Appuyé sur l’analyse des pratiques de travailleurs Uber du Québec, cet article [en date de l’année 2024] propose de cerner les enjeux de santé soulevés par l’organisation du travail sur la plateforme.
Résumé – Chauffeur Uber : des situations menaçantes pour la santé
Les résultats pointent vers des problèmes de dépendance à l’activité, de désocialisation et de solitude, et montrent en quoi la plateformisation du travail contribue à détourner le sens du et au travail, en faisant passer le collectif pour une menace plutôt qu’une ressource.
Autant de situations menaçantes pour la santé, d’autant plus pernicieuses que le système paradoxant de Uber rend difficile la mise à jour des contradictions qui en sont la source.
Début de l’article :
Fondée en 2009 aux États-Unis, Uber opère aujourd’hui dans 10 000 villes avec près de 5 millions de chauffeurs.
Au Québec, en octobre 2020, la province comptait près de 21 000 chauffeurs et livreurs Uber. Le succès et la croissance de la compagnie se sont construits avant tout sur une rhétorique centrée sur les valeurs d’innovation, d’autonomie et de flexibilité.
Plusieurs gouvernements se sont montrés réceptifs aux arguments de l’entreprise prônant le caractère disruptif de son modèle et la nécessité de déréguler l’industrie du taxi (Davies et al., 2022).
Du côté des chauffeurs, Uber les attire en brandissant deux grandes valeurs : l’autonomie et la liberté. L’inscription en ligne se fait en quelques clics et, théoriquement, la réalisation de l’activité ne demande qu’à suivre les instructions de l’application, les chauffeurs pouvant se connecter et se déconnecter de l’application quand ils le souhaitent.
Néanmoins, de nombreuses études et enquêtes journalistiques ont déconstruit ces images d’Épinal en révélant les techniques de gamification mises en œuvre par l’entreprise pour influencer où, quand et pour combien de temps les chauffeurs et livreurs se connectent à l’application (Mason, 2018 ; Rosenblat, 2018 ; Scheiber, 2017 ; Vasudenan & Chan, 2022). Il peut s’agir de badges, de bonus financiers ou encore de système de points, associés à des niveaux qui octroient plus ou moins de privilèges.
La multiplication des études empiriques documentant les pratiques réelles du travail sur les plateformes a mené à l’élévation de voix plus sceptiques contrastant avec les visions d’abord optimistes et enthousiastes…
Un article de la revue Communication & management, 2024/1: « Plateformes, organisations et injonctions au travail »
ENEL Lucie, MILLERAND Florence, AUROUSSEAU Chantal, « Être chauffeur Uber : les enjeux de santé d’une organisation du travail atomisante et paradoxante », Communication & management, 2024/1 (Vol. 21), p. 23-40.
DOI : 10.3917/comma.204.0023. URL : https://www.cairn.info/revue-communication-et-management-2024-1-page-23.htm
Suivez Souffrance & Travail sur notre nouvelle page LinkedIn
https://www.linkedin.com/company/reseau-souffrance-et-travail