On connaît les épisodes des caquètements et autres « Madame le président » qui ont agité l’Hémicycle. Et côté bureaux ? Des collaboratrices parlementaires ont accepté de témoigner anonymement de certaines situations toxiques impliquant gestes déplacés, drague outrancière et licenciements abusifs de la part d’élus.
«Vous m’avez toujours plu. J’aimerais vous inviter à dîner pour faire plus ample connaissance.» Quand Clémence rétorque au député qui lui fait passer un entretien qu’elle ne cherche pas un rencart mais un emploi, il répond que certaines de ses collègues se sont montrées «plus avenantes». «J’étais jeune, j’ai fondu en larmes en sortant de la pièce», se rappelle cette ancienne collaboratrice parlementaire reconvertie dans la communication politique. Jolie brune pulpeuse, elle n’a pas coupé aux textos insistants («vous m’offrirez le café chez vous, la prochaine fois ?») ni à ce qu’elle nomme de la «drague très directe». Certains élus lui demandent si elle met des porte-jarretelles, si ça la brancherait d’aller dans un club échangiste ou de suivre l’un d’eux à l’hôtel. Pourtant, elle répugne à parler de harcèlement sexuel. Et assure s’en être tirée par des recadrages fermes ou grâce à l’humour. «Certaines aiment jouer ce petit jeu de séduction, il y a pas mal d’ambiguïté, tient-elle à préciser. On est sans cesse courtisées et ça fait partie des codes. On est assez grandes pour les éconduire. Mais pour les jeunes femmes qui viennent d’arriver, ce peut être délicat.» Une jeune collaboratrice a ainsi décidé de travailler hors du bureau lorsque son député s’y trouvait, lasse des regards appuyés et des sous-entendus. Elle a fini par démissionner pour rejoindre un autre parlementaire, raconte une de ses proches.
Culture du secret
Le harcèlement sexuel constitue-t-il un «secret de polichinelle» ou un «droit de cuissage» d’actualité à l’Assemblée, comme le dénonce une tribune publiée dans le Huffington Post ? «Ce sont des cas isolés. Il ne faut pas tomber dans un misérabilisme qui contribue à dévaloriser la fonction », soutient Gabrielle Planchard, coprésidente du Cercle des collaborateurs et attachés parlementaires (CCAP), situé à gauche. Même observation du côté de l’AFCP, l’Association française des collaborateurs parlementaires (droite-centre). «C’est très rare d’en entendre parler. On sait qu’untel se comporte mal et a fait des avances, ou envoyé des textos. Mais cela concerne un nombre très réduit de personnes», assure son président, Alphée Roche-Noël. La préférence pour le silence à la plainte pose toutefois problème. «Il y a peu de cas connus, notamment parce que celles qui rencontrent une difficulté préfèrent s’en aller plutôt que d’entamer des démarches. Ou, si elles en parlent, elles peuvent être découragées. Ça entretient les mœurs alors que chaque comportement devrait être sanctionné», ajoute Gabrielle Planchard.
Certains députés sont réputés «légers» mais la «culture du secret», évoquée par plusieurs assistantes, les protège du scandale. Et chacun gère, dans le silence des bureaux, ces situations. Barbara, collaboratrice parlementaire depuis une douzaine d’années, sait qu’on n’enverra jamais une jeune femme travailler pour certains, avec qui «elle ne tiendrait pas trois jours». Comme cet élu qui s’est fait interdire de mission à l’étranger après avoir «tripoté» une administratrice lors d’un voyage.
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