À l’Assemblée Nationale, la difficile lutte contre le harcèlement des collaborateurs

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Avec l’annonce de nouvelles mesures pour lutter contre le mal-être au travail de certains collaborateurs parlementaires, l’efficacité de la «cellule anti-harcèlement» du palais Bourbon est mise en cause.

«Ce n’est pas le cas de tout le monde, mais ça arrive». Lorsque les collaborateurs parlementaires évoquent les cas de harcèlement moral ou sexuel au sein du palais Bourbon, ils bottent rapidement en touche. Car si le problème est bien connu, la parole n’est pas tout à fait déliée. C’est la raison pour laquelle Richard Ferrand a annoncé mercredi un renforcement des «sanctions internes» en cas de harcèlement.

Jusque-là, le pouvoir de Christophe Pallez, déontologue de l’Assemblée Nationale, ne relevait que de la médiation. À moins que les faits soient suffisamment graves pour saisir la justice, il ne pouvait qu’encourager au dialogue et n’exercer aucune contrainte à l’égard du député. Avec une modification du code de déontologie, les députés seront désormais tenus à un «devoir d’exemplarité» et des sanctions internes à l’Assemblée pourront être appliquées.

L’objectif principal de cette évolution est surtout de relancer une dynamique autour de la cellule anti-harcèlement lancée en février 2020 au Palais Bourbon. Un dispositif téléphonique joignable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 par les collaborateurs comme par le personnel de l’Assemblée. L’initiative, saluée par les salariés de l’institution, peine cependant à libérer la parole. Avec seuls 24 appels en 2021 d’après le rapport annuel sur la déontologie publié mardi, la cellule déçoit, et pour plusieurs raisons.

Rapport déséquilibré

Victoria Jolly, collaboratrice parlementaire et présidente de l’Association des collaborateurs progressistes le constate par exemple : ses collègues harcelés ont davantage tendance à se tourner vers les associations ou les syndicats que vers la cellule. En cause, selon elle, le sentiment partagé d’un manque d’efficacité. «Quand un député est signalé pour la 4e fois depuis le début de la mandature, que tout le monde sait qu’il est profondément malveillant mais que rien ne bouge… Forcément, il y a une frustration».

Les annonces de Richard Ferrand pourront-elles encourager les collaborateurs concernés à parler ? Difficile à dire pour Victoria Jolly, car il règne selon elle un «vrai rapport déséquilibré entre le député et son employé». «Les collaborateurs ont le sentiment que signaler la situation ne pourra qu’empirer les choses. Ils n’ont pas la force de s’opposer à l’élu parce qu’ils savent que la balance penchera toujours en leur faveur». Alors, quand un collègue se tourne vers elle pour savoir quoi faire, elle les informe : la cellule n’est pas inutile selon elle, les 5 séances de psychologue financées «permettent de mettre des mots sur la situation, d’aider à comprendre que ce ne sont pas eux les responsables». En revanche, elle les prévient : «S‘ils veulent que la situation évolue vraiment, il faut plutôt démissionner».

Car collaborateur parlementaire est un métier particulier : il implique d’effectuer des horaires extensibles, d’être «joignable et mobilisable, même à 22 heures, raconte un collaborateur. Être contacté à 22 heures pour assister à une interview, c’est notre travail. En revanche, être harcelé de SMS sur des sujets qui ne sont pas professionnels, ça, c’est du harcèlement». Difficile, donc, de trouver un équilibre et de savoir où placer la limite avec son député employeur. En résulte un sentiment de culpabilité, l’impression de ne pas être à la hauteur face aux exigences de l’élu, et de fait une forme d’autocensure.

Pour Maxime Torrente, c’est l’aspect «téléphonique» de la cellule qui n’incite pas à s’exprimer. «Par téléphone, même si c’est anonyme, les collaborateurs ne mettent pas un visage sur leur interlocuteur et la relation de confiance est difficile à instaurer. Forcément, ils se demandent si la confiance ne va pas être rompue et si leurs confidences ne vont pas leur retomber dessus», explique le collaborateur parlementaire et représentant du syndicat CFE-CGC.

Lire la suite, « 577 députés, 577 PME« , sur le site www.lefigaro.fr

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