La Haute Autorité de santé (HAS) prépare des recommandations à l’attention des médecins pour la prise en charge thérapeutique et l’accompagnement des personnes atteintes de burn-out.
En excluant la prévention et en intégrant la fragilité psychologique individuelle, la démarche inquiète des médecins du travail.
Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel, a le vent en poupe. Sa reconnaissance comme maladie professionnelle est l’un des chevaux de bataille de Benoît Hamon, vainqueur dimanche soir de la primaire socialiste. Et, depuis juin 2016, une mission d’information emmenée par le député frondeur Gérard Sebaoun, lui-même ancien médecin du travail, planche sur ce thème à l’Assemblée nationale. Son rapport devrait sortir d’ici la fin du premier trimestre.
Selon nos informations, la Haute Autorité de la santé (HAS) a également été saisie de cette question par un courrier de Marisol Touraine daté du 27 avril 2016. Dans les documents de travail de la HAS auxquels Santé & Travail a eu accès, il est indiqué que la ministre de la Santé a souhaité « l’élaboration de recommandations de bonne pratique à destination des médecins du travail et des médecins généralistes sur le repérage, la prévention et la prise en charge du syndrome d’épuisement professionnel (SEP) ou burn-out, ainsi que sur l’accompagnement des personnes lors de leur retour au travail ». Cette demande s’inscrit dans le troisième plan santé au travail (PST3), lequel prévoit de s’attaquer à la prévention des risques psychosociaux (RPS), notamment à celle du burn-out.
Exit la prévention
Sauf que, d’après les documents que nous nous sommes procurés, la version du projet de « fiche mémo »[1] soumise à des experts de différentes disciplines, à des associations de patients et à des organismes de recherche a d’emblée écarté la prévention. « Ces recommandations se limitent au volet clinique du thème : l’action sur le milieu et l’organisation du travail est exclue du champ de ces recommandations », peut-on lire dans le préambule. Celle-ci est « néanmoins indispensable dans une démarche de prévention primaire, secondaire ou tertiaire du burn-out », affirme l’un des documents de la HAS. Mais elle est renvoyée à un groupe de travail associant l’ensemble des responsables des ministères du Travail et de la Santé et des partenaires qui aborderont cette question dans le cadre du PST3.
Un choix qui étonne et inquiète plusieurs spécialistes de santé au travail que nous avons consultés. Ainsi, pour l’un d’entre eux, « ce “saucissonnage” n’est pas pertinent, surtout que les recommandations de la HAS s’adressent certes aux généralistes, mais aussi aux médecins du travail, lesquels sont chargés d’une mission exclusivement préventive ».
Pour Philippe Davezies, chercheur en médecine et santé au travail, « la confusion de départ [avant la saisine de la HAS, NDLR], c’est d’avoir fait du burn-out une maladie. Cela fausse tout le raisonnement. Le syndrome d’épuisement professionnel est une manifestation de la souffrance au travail, une spirale dangereuse qui peut déboucher sur des pathologies psychiques classiques, comme la dépression, ou sur des pathologies somatiques chroniques, comme les pathologies cardiaques. Pour éviter de basculer dans la maladie, la voie la plus sûre est d’aider les salariés à penser et à exprimer les conflits de logique non discutés auxquels ils se trouvent confrontés en situation de travail et qu’ils affrontent dans l’isolement ».
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(1) Les fiches mémo de la HAS sont des documents élaborés pour aider les professionnels de santé dans leur pratique.