Bore et brown-out : ce travail qui ne fait plus sens

20 août 2019 | Stress Travail et Santé

Au fil des années, la souffrance au travail a pris plusieurs noms. Les concepts de bore-out et de brown-out font désormais partie des malaises plus ou moins récurrents chez certains salariés. Décryptage.

Les deux phénomènes du bore-out et du brown-out sont à distinguer. “Dans le cas du bore-out, on s’épuise à s’inventer des tâches que personne ne nous demande. Ce travail sans travail conduit les personnes à s’isoler, à culpabiliser. On ne se plaint pas quand on a un travail, on ne se plaint pas de ne rien avoir à faire ! Tellement de personnes sont surchargées ! C’est toute la confiance en soi qui est touchée mais aussi l’estime de soi”, expliquent Sandrine Ausset et Sylvie Serre, fondatrices du cabinet 600 phenix. En somme, le travail est d’un ennui à mourir. On tue le temps comme on peut en attendant que ça passe. Le cas de salariés souvent placardisés ou bien se mettant en retrait volontaire.
“Dans le cas du brown-out, on s’épuise à trouver du sens à notre travail, puis à notre vie car le sens est un besoin humain. On le fait pour le plaisir, pour obtenir un résultat ou tendre vers quelque chose qui est important pour nous”, ajoutent Sandrine Ausset et Sylvie Serre. Les salariés jugent les tâches absurdes et dénuées de toute forme d’intérêt. Pour un cadre, le sentiment en son for intérieur d’avoir fait le tour de son job en long, en large et en travers.
Ces syndromes de malaise au travail ont été diagnostiqués peu après les années 2000. Dans le cas du bore-out, le concept a été très bien décrit en 2007 par deux consultants d’affaires suisses, Peter Werder et Philippe Rothlin, dans leur ouvrage “Diagnose boreout”. Pour ce qui est du brown-out, on touche là initialement au secteur de l’électricité. Cela se traduit par une baisse volontaire ou involontaire de l’intensité pour éviter tout risque de surchauffe. “D’après une étude publiée par Corporate Balance Concepts, sur mille dirigeants américains interrogés, 40 % d’entre eux souffrent de brown-out”, note Pascal Grémiaux, fondateur d’Eurécia. Dans une étude cette fois-ci réalisée en novembre 2018 par Bilendi pour Indeed, le burn-out représentait le premier motif potentiel de départ des salariés (41 % des sondés). “Il est cependant rapidement rattrapé par le bore-out et le brown-out. Ce sont effectivement 27 % des sondés qui seraient prêts à quitter leur entreprise à cause du manque de sens offert par leur travail au quotidien et 13 % qui rêvent d’ailleurs, usés par l’ennui et le manque de défi de leur situation professionnelle”, explique Seval Foullane, responsable RH chez Indeed.

Identifier pour mieux soigner

Pour autant, si les anglicismes sont apparus récemment, les maux, eux, sont plus anciens. “Rien de nouveau sous le soleil, car bien que cette nouvelle terminologie soit nouvelle et tendance, elle ne fait que compléter la liste des malaises au travail. Ces phénomènes ne sont pas neufs, mais ils sont exacerbés par ces préoccupations nouvelles qui émergent depuis quelques années : le bien-être ou le bonheur au travail. Cette notion est relativement moderne et s’est développée en même temps que celle d’épanouissement au travail, d’équilibre vie professionnelle/vie privée, de gestion de la performance et, à l’opposé du spectre, de celle du harcèlement au travail ou de la pénibilité”, analyse Anna Gibert, coach professionnelle et psychologue du travail.
Il est toutefois nécessaire de théoriser ces nouvelles formes de souffrance professionnelles. “L’identification de ces phénomènes, de la quête difficile de sens (l’absurdité) à l’état d’ennui au travail (sous-sollicitation) tels qu’ils peuvent conduire à une forme d’épuisement général voire de dépression, permet également de ne plus seulement pointer la charge de travail comme unique cause de stress menant au burn-out”, note Elodie Brisset, psychologue sociale et co-fondatrice d’OurCompany, une application destinée à mesurer le bien-être au travail.
On le voit, les choses ne semblent pas aller en s’arrangeant. Surtout dans une économie où ceux qui ont du travail sont sous pression permanente car beaucoup d’entreprises continuent toujours à croire que cette pression est efficace et productive. “Ce n’est pas un hasard si des mots comme collectif, bienveillance ou encore sens reviennent dans les discours. C’est d’autant plus dommage que ce sont les meilleurs éléments qui finissent par se désengager ou tomber malade. On arrive donc à créer l’opposé de ce que l’on recherche en persistant dans cette croyance et à ne plus tirer parti des compétences des personnes”, analysent Sandrine Ausset et Sylvie Serre.

Tout peut se régler en amont

Pour éviter que ces syndromes tournent au vinaigre et conduisent à un burn-out plus grave, tous les experts s’accordent à dire que la prévention reste le meilleur des remèdes. Il est impératif d’impliquer davantage les ressources humaines. “Il est souhaitable d’organiser des rendez-vous réguliers, formels ou informels, tout au long de l’année avec un maximum de collaborateurs, même avec ceux qui ont l’air d’aller bien. L’idée est de repérer le plus tôt possible des dysfonctionnements dans un service. Ne pas hésiter à poser les questions suivantes : votre charge de travail est adaptée ? En avez-vous trop ? Pas assez ?  Ces questions sont certes déjà posées à l’occasion de l’entretien annuel de performance. Mais l’idée ici est d’anticiper au maximum”, préconise Anna Gibert.

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