THÉATRE : «Nobody», les vices du bureau

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Cyril Teste dépeint la perversité et la violence du management contemporain, sous la forme d’une performance filmique minutée et anxiogène réussie.

Nobody ne se présente pas comme une pièce classique. Entre le public et la scène se dresse une paroi de verre. Derrière, un univers de bureaux, avec des employés et leurs ordinateurs portables, une salle de réunion, une photocopieuse. Au-dessus de la baie vitrée, un écran. Dès les premières minutes, Nobody annonce la couleur. Sur l’écran défile une sorte de manifeste, une charte en réalité : «Avec la performance filmique, nous projetons sur le plateau l’écriture d’un cinéma éphémère, qui n’existe que dans le présent du théâtre.» Après ce préalable un peu réglementaire, le spectacle commence derrière la vitre, tout en se prolongeant à l’écran. Les acteurs jouent à la fois devant le public et sous l’œil de caméras.
Tailleurs et chemises
Nous sommes plongés dans l’open space d’une entreprise de restructurations. Le personnage principal, Jean Personne, est un consultant apparemment brillant et sûr de lui, dont le public suit le cours des pensées par une voix off. L’univers apparaît policé, glacé, peuplé de tailleurs et de chemises bien repassées, de relations professionnelles feutrées. Les interprètes évoluent dans différentes situations : «case meeting», entretiens en binôme, accueil d’un stagiaire et même pot. La caméra se focalise sur un visage, une situation, un échange. Mais quand le viseur n’est pas sur eux, les acteurs continuent à jouer dans le hors-champ, conférant une intensité encore plus grande à l’ensemble.
Rapidement, l’atmosphère s’avère étouffante. Les collègues s’observent, se jaugent, se tirent dans les pattes. «Il avait toujours quelqu’un employé à voir si je travaillais efficacement», constate Jean Personne, qui pourtant se soumet à toutes les exigences du système et sacrifie sans états d’âme à l’injustice de la concurrence effrénée. «Je voulais tout faire tout bien pour éviter une restructuration.»
Le pire de la phraséologie managériale prend le dessus avec des expressions telles «chiffres de productivité», «poids mort pour l’entreprise». Le narrateur se crispe, semble perdre pied, revit des instants de sa vie privée, tente de se rebeller. Mais l’absurdité de ce théâtre social, c’est que la restructuration se joue aussi entre collègues, sans pitié. Nobody saisit les effets de la violence du système sur l’individu et le vide intérieur qui en résulte, sujets de prédilection du dramaturge allemand Falk Richter. «Je veux me barrer. Il y a quelque chose en moi qui hurle», dit Jean.

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Nobody m.s. Cyril Teste/Collectif MxM d’après les textes de Falk Richter.

  • PARIS :
    • Montfort Théâtre, 106 rue Brancion, 75015, jusqu’au 21 novembre ;
    • Festival Temps d’images#1, le Centquatre, Paris, les 8, 9 et 10 décembre à 21 h, le 12 décembre à 17 h et le 13 décembre à 15 h.
  • LILLE : Théatre du Nord, 4 Place Charles de Gaulle, Lille, du 27 novembre au 5 décembre ;

 

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