptitude. Ces avis peuvent être demandés avant que la décision soit prise d’accorder au salarié un arrêt maladie ou longue maladie ou avant d’envisager une reprise du travail. Siégeant au sein d’un comité médical ou d’une commission de réforme, ils informent le médecin du travail des conclusions des commissions de réforme.

Les avocats et les défenseurs syndicaux

Les avocats exerçant au sein de structures spécialisées (ou non) en droit du travail et sont des acteurs indispensables. Leur consultation est nécessaire pour avoir connaissance de l’ensemble de ses droits et des différentes stratégies envisageables. L’avocat a une mission de conseil juridique en dehors de toute procédure. Les avocats se chargent également d’avertir la personne de la difficulté et de la longueur des procédures, ainsi que des chances de succès.

(Pour défenseurs syndicaux et aide juridictionnelle, voir sur site compagnon).

L’inspection du travail

Vous êtes salarié, vous pensez être dans une situation de harcèlement moral, de stress ou de burn-out : comment alerter l’inspection du travail par rapport à votre situation ?

Le plus souvent, les problèmes de souffrance au travail sont abordés auprès de l’inspection du travail selon deux manières :

  • Par les plaintes individuelles de salariés, par courrier, téléphone, fax, mails, suite à un rendez-vous auprès des services de renseignements ;
  • D’un point de vue plus collectif, à partir de l’entreprise, parfois après une ou plusieurs plaintes individuelles, enquêtes du Comité Social et Economique (CSE) ou de la Commission Santé et Sécurité et des Conditions de travail (CSSCT) dans les entreprise plus de 300 salariés qui sont dotées d’institutions représentatives du personnel ou de déclarations d’accident du travail. Cela peut-être aussi suite à un rapport d’expert au sein de l’entreprise ou encore un signalement de danger grave et imminent.

Quels sont les champs d’action et moyens d’action de l’inspection du travail ?

Leur champ d’intervention

Ce sont des inspecteurs et contrôleurs du travail qui ont en charge le contrôle de l’application de la règlementation relative au travail dans les entreprises. Ils ont également un rôle de renseignement du public. Ils interviennent sur l’ensemble de la relation de travail :

  • Les conditions de travail,
  • Les relations individuelles et collectives de travail,
  • Les conditions d’emploi.

Le code du travail dispose que l’employeur a des obligations générales en matière de santé et de sécurité des salariés. La jurisprudence depuis 2002 en a fait une obligation de sécurité de résultat lien vers le texte de loi. Il appartient à l’employeur d’évaluer les risques et de prendre des dispositions pour les éviter. Cela a également valeur pour la santé physique et mentale.

Leurs moyens d’action

Les agents de contrôle disposent d’un droit d’entrée. Munis de pièces justificatives de leurs fonctions, ils sont autorisés à pénétrer librement, sans avertissement préalable, sans qu’il soit fait obligation à l’employeur d’être présent lors de la visite.

Ils ont la possibilité d’interroger soit seuls, soit en présence de témoins l’employeur ou le personnel de l’entreprise.

La fonction de contrôle est assortie de pouvoirs et de prérogatives visant à la répression des infractions. L’inspecteur ou contrôleur du travail dispose d’un pouvoir d’appréciation dans les suites qu’il donne à ses constats.

Il peut également interroger par courrier l’employeur à propos d’une situation dégradée dont il aurait eu connaissance, même préalablement à tout constat.

Le service des renseignements

Dans la plupart des départements il existe des services destinés aux renseignements des usagers et plus particulièrement des salariés. Les agents sont parfaitement aptes à répondre aux premières questions que se posent les salariés et à les orienter lorsque cela s’avère nécessaire.

En quoi consiste un rendez-vous lors d’une permanence de l’inspection du travail ?
Il s’agit à ce moment, pour l’agent de contrôle, d’accueillir le salarié, l’écouter, de recueillir les faits, dire le droit, de se positionner en tant qu’institution et rappeler la confidentialité des plaintes.

L’inspecteur du travail peut-il aller faire un contrôle dans l’entreprise ou donner une suite après votre plainte auprès de lui ?

L’inspecteur ou le contrôleur du travail a une obligation de confidentialité par rapport aux plaintes qu’il reçoit. Cette confidentialité ne peut être levée que si l’agent de contrôle est destinataire en copie, des échanges de courriers entre le salarié et son employeur sur le problème rencontré et qu’il soit demandé explicitement d’intervenir. Le seul courrier du salarié à l’inspecteur ou au contrôleur du travail lui indiquant qu’on le délie de son obligation de confidentialité n’est pas suffisant.

L’action de l’inspection du travail se situant sur le terrain du code pénal, ce sera à lui de décider des suites qu’il réserve, en fonction des éléments qu’il aura à sa disposition.

Doit-on préparer des éléments pour le rendez-vous ?

Cela pourra vous être conseillé par l’agent qui vous reçoit pendant le rendez-vous, mais en matière de santé mentale trois ou quatre petites choses peuvent être nécessaires pour vous aider à mieux préparer celui-ci :

un modèle de lettre est disponible. – prendre contact avec les consultations de psychopathologie du travail si vous ne vous sentez pas en état, par exemple de vous exprimer. Par leur écoute et leur connaissance du travail, cela peut s’avérer fort utile;
– prendre contact avec le médecin du travail, un représentant du personnel, éventuellement un défenseur syndical ou encore un avocat lien vers les acteurs dans l’entreprise.

Lettre à votre employeur pour qu’il effectue une déclaration d’AT (accident du travail)
Un courrier à l’employeur peut s’avérer nécessaire pour qu’il fasse une déclaration d’AT si l’arrêt de travail est consécutif à un évènement survenu au travail ou une situation due au travail.
Voir notre modèle de lettre

La sécurité sociale fait une enquête de toute façon, c’est à elle qu’il appartient de déterminer s’il s’agit ou non d’un accident du travail (décision susceptible de recours).

La déclaration devra mentionner la date et la description du fait qui a provoqué l’arrêt afin que cela entre dans le cadre de la définition du fait accidentel (un évènement de caractère soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail à un salarié d’une entreprise qui lui cause un dommage corporel.)

L’Inspection du Travail en quelques chiffres (issus du rapport au BIT pour 2017)

  • 2016 agents de contrôle
  • 232 Unités de Contrôle (d’une dizaine de sections d’inspection du travail chacune), territoriales
  • 1 760 000 d’entreprises assujetties
  • 18,65 millions de salariés

Interventions : 262 524
Enquêtes et examens de documents : 125 084
Lettres d’observations : 161 334
Mises en demeure : 3 980
Procédures pénales engagées : 4 385
Sanctions administratives : 1 555
Arrêts et reprises de travaux ou d’activité : 6 068

Les articles des différents textes correspondant aux dispositions rappelées ci-dessus.

  • Convention 81 de l’OIT sur l’inspection du travail (instrument de référence universel en matière d’inspection du travail)
    Articles 1 à 15
  • Code du travail
    Articles L. 8112-1, 2 et 5, L. 8113-1 à 11(inspection du travail)
    Articles L. 1152-1 (harcèlement moral) ; L. 2312-59 (enquête du CSE) ; L. 2312-60 (Danger grave et imminent) ; L. 4121-1 à 5 (Principes généraux de prévention), R. 4121-1 à 4 (Document Unique d’Evaluation des Risques – DUER)
  • Code de la sécurité sociale
    Article L. 441-2 du code de la sécurité sociale.

 

Joindre l’inspection du travail : numéro unique des services de renseignements :

Téléphone de l'inspection du travail

(coût d’un appel local)

Joindre l’inspection du travail dans votre région :

Médiation

Dans une situation de conflits entre les salariés et leur entreprise, ou de conflits des salariés entre eux, la médiation peut parfois s’avérer un moyen pour rétablir le dialogue, puis de tenter un règlement amiable de ces conflits.

La médiation offre un cadre protégé dans lequel chaque partie va pouvoir exprimer son vécu de la situation, nommer ce qu’elle ressent et reproche à l’autre, discuter des caractéristiques et conséquences du conflit qui les oppose. Chacun va écouter et essayer de comprendre et reconsidérer le point de vue de l’autre, permettant ainsi de lever les incompréhensions. C’est en cela que la médiation recrée du lien social. L’échange permet de construire des solutions au problème opposant les parties, un protocole d’accord satisfaisant chacun des protagonistes. Au-delà de la gestion du conflit, la médiation a également pour objectif la réparation morale des personnes en souffrance.

Ce processus coopératif est favorisé par la personne du médiateur, qui se doit d’être neutre, bienveillant, discret, indépendant, impartial et de faire preuve d’écoute empathique. Ce dernier accompagne les parties tout au long du processus, tente de faciliter l’échange, de faire émerger des émotions ainsi que des valeurs communes chez les deux parties.

La médiation doit être une démarche volontaire, acceptée de plein gré par chacune des parties. Il est également nécessaire que toutes les personnes concernées soient de bonne foi, prêtes à accepter un compromis, La médiation ne peut avoir lieu sans ces conditions.

 

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