Par Gérard VILON GUEZO, Avocat à la Cour, Docteur en droit privé/sciences criminelles, enseignant chercheur en droit pénal économique, Université d’Orléans, CRJ POTHIER
La caractérisation d’une faute inexcusable commise par l’employeur ou l’un de ses délégataires en matière de harcèlement moral a une incidence certaine sur le régime d’indemnisation de la victime.
Faute inexcusable découlant d’une obligation de sécurité de résultat
Depuis ses arrêts « amiante » en 2002 (Soc. 28 févr. 2002, n° 99-18.389 , D. 2002. 2696, note Prétot), la Cour de cassation a renoncé à sa traditionnelle conception de la faute inexcusable aussi bien dans le domaine des maladies professionnelles (arrêt précité) que dans celui des accidents du travail (Soc., 11 avr. 2002, n° 00-16.535 , Bull. civ. V, n° 127).
Dans ses nouvelles décisions, la Haute Juridiction énonce que l’employeur est désormais astreint, à l’égard de son salarié, à une obligation de sécurité de résultat et que toute méconnaissance de cette obligation est constitutive d’une faute inexcusable, lorsque « l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». Ainsi, un employeur ne peut ignorer ou s’affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences pour les salariés qui en sont victimes (Soc. 19 juin 2014, n° 13-18.323 ; Soc. 3 avr. 2014, n° 13-14.322 ; Civ. 2e , 8 nov. 2012, n° 11-23.855).
Faute inexcusable et octroi d’une indemnisation complémentaire
Lorsque la faute inexcusable est commise par l’employeur ou son délégataire, la victime (ou ses ayants droit) est fondée à solliciter une indemnisation complémentaire versée par la Caisse primaire d’assurance maladie (CSS, art. L. 452-1 s.), qui comprend une majoration de la rente d’incapacité (ou du capital versé si l’IPP est inférieure à 10 %), et l’indemnisation par la juridiction de la sécurité sociale de certains chefs de préjudice supplémentaires non habituellement pris en charge par la sécurité sociale. La liste non limitative des préjudices indemnisables limitative est prévue par l’art. L 452-3 du Code de la Sécurité Sociale qui mentionne notamment : les préjudices causés par les souffrances physiques et morales, les préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
Le contentieux de l’indemnisation de ces différents préjudices qui devrait être considérablement facilitée depuis les arrêts « amiante », devra, lui, être porté devant la juridiction de la sécurité sociale, désormais compétente pour connaître des actions en réparation de l’ensemble des préjudices, c’est-à-dire, non seulement ceux visés par l’art. L. 452-3 du Code de la Sécurité Sociale, mais également ceux non couverts par le livre IV du même code, (Civ. 2e, 30 juin 2011, n° 10-19.475) causés par la faute inexcusable de l’employeur (Cons. const. 18 juin 2010, n° 2010-8 QPC).
Nous noterons ici, s’agissant de la rente, que sa majoration est portée à son maximum en cas de faute inexcusable (Soc. 6 févr. 2003, n° 01-20.004 , Bull. civ. V, n° 48), peu important qu’un tiers ait contribué au dommage subi par le salarié (Civ. 2e, 2 nov. 2004, n° 03-30.206 , Bull. civ. II, n° 478).
Si le salarié fait l’objet d’un licenciement en raison d’une inaptitude résultant d’une maladie professionnelle conséquence, elle-même, d’une faute inexcusable de l’employeur, il sera fondé à solliciter l’indemnisation de cette perte d’emploi (Soc. 17 mai 2006, n° 04-47.455).
Il en sera de même pour les ayants droit, qu’ils soient ou non bénéficiaires d’une rente, des victimes décédées d’un accident du travail (suicide du salarié harcelé) ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur, qui pourront aussi prétendre à la réparation de leur préjudice moral (Civ. 2e, 22 juin 2004, n° 03-30.223 , Bull. civ. II, n° 306).
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