Journées sans fin, dossiers à la chaîne, burn-out : les magistrats français au bord de la crise de nerfs

09 juin 2019 | Burn Out, Stress Travail et Santé

Le Syndicat de la magistrature publie ce mardi une enquête sur la charge de travail dans la magistrature, et ses conséquences sur leur vie privée et professionnelle, mais aussi indirectement sur le fonctionnement de la justice en France, où elle est particulièrement mal dotée.

« Une magistrature au bord de la rupture et des professionnels ne tenant souvent plus que par passion pour leur métier, par conscience de l’importance de leur mission, ou par acharnement à faire face coûte que coûte » : voilà la conclusion que tire le Syndicat de la magistrature de cette enquête menée auprès de plusieurs centaines de professionnels (754 précisément, soit 9?% des magistrats de France), à tous les niveaux du système judiciaire.
Les magistrats travaillent beaucoup, souvent trop, dans des conditions difficiles, mais sans toujours s’en rendre compte, pris dans une sorte de bulle. L’un d’eux assure même que leurs « référentiels sont loin d’être la norme, on a en quelque sorte intériorisé qu’une journée de 10 et 12 heures n’était pas très grave »*.
C’est effectivement ce qui ressort de la première question posée, sur le temps de travail quotidien : 10,02 heures en moyenne, sans prendre en compte les périodes de pic d’activité, les permanences ou le travail réalisé le week-end ou pendant les congés. Près d’un quart des répondants disent travailler au moins 11 heures chaque jour.

« Ayant un enfant à charge, je quitte tous les soirs le tribunal à 18 heures (sauf jours d’audiences tardives ou semaines de permanence), je ramène les dossiers et je travaille chaque jour jusqu’à minuit », raconte un vice-président de TGI

Les week-ends ne sont pas épargnés. La proportion de magistrats interrogés qui ne travaillent jamais le samedi ou le dimanche (sauf lorsqu’ils sont de permanence) n’est que de 1,19?%. Près d’un quart d’entre eux (23,7?%) travaillent tous les week-ends qu’ils soient ou non de permanence, et 41?% au moins un week-end par mois.

« Ne pas le faire me conduit à culpabiliser, à tout le moins à ne pas vivre pleinement le temps de loisir pris car le retard s’accumule », explique un président de chambre en cour d’appel. Enfin, les trois quarts des magistrats qui ont répondu à l’enquête ont déjà travaillé pendant leurs congés. « Comment faire autrement pour ne pas être noyé ? », lance un procureur adjoint.

Des conséquences sur la vie privée, mais aussi sur la qualité des décisions

Cette surcharge de travail presque permanente n’est pas sans conséquences, en particulier sur la qualité des décisions rendues, des décisions qui ont pourtant un impact énorme sur la vie de leurs concitoyens. Pour presque tous les magistrats interrogés (78,24?%), la charge de travail a un impact sur la qualité du travail. « J’ai parfois l’impression de faire du travail à la chaîne », regrette un vice-procureur. « Il faut tenir un certain rythme, ce qui implique de survoler certains dossiers », reconnaît un juge.
Très concrètement, beaucoup de magistrats se plaignent d’avoir trop peu de temps pour la réflexion, la recherche juridique et l’actualisation des connaissances. Certains s’inquiètent même de rendre des décisions aux motivations « insuffisantes », voire de faire « des erreurs dues à une relecture insuffisante », ou encore de passer à un « traitement expéditif des contentieux de masse ».

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